Questions de société

"Halte à la destruction de la formation des professeurs des écoles" (formateurs de l'IUFM de Créteil, Paris 12).

Publié le par Marc Escola

Halte à la destruction de la formation des professeurs des écoles


Le gouvernement souhaite imposer sans réelle concertation de nouvelles mesures qui instaurent :

Une réduction drastique de la formation professionnelle

-    Actuellement, la formation des professeurs des écoles stagiaires après leur réussite au concours  (PE 2) représente environ 800 heures sur un an, à l'IUFM de Créteil. Ce stage permet un aller-retour entre pratique (stages) et théorie (retour sur stages et formation didactique : comment faire un cours).
Or un master, c'est 600 à 1000 heures sur deux ans, au cours desquels il faudrait, pour suivre le gouvernement, faire tenir tout à la fois
•    la formation à la recherche M1 M2 (deux ans actuellement)
•    la préparation à un concours (un an actuellement)
•    la formation professionnelle (un an actuellement)
C'est totalement impossible, à moins d'amputer jusqu'à l'absurde chacun de ces aspects de la formation d'un professeur des écoles.
La situation est pire que celle qui est envisagée pour les professeurs de collège et lycée (actuellement environ 570 heures de formation pendant l'année de stage).

Un nouveau concours sans définition précise et sans contenu solide

Il n'y a toujours pas de cadrage officiel précis du nouveau concours pour le recrutement de professeur des écoles.
Seul un document de travail indique qu'il n'y aura plus d'épreuve spécifique en histoire-géographie, mais qu'elle sera diluée dans une épreuve écrite de « français et culture humaniste ». En conséquence, les professeurs des écoles n'auront plus de véritable formation en histoire-géographie. Les jeunes élèves, démunis de la connaissance de leurs héritages, n'apprendront guère à se repérer et à être des citoyens actifs dans le monde contemporain.

Devenir professeur des écoles sans réelle formation pratique

L'expérience et l'analyse des stages en responsabilité permettent d'apprendre ce métier passionnant mais difficile.
Actuellement, en année de stage en responsabilité, les PE2 de Créteil se forment à ce métier à travers :
- un stage de pratique accompagnée de 2 semaines : 48 heures
- deux stages groupés en responsabilité de 3 semaines : 144 heures
- un stage filé (un jour par semaine, pendant 30 semaines) : 180 heures

Avec les mesures que le gouvernement veut imposer,  les candidats au concours « pourront effectuer » - sans aucune garantie – deux types de stage :

a) des stages d'observation et de pratique accompagnée : or on sait que pour apprendre à conduire il faut prendre soi-même le volant, c'est-à-dire passer du temps en responsabilité.
Leur durée est de plus inférieure
-    à celle des stages filés actuels : avec les nouvelles mesures 3 heures pendant un semestre (comme si la réalité du travail de professeur des écoles pouvait s'arrêter à midi ou ne démarrer que l'après-midi), et non plus toute une journée par semaine sur l'année.
-    à celle des stages groupés actuels : 2 à 3 semaines seulement et non plus trois semaines.

       b) un stage en responsabilité de 108 heures, c'est-à-dire 4,5 semaines au maximum : on est bien loin des 324 heures, c'est-à-dire  13,5 semaines en responsabilité actuellement assurées.

Avec si peu de stages, comment former réellement les futurs professeurs des écoles à trois aspects du métier fort différents : l'enseignement en cycle I (maternelle), en cycle II (CP CE) et en cycle III (CM) ? La diversité du métier est en effet plus importante encore que celle rencontrée par les professeurs de collège et lycée.

Enfin, avec ces mesures, les lauréats du concours seront lancés en plein exercice dès leur première rentrée, sans année de stage de formation comme c'est le cas actuellement.
C'est la tactique des « bébés nageurs ». Outre que le fait d'enseigner n'est pas une activité réflexe, ces mesures organisent la destruction de la formation au métier d'enseignant et une dégradation considérable des conditions d'entrée dans le métier.

Une mesure d'économie au détriment des PE

-    Actuellement, tous les lauréats des concours d'enseignement, au statut et à l'emploi du temps de stagiaires pendant leur 2e année d'IUFM, à Bac + 4, reçoivent un salaire de plus de 16 000 euros net.
-    Avec les nouvelles mesures, seuls les étudiants boursiers sur critères sociaux percevront en sus de leur bourse 6949 euros sur l'année.
-    Le stage d'une centaine d'heures (plafonné à 108 h, simplement proposé et sans garantie) n'ouvre pas droit à rémunération par un salaire. Seulement une « gratification » de 3 000 euros, c'est-à-dire un « pourboire » - sans droit à la retraite etc.
-    Comment avoir un emploi salarié complémentaire en M 1 ou M 2 étant donné la surcharge horaire et sans sacrifier davantage sa formation ?
-    Pour avoir un salaire il faudra attendre d'avoir dépassé Bac + 5.

Des cohortes d'étudiants atomisées

Enfin, l'année de préparation au concours et l'année de stage après la réussite au concours permettent actuellement aux étudiants et jeunes enseignants de constituer des cohortes, des promotions, de partager leurs expériences et d'en tirer tout le profit possible collectivement.
 Les jeunes enseignants construisent d'autant plus facilement leur identité professionnelle qu'ils réalisent que les difficultés rencontrées (gestion de classe,…) tiennent moins à leur personne qu'au processus d'entrée dans le métier.
Les nouvelles mesures ne permettront pas de construire collectivement des valeurs partagées et une culture professionnelle commune.

En supprimant l'année de stage, après une précarité financière prolongée, les nouvelles mesures organisent l'entrée dans le métier du jeune professeur des écoles sans formation solide et dans l'isolement.


Des formateurs de l'IUFM de Créteil – Paris 12