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Décaméron-19 – lundi.am

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Publié le par Aurelien Maignant

Décaméron-19 – lundi.am

 

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PRÉSENTATION

« Nous avons besoin d’une pandémie métaphysique », a récemment requis le philosophe Markus Gabriel en réaction au Corona virus et aux mesures politiques de confinement des États-nations. Et de poursuivre : "Pourquoi le virus devrait-il être impressionné par le fait que la frontière entre l’Allemagne et la France est fermée ? Pourquoi l’Espagne est-elle une entité qui doit maintenant être séparée des autres pays afin d’endiguer le virus ? (...) La pandémie touche tous les hommes. Elle prouve que nous sommes tous liés par un lien invisible, notre condition humaine. Face au virus, tous les hommes sont égaux. Oui : face au virus, tous les hommes sont a priori des hommes, c’est-à-dire des animaux d’une certaine espèce qui s’offre, pour beaucoup, comme l’hôte d’une reproduction mortelle.

C’est le printemps ! Maintenant qu’un milliard d’individus est tenu de rester chez lui, je me suis dit qu’il serait simple et vrai de faire enregistrer chaque nouvelle par des actrices et des acteurs de plusieurs pays, en plusieurs langues. J’ai écrit aux acteurs que je connais en France, mais également en Autriche, en Allemagne, en Italie, en Suisse, au Royaume-Uni (eux, je sais pas pourquoi ils n’ont pas répondu), une connaissance avait même une amie islandaise, j’invite encore. Ils m’ont répondu. Qu’ils soient ici remerciés. Ils sont 100, ils pourraient être 1000. D’ici à la fête de la Saint-Jean, nous aurons écouté ensemble Le Décaméron de Boccace [2], recueil de cent nouvelles, écrit entre 1349 et 1353, après la pandémie de peste noire de 1348. Alors là, les amis, vraiment, c’est à deux pas, presque 700 ans. Sept femmes et trois hommes sont retirés à quelques kilomètres de Florence, confinés. Et que font-ils ? Ils se racontent des histoires.

Dans l’histoire de l’Art, je cherche toujours ce que lie deux œuvres, le fil invisible qui attache l’une à l’autre. Quand je l’ai attrapé, je tire dessus, parfois il casse. Entre mes doigts se dessine ainsi une cartographie fugitive que j’arpente. Dans l’histoire des sociétés, je cherche toujours les passages, les chemins qui semblent s’être refermés parce qu’on ne les emprunte plus, les coins peu fréquentés passés de mode, je cherche dans le passé des éclats ignifugés de présent, les lieux communs oubliés, suspendus. Et je farfouille. Il y a quelques jours, à l’annonce par les chefs d’États du confinement général des populations, lorsque le virus s’est mis à monologuer, une petite routine traditionnelle m’a mené vite et bien vers Boccace et son Il Decameron.

Je vous donne rendez-vous. Un bête rencard, simple, et qui ne doit pas entrer dans la folie culturelle en milieu confiné… comme à table, ou au lit, comme on se raconte une histoire, un petit détour, un raccourci. Tel pourrait être du monde entier le bulletin quotidien : tisser des histoires par gros temps, toute couture dehors. Dans l’éloignement, nous nous lions à vous par une œuvre et son Nom. Depuis Eymoutiers, je vous lance des courages comme des guindes. Comme on dirait : ça part en Décaméron… juste une autre manière de chanter aux fenêtres…

Sylvain Creuzevault