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ITEM : Génèses théatrales (Brigitte Jaques-Wajeman)

ITEM : Génèses théatrales (Brigitte Jaques-Wajeman)

Publié le par François Lermigeaux

L'ITEM (CNRS-ENS) vous invite à la dernière séance de son séminaire général "Genèses théâtrales" (coordonné par Almuth Grésillon et Dominique Budor), le 30 mai 2005, de 16 h à 18 h (salle Jules Ferry, 29 rue d'ULM, 75 005 Paris).

       Brigitte Jaques-Wajeman, "Naissance d'une mise en scène"

À l'invitation de l'Institut des Textes et Manuscrits Modernes (CNRS, ENS), je me propose de retracer la genèse de la mise en scène de Britannicus que l'on peut voir actuellement et jusqu'au 30 juin 2005 au théâtre du Vieux-Colombier. Il s'agira de cerner au plus près le surgissement du "désir de mettre en scène" et d'en suivre le développement jusqu'à sa réalisation. Un atelier de cinq semaines mené en 2001, prétexte d'un travail sur le vers avec de jeunes comédiens en est à l'origine. En 2002, suite au succès de Ruy Blas dans la salle Richelieu, je propose la mise en scène de Britannicus pour la salle du Vieux-Colombier (300 places) avec, dans le rôle d'Agrippine, Dominique Constanza et dans le rôle de Néron, Alexandre Pavloff, jeune comédien qui vient d'être nommé sociétaire. Le projet est accepté et programmé pour la saison 2003-2004. Commence alors, un long temps de réflexion et de travail mené avec Emmanuel Peduzzi, scénographe et costumier. Que donner à voir, en effet ? Quel décor ? Quels costumes ? Plusieurs maquettes sont réalisées avant d'aboutir au choix du décor tel qu'on peut le découvrir sur la scène aujourd'hui. Cette phase de travail progressive et plutôt erratique est l'un des moments clefs de la gestation de la mise en scène. Elle est accompagnée d'une réflexion dramaturgique intense, sur le sens du spectacle. Britannicus est l'occasion pour Racine d'une méditation sur le mal. À un moment du travail avec le scénographe, il m'a paru nécessaire de figurer sur la scène la terreur et la jouissance criminelles qui sont en jeu dans la pièce. Je décrirai comment, d'une idée de quartier de boeuf enveloppé dans un plastique transparent et pendu à un crochet sur la scène, nous en sommes venus à l'invention d'un objet énigmatique fait de lanières plastique ensanglantées composant une sorte de colonne mouvante suspendue aux cintres qui avance ou recule au gré des scènes. Cet objet, presque organique, qu'on appelle « la bête », ou « l'alien » est un partenaire essentiel des acteurs. Je décrirai également comment est née, corrélativement au décor, la décision de réaliser des costumes modernes plus propres à une chorégraphie (Pina Bausch) qu'au théâtre, et pouvant évoquer le cinéma (de Visconti à Cronenberg). Enfin, une fois choisis l'espace, les costumes et les accessoires, vient le temps des répétitions avec les acteurs : la mise en scène des corps (dansants, souffrants) et des voix (du murmure au cri) a été l'enjeu essentiel de la direction d'acteur dans ce théâtre de mots. En conclusion, je m'aperçois combien les arts non théâtraux - danse, musique, arts plastiques, cinéma et littérature - ont nourri cette mise en scène et lui ont donné paradoxalement sa liberté théâtrale.

Brigitte Jaques-Wajeman