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Hasard & légitimité: la politique au risque de la politique (séminaire de M. Escola).

Hasard & légitimité: la politique au risque de la politique (séminaire de M. Escola).

Publié le par Marc Escola

SÉMINAIRE DE MASTER & DOCTORAT (Marc Escola)


Hasard & légitimité : la politique au hasard de la politique


Tous les jeudis, du 15 oct. au 14 janv., de 15h à 18h.
à l'exception du 17 décembre,
(séances du 26 nov. & 10 déc., horaire décalé : 16h-19h).

Université Paris 8

M° Saint-Denis Université

Bât. B2, salle B. 135


Méditant les réflexions de Platon au troisième livre des Lois sur les principes en vertu desquels des hommes peuvent légitiment en gouverner d'autres, J. Rancière met au jour ce paradoxe qui est pour lui la définition même de la démocratie : « Démocratie veut dire d'abord cela : un “gouvernement” anarchique, fondé sur rien d'autre que l'absence de tout titre à gouverner » ; tel est le scandale de la démocratie, que manifestait dans la cité athénienne ou les républiques italiennes de la Renaissance la désignation des gouvernants par tirage au sort : « celui d'une supériorité fondée sur aucun autre principe que l'absence même de supériorité » (La Haine de la démocratie). Le tirage au sort est la procédure démocratique par laquelle un peuple d'égaux décide de la distribution des places, en refusant que l'exercice du pouvoir puisse se réclamer d'une autre légitimité que celle, radicalement contingente, du hasard.

On tentera de prendre la mesure de ce « scandale » : pourquoi le tirage au sort nous paraît-il tellement contraire à tout principe sérieux de sélection des gouvernants dans nos modernes « démocraties » ? Qu'est-ce qui en nous résiste, aujourd'hui comme hier, à l'idée que le pouvoir politique pourrait être délégué à ceux qui n'ont aucune raison naturelle de gouverner ? Pourquoi nous est-il si difficile d'admettre que le gouvernement des sociétés pourrait reposer en dernier ressort sur sa seule contingence, au principe d'une stricte égalité des gouvernants et des gouvernés ? Que valent en définitive les « fictions » sur lesquelles les sociétés modernes assoient la légitimité de l'autorité politique pour donner aux gouvernants le droit de gouverner ?

On essaiera d'observer comment la philosophie politique, de Platon à Montesquieu et Rousseau, a cherché à répondre au défi posé par le paradoxe de la légitimité démocratique. On s'attachera aussi et surtout aux représentations, le plus souvent utopiques, que la littérature a su donner de sociétés fondées sur le tirage au sort : pourquoi faut-il que la fiction narrative ou la parabole se révèle la mieux apte à dire l'origine d'un pouvoir qui n'a pas d'autre origine qu'un coup de dés, à dénoncer le « fondement mystique » de toute autorité, et à représenter un mode de gouvernement qui se dispense de toute fiction légitimante ? — (M. E.)



Corpus

PLATON, Lois, III & IV.
ARISTOTE, Les Politiques ; Constitution d'Athènes.
PLUTARQUE, « Vie de Solon », Vies parallèles.
RABELAIS, Tiers-Livre [1546] chap. 39-43 (le juge Bridoie rendant ses sentences selon le sort des dés).
MONTAIGNE, « Des prognostications », Essais, I, XI, éd. Villey-Saulnier, 1965 ; rééd. coll. « Quadrige », p, 41-44.
PASCAL, Trois Discours sur la Condition des Grands et autres pensées sur la politique [1670], Mille & Une Nuits, 2009.
VEIRAS, Histoire des Savarambes [1675-1677], Encrage, coll. « Utopie », 1994.
PRÉVOST, Cleveland [1731], Desjonquères, 2003 (Histoire de Bridge : la colonie de Sainte-Hélène, t. II, livre 3 p. 176-284).
MONTESQUIEU, L'Esprit des lois [1748], II, 2.
ROUSSEAU, Le Contrat social [1762], IV, 3.
BORGES, J. L., « La loterie à Babylone », Fictions [1956], trad. fr. Gallimard, 1965, coll. « Folio ».
RANCIÈRE, J., La Haine de la démocratie, La Fabrique, 2005.