Questions de société
Invention sécuritaire et violence pure: appel à une éthique de la résistance, par P. Maillard (Mediapart 26/08/10)

Invention sécuritaire et violence pure: appel à une éthique de la résistance, par P. Maillard (Mediapart 26/08/10)

Publié le par Bérenger Boulay

[ 4, 6, 7, 8 septembre 2010 ]

Les invités de Mediapart -26/08/10 :

Invention sécuritaire et violence pure: appel à une éthique de la résistance

Pascal Maillard, qui conduit des recherches sur les rapports entre littérature et politique à l'université de Strasbourg, propose une réflexion d'ensemble sur «l'insécurité et la xénophobie d'Etat». Face à la «violence pure» du gouvernement, il appelle à «une éthique de la résistance».

A Toni Gatlif, aux « Bohémiens en voyage », à tous les sans-papiers,
        « Aux captifs, aux vaincus !... à bien d'autres encor ! »

Peu le voient. Certains commencent à le soupçonner. La chose transpire dans maintes analyses, mais n'accède pas à une formulation directe, comme si cette vérité devait demeurer forclose en raison de sa monstruosité. Comme si au coeur de cette évidence il y avait un vide impensable. Il est urgent pourtant d'en formuler au moins l'hypothèse et d'en interroger la validité : le premier agent de l'insécurité, de la xénophobie et de la violence est devenu aujourd'hui notre gouvernement, leur principal producteur notre Etat, leur premier responsable notre président.

C'est un fait unique dans l'histoire de notre République finissante : un homme a inventé l'insécurité et la xénophobie d'Etat comme stratégie de gouvernement et arme politique. Il les a inventées et mises en oeuvre méthodiquement, intentionnellement. Non seulement comme un moyen de reprendre la main quand les plus graves soupçons pèsent sur le sommet de l'Etat et sur le parti majoritaire, non comme une simple « diversion » circonstancielle et communicationnelle en période de grave crise économique et sociale, mais bien comme un continuum idéologique et une pratique politique destinée à asseoir et conserver un pouvoir qui nous fait sortir un peu plus chaque jour de la légalité républicaine, des règles démocratiques et du respect de nos institutions.

Les théories d'une rupture politique ou d'un virage récent vers l'inadmissible - « durcissement », « radicalisation », lit-on un peu partout - sont aujourd'hui insuffisantes. Sarkozy et ses conseillers ont inventé l'insécurité programmatique, l'insécurité comme programme électoral et projet politique. Ni diversion, ni dérive, mais une ligne idéologique, un choix délibéré, pensé et assumé, un système avec des fondamentaux puisés directement dans la pensée de l'extrême droite, avec son langage propre, son révisionnisme de l'histoire, son gouvernement par la peur et cette violence pure qu'il faut bien commencer à penser afin d'identifier ce contre quoi nous avons à nous battre.

On ne lira pas dans les quelques réflexions qui suivent un déni d'insécurité. Le problème social, politique, économique est bien là. Il est même criant, toujours en attente de véritables solutions malgré la vingtaine de lois[i] relatives à la sécurité promulguées depuis 2002 sous la responsabilité directe de notre actuel président et dont on est en droit de douter de l'efficacité. Mais les cris de souffrance dans les quartiers difficiles sont aujourd'hui inaudibles, masqués par la doxa sécuritaire et xénophobe que véhiculent des médias dont la pratique quotidienne est de relayer la peur, la bêtise et la haine distillées par l'Etat et sa machine sécuritaire.

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