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Imaginaires et pratiques de paix en temps de guerre (1914-1918)

Imaginaires et pratiques de paix en temps de guerre (1914-1918)

Publié le par Emilien Sermier (Source : Stéphane Tison et Jean-Michel Guieu)

Comité scientifique : Thierry Bonzon (Université de Paris-Est Marne-la-Vallée), Carl Bouchard (Université de Montréal), Rémi Fabre (Université de Paris-Est-Créteil), Jean-Michel Guieu (Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne), Jean-François Jagielski (CRID 14-18), Stanislas Jeannesson (Université de Nantes), Emmanuel Saint-Fuscien (EHESS), Stéphane Tison (Université du Maine).

            La porosité des cultures de paix et de guerre s’effectue dans le temps du conflit avec ses propres modalités qu’il conviendra d’interroger et ses temporalités qu’il faudra tenter de mesurer et d’identifier. Deux approches peuvent être ici considérées comme les fils conducteurs de la réflexion à mener : l’analyse de ce que l’historien britannique Martin Ceadel a défini comme « le sentiment de la paix » qui passe par une expérience au moins d’une sécurité ; l’étude du discours sur la paix, qui peut être autant instrumentalisé que revendicatif comme l'avait montré en 2006 le colloque Paroles de Paix en temps de guerre, abordant à la marge la Grande Guerre. La paix doit être ici entendue comme une aspiration, une expérience et un discours, dont il s'agira de saisir les relations et les lieux de leur pratique, en décrivant les formes sociales et culturelles des représentations de cet « horizon d’attente » (Reinhart Kosseleck) des sociétés en guerre entre 1914 et 1918. Quelle place reste-t-il à la paix dans ce temps de guerre ?

 

Plusieurs thématiques pourront être abordées :

 

  •  La paix comme souvenance de l’avant-guerre.

Dans quelle mesure la guerre anéantit-elle les imaginaires et les pratiques forgées durant les longues décennies de paix qui ont précédé le déclenchement du conflit ? Le souvenir de la vie d’avant est-il effacé par l’expérience de la guerre, par la mobilisation de toutes les activités et la focalisation des pensées sur la ligne de feu ? L’étude des références à l’avant-guerre dans les correspondances mérite une attention particulière. Cette réflexion pourra être située socialement pour mieux comprendre comment les différentes classes sociales maintiennent ou organisent ces moments de sociabilité issus de l’avant-guerre. Le mythe de la Belle Epoque, comme nostalgie du temps de paix, dont on pourra chercher à faire l’archéologie, se dessine-t-il pendant le conflit ?

 

  • La paix imaginée, rêvée.

À travers les différents supports que sont les journaux de tranchées, les cartes postales, le dessin ou la caricature, les carnets et journaux de guerre, les chansons, apparaissent des représentations multiples de la paix. Il s’agira de saisir dans ces productions littéraires et artistiques les références culturelles et/ou politiques dans leurs agencements et leurs variations au cours des 52 mois du conflit.

 

  • La paix comme expérience temporaire.

Si les sociétés européennes s’inscrivent massivement dans l’effort de guerre, comment au quotidien des moments de paix sont-ils toutefois ménagés ? Si les fraternisations pourront être abordées, comme une forme temporaire de paix entre ennemis parmi les plus explicites, d’autres expériences méritent l’attention. Comment le souvenir, l’aspiration, les expériences de la paix aident-elles à traverser la guerre, à surmonter l’épreuve ? Comment les soldats reconstituent-ils des moments de paix afin que leur existence ne soit pas totalement envahie par la seule expérience du combat ? Permissions, loisirs, spectacles et sports aux armées y contribuent. Dans quelle mesure le soldat s’autorise-t-il ou est-il autorisé à jouir de la vie ? Dans quelle mesure cette possibilité s’accommode-t-elle de l’injonction à poursuivre l’effort de guerre ? Et avec quelle efficacité dans la durée ?

 

  • La paix comme revendication.

Certains combattants semblent même prêts à faire passer la paix avant la victoire, quitte à déplaire à leur famille et à l’arrière. Dans quelle mesure ce désir de paix témoigne-t-il d’une démoralisation ponctuelle ou plus profonde des combattants ? Quel rôle joue-t-il dans les actes de désobéissance collective et les mutineries ? Comment ce désir de paix s’exprime-t-il également à l’arrière, notamment lors des grèves de 1917-1918 ? Face à un conflit qui s’installe dans la durée, comment « la paix par la victoire », qui semble initialement seule acceptable, est-elle progressivement contestée par d’autres formules exprimées par certains secteurs de l’opinion ou certaines personnalités ? Il s’agira également de revenir sur les tentatives de paix négociée, de contacts entre diplomaties ou intermédiaires plus ou moins officieux, permettant de saisir l’ambivalence du couple guerre/paix. En effet, la paix n'est pas seulement une alternative à la guerre, elle peut aussi être perçue comme son accomplissement (les buts de guerre sont aussi des objectifs de paix) dans la victoire et la conquête. Dans certains cas, le discours pacifiste est d'ailleurs inséparable du discours belliciste et s'accompagne de postures et de gestes bellicistes qui l'entrecroisent : c'est toujours pour la paix qu'on se bat. Le discours pacifiste comme « discours de compensation » doit être ainsi analysé.

 

  • La paix à bâtir.

Malgré la censure et les risques d’accusation de « défaitisme », la Première Guerre mondiale a suscité comme jamais auparavant une vaste réflexion sur la paix future et les moyens de parvenir durablement à un ordre international pacifique. Dans quelle mesure ces divers projets ont-ils pu orienter la formulation des buts de paix des gouvernements belligérants ? Il s’agira ici de mieux saisir en quoi l'expérience de la guerre infléchit la façon dont l'organisation de la paix est pensée, quels médiateurs ou lieux de médiation demeurent ou apparaissent à un moment où la limite entre pensée pour la paix et défaitisme est infime.

Ainsi pourra-t-on mieux saisir les ambiguïtés du discours de la paix, la censure autour de la paix, l'instrumentalisation de la paix, de même que l’articulation d’une culture guerrière mobilisée pour vaincre et les aspirations à l’arbitrage, à la conciliation, à la paix.

Les propositions de communications (3 000 signes environ), accompagnées d’une courte notice biographique de leur auteur (mentionnant notamment leurs travaux en rapport avec le thème du colloque), doivent être envoyées (fichier attaché en format word ou pdf) aux organisateurs au plus tard le 15 septembre 2014 :

 Jean-Michel GUIEU, Maître de conférences en Histoire contemporaine (Université Paris I Panthéon-Sorbonne)

Jean-Michel.Guieu@univ-paris1.fr

Stéphane TISON, Maître de conférences en Histoire contemporaine (Université du Maine)

Stephane.Tison@univ-lemans.fr

 

Colloque labellisé par la mission du centenaire et organisé en partenariat avec l’Université du Maine, le Centre de recherches historiques de l’Ouest, l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, le LabEx « Ecrire une histoire nouvelle de l’Europe » et l’IHEDN.