Essai
Nouvelle parution
J. Altounian, De la cure à l'écriture

J. Altounian, De la cure à l'écriture

Publié le par Nicolas Geneix

Janine Altounian, De la cure à l'écriture

Presses Universitaires de France, 2012.

240 p.

EAN 9782130607076

27,00 EUR

Présentation de l'éditeur :

Dans ce livre sur la transmission, l’auteur illustre par des exemples personnels le rapport existant entre le travail de la cure et celui de l’écriture lors de l’élaboration d’un héritage traumatique : écrire, c’est-à-dire traduire au monde, ressenti comme étranger au désastre familial, l’espace mortifère d’un héritage psychique peut faire partie intégrante de cette élaboration. Toute publication visant à socialiser une subjectivité que la cure laisse peu à peu émerger d’un monde frappé d’invisibilité relance en effet le travail inconscient sur une voie novatrice en dessinant de nouveaux contours à l’intériorité de l’analysant/écrivant.
Le parcours analytique esquissé ici cherche à témoigner de ce qui s’est transmis aux descendants des survivants, tous disparus à présent, du génocide arménien de 1915, nié par l’État turc. Aboutissant à la réappropriation et à l’amour de cette transmission, il peut être lu comme un cas clinique intéressant les psychanalystes et les héritiers de diverses catastrophes historiques. Il montre par ailleurs combien une telle élaboration est également tributaire du poids des valeurs démocratiques au sein du pays d’accueil des survivants.

Table des matières :

Introduction : Traduire pour hériter, écrire pour pouvoir aimer

Chapitre 1. – De la traduction d’une langue vivante à celle d’une langue absente
Plaisir et renoncement à l’origine de toute traduction
L’enfant de survivants est condamné à traduire
La cure et l’écriture face à une transmission traumatique hors langage
Inadéquation à la traduction de l’expérience des survivants
Portée politique de l’amour des mots traducteurs de l’héritage
Vertu analytique d’un atelier de traduction

Chapitre 2. – Un héritage traumatique grevé d’un double sacrifice
Au-delà de la destruction des hommes, la destruction des liens
Mutilation des liens dans les témoignages de survivants rwandais
Rupture des liens avec le monde dans le témoignage de Jean Améry
Endommagement des capacités d’autonomisation chez ceux qui connurent la terreur
Atmosphère fusionnelle et empiètement dans les familles de rescapés
Refus de l’autonomie de l’enfant devenu « objet fétiche »
Les survivants sont doublement victimes
Limites du modèle oedipien

Chapitre 3. – L’amour paradoxal d’un héritage terrifiant
La disparition des survivants inaugure un autre espace-temps
Hommage à la mémoire de ces témoins désormais absents
L’alliage d’un attachement mêlé de terreur
Dégagement de ce lien paradoxal : de l’évitement d’un texte à sa publication
Une absence de mémoire confrontée à un événement politique
Dire la vérité se vit comme une transgression

Chapitre 4. – L’échec du refoulement, première stratégie d’élaboration
Indices après coup de minirefoulements successifs
L’incrédulité comme signe de refoulement selon Freud
La lecture simultanée de deux témoignages fait échec au refoulement
Existence chez Varham Altounian et Yervant Odian des mêmes repères identificatoires : le pays, le travail, la langue
Même station aux lieux de la mort : Deir es-Zor
Mêmes survivances de l’humain dans l’hospitalité, voire le picaresque
Même attachement des déportéses à leur culture et traditions
Même bon sens mis au service des stratégies de survie

Chapitre 5. – L’élaboration d’un héritage traumatique par déplacement dans le temps
Temps de latence chez les écrivains témoins
Exemple personnel illustrant
Hériter se faire au terme d’un travail
Une réminiscence en deux temps, un rappel en trois temps
Mise au monde d’un témoignage de survivant
Mise en doute de la pertinence actuelle d’un tel parcours

Chapitre 6. – L’élaboration par déplacement dans l’espace politico-culturel du tiers
La laïcité démocratique, facteur favorisant l’élaboration du trauma
Ambivalence meurtrière/salvatrice des démocraties selon Castoriadis
Analyse d’une scène emblématique de fonctionnement démocratique
Une signature qui s’acquiert au terme de vingt-trois années
Comment se soustraire à l’emprise d’un passé traumatique ?
La création d’une situation inédite d’interlocution
L’instauration d’un tiers, puisqu’il n’y en eut pas lors du crime
Dénonciation par un éminent helléniste, Victor Bernard, de l’abstentionnisme du tiers européen
D’un continent à un autre, d’un siècle à l’autre, pérennité des techniques d’extermination

Chapitre 7. – L’écriture comme appropriation et amour de l’héritage
De la faim du corps à l’appétence de mots : l’obligation d’écrire
Sans pain, sans parole, sans nom, sans identité, sans langue maternelle
La langue maternelle, dernier bien et dernier lien pour Hannah Arendt
L’écriture d’Appenfeld : un don d’amour envers un monde assassiné
L’écriture mène à la foi protectrice des aïeux
L’écriture instaure l’altérité d’instance tutélaire
L’écriture relie à une tradition familiale narcissisante
L’écrit est le seul lieu d’implantation des disparus
Une résistance par amour de ses appartenances
« Faire un travail » pour échapper à l’angoisse
Ne porter son attention qu’aux seuls objets à sauver
Observer les rituels et les urgences de la condition humaine
Sauvegarder son identité en solidarité avec les siens
Écrire pour ressentir des affects non éprouvés en leur temps
Passez d’une aïeule à l’autre, ou de la déportation à l’exil
Écrire pour contenir ce qui excède
Les ombres de la mémoires appellent l’écriture
Hommage aux mères de notre petite enfance, par amour pour leurs paroles ou leurs silences

Janine Altounian, essayiste, est par ailleurs cotraductrice et responsable de l’harmonisation des Oeuvres complètes de Freud, aux PUF, sous la direction de Jean Laplanche. Née à Paris de parents arméniens rescapés du génocide de 1915, elle travaille sur la « traduction » de ce qui se transmet d’un trauma collectif aux héritiers des survivants.