Séminaire Général de l'ITEM
"Genèses théâtrales"
lundi 7 février 2005, à 16 h
29, rue d'Ulm, 75 005 Paris
(salle Jules Ferry, au sous-sol)
Dominique BUDOR :
Le "chantier" Pirandello
Sans nul doute, le cas Pirandello apporte aux généticiens plus de questionnements que de réponses. Mais c’est justement à ce titre qu’il me semble pouvoir contribuer à sous-tendre les réflexions de notre séminaire général.
L’œuvre entier fonctionne comme un immense « chantier » où, dans une extrême porosité des catégories génériques, circulent des « pièces » (au sens de pezzi = morceaux) démontées et remontées sans relâche. Et il ne s’agit pas seulement ici d’évoquer le procédé de la « dérivation » qui porte d’un texte narratif à un texte dramatique mais plutôt une poétique du “faire” et de l’instabilité textuelle. Aussi les frontières entre les disciplines (critique des sources, poïétique, génétique, sémiologie) exigent-elles d’être à la fois précisées et franchies en vue de la définition, difficile ou peut-être impossible, de processus génétiques qui ressortiraient exclusivement au champ théâtral. Les traces à disposition du chercheur apparaissent par ailleurs incomplètes en termes de campagnes d’écriture, le plus souvent lacunaires quand on les considère texte par texte ou même état par état : et ce, au vu de données contingentes (la dispersion géographique et institutionnelle des manuscrits, tapuscrits ou supports matériels divers attestant de l’élaboration des spectacles…) mais aussi parce que les habitudes de gestion par Pirandello de ses papiers ou livres interdisent un repérage stable de ce qui existe encore et surtout de ce qui a existé.
De cet ensemble éclaté, le généticien peut cependant induire quelques règles de l’écriture pirandellienne : tendance à la rétention et gestion de l’exhibition, « dramaturgie préventive » très directive, « dramaturgie de bilan » parfois accueillante, peur de la perte du « théâtre de mots » et désir du spectacle…
Les conclusions, provisoires et partielles, soulignent dès lors la forte responsabilité du chercheur non seulement dans l’interprétation des matériaux génétiques mais, préalablement, dans la constitution même de l’objet de sa recherche, le choix de ses méthodes, la modulation de ses visées. Ces données, certes inhérentes à toute recherche et à toute recherche génétique, sont particulièrement prégnantes dans le cas Pirandello.
Dominique BUDOR