"Indiscipline: une ambition pour les disciplines?" conférence-débat, L. Loty / M. Suchet (Paris)
Séminaire « L’indiscipline : une ambition pour les disciplines ? »
organisé par Lia Kurts-Wöste
École doctorale « Montaigne Humanités », Université Michel de Montaigne Bordeaux 3
et Maison Heinrich Heine, Paris
2017-2019
Conférence-débat du lundi 17 juin 2019, 19h30-21h30, Maison Heinrich Heine, Paris
Laurent Loty et Myriam Suchet : dialogue entre un indisciplinaire et une indisciplinée en quête d’une recherche créatrice et instituante
Organisation et modération : Lia Kurts-Wöste
Laurent Loty, « Indisciplinarité : pratique paradoxale, liberté créatrice, effets pervers, enjeu humaniste »
À la différence de pluri-, inter- ou transdisciplinarité, le mot indisciplinarité aborde frontalement un paradoxe majeur des disciplines, indispensables à la transmission et à l’élaboration du savoir, mais susceptibles de scléroser la pensée et d’empêcher la découverte. Le choix d’« indisciplinarité » plutôt qu’« indiscipline » mérite ici discussion : cela relève d’une stratégie en contexte institutionnel, mais aussi d’une sensibilité aux possibles effets pervers de l’indisciplinarité elle-même, qui s’ajouteraient à certains effets néfastes de que l’on appelle interdisciplinarité.
La pratique indisciplinaire doit aussi dépasser la seule dimension négative du refus des œillères disciplinaires, et s’associer à la dimension positive d’une démarche heuristique : enquête sérendipienne (processus interprétatif dénué de hasard), dialogisme et réflexivité, activité de synthèse (propice à la découverte par la mise en rapport).
Les enjeux de l’indisciplinarité dépassent le renouvellement des disciplines ou l’émergence de nouveaux savoirs. En une époque qui a fini par croire en la fatalité de l’hyperspécialisation, ou en la dissociation absolue des sciences de l’homme et des sciences de la nature, il s’agit, après les humanités de la Renaissance ou l’encyclopédisme des Lumières, de pratiquer un humanisme, associant savoir et transmission, esprit critique et création, au service des êtres humains.
Myriam Suchet, « L’indiscipline comme recherche-action-création en mode relationnel : contre-point hétérolingue et invitation au dialogue »
À la manière d’un poisson rouge dans son bocal, nous croyons évoluer dans notre « langue maternelle », ou dans notre « discipline », comme dans un milieu naturel : les parois en sont si transparentes !Basculer dans l’imaginaire hétérolingue amène à concevoir non seulement l’existence d’autres langues (le pluri- ou le multi-linguisme), mais bien « la langue » autrement. De même, la perspective indisciplinée n’invite pas seulement à remembrer les disciplines existantes (inter- ou trans-disciplinarité), mais surtout à dénaturaliser les frontières qui cloisonnent les savoirs et les séparent de l’action aussi bien que de la création.
Prenant résolument le parti de l’indiscipline, je propose de traduire la formule « recherche-création » depuis le québécois à rebrousse-poil, de sorte à envisager la première comme une forme de la seconde. Il y va de la responsabilité qui, selon moi, incombe à l’UniverCité en tant que laboratoire en acte de transformations multiples.
Désireuse d’activer au mieux le potentiel relationnel de cette indiscipline, je proposerai avant tout un écho à l’exposé de Laurent Loty : il s’agira de partager quelques études de cas et d’aller à la rencontre de quelques lucioles pour mieux nous trouver, nous perdre ensemble, et prolonger la discussion selon les lignes de désir qui émergeront en situation.
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Laurent Loty a enseigné les Lettres du collège à l’Université, travaillé sur l’histoire des théories de l’évolution, et présidé la Société française pour l’histoire des sciences de l’homme. Historien des mots, des imaginaires et des idées scientifiques et politiques au CNRS, il enquête sur les conditions de l’invention, sur nos représentations de l’individu et de la société, et sur l’humanisme de l’imprimerie au numérique. Il a récemment coédité Espritde Diderot(2013), codirigé Vers une économie « humaine » ?(2014) et le Dictionnaire des anti-Lumières(2017), dirigé Tolérance, laïcité et islamisme(en ligne, 2018). Anti-fataliste, il anime le programme « Alterréalisme » d’incitation à l’écriture de fictions utopiques et juridiques. Quelques articles :
·« Pour l'indisciplinarité » [2000], The Interdisciplinary Century, Voltaire Foundation, 2005
·« Sérendipité et indisciplinarité », avec S. Catellin, Hermès 67, 2013 : https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2013-3-page-32.htm
·« L’invention du transformisme par Rétif de la Bretonne (1781 et 1796) », Alliage70, 2012
·« L’optimisme contre l’utopie : une lutte idéologique et sémantique», Europe985, mai 2011
·« Un roman du réseaude V. Taquin. Enjeux culturels d’une fiction réticulaire interprétée sur Mediapart », Numérique et écriture littéraire, Hermann, 2015.
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Myriam Suchet vit et travaille à Paris, à Montpellier, à Montréal, et entre-deux ou trois. Titulaire d’un doctorat in Humanities, elle dirige le Centre d’études québécoises de l'Université Sorbonne Nouvelle—Paris 3 depuis sa création en 2012. Son travail consiste à développer un imaginaire hétérolingue qui bouscule « la langue » pour penser-pratiquer la traduction comme une forme de relation et la recherche comme une action-création (ou inversement). Parmi ses publications et interventions :
·Indiscipline! Tentatives d’UniverCité à l’usage des littégraphistes, artistechniciens et autres philopraticiens, Montréal, Nota Bene, « Indiscipline », 2016.
·L’Imaginaire hétérolingue. Ce que nous apprennent les textes à la croisée des langues, Paris, Classiques Garnier, « Littérature et mondialisation », 2015.
·Outils pour une traduction postcoloniale, Paris, Archives contemporaines, « Malfini », 2010.
·« Histoire courte » réalisée par Anne Papillaudet Jean-François Dars en 2017 disponible en ligne http://histoires-courtes.fr/v.html?subject=Suchet_Myriam(Images © Jean-François Dars)
·Entretien mené par David Christoffel audible en ligne :
http://www.rts.ch/play/radio/nectar/audio/comment-garder-la-langue-vivante-?id=9119193