Essai
Nouvelle parution
H. Cixous, 1938, nuits

H. Cixous, 1938, nuits

Publié le par Université de Lausanne

Hélène Cixous

1938, nuits

éditions Galilée

ISBN : 9782718609812

160 p.

20,00 €

 

PRÉSENTATION

C’est le quatrième livre qui me ramène à Osnabrück, la ville de ma famille maternelle. Je cherche. Je cherche à comprendre pourquoi Omi ma grand-mère s’y trouvait encore en novembre 1938. Ainsi que ses frères et sœurs. Cela faisait pourtant des années que les Monstres occupaient le ciel allemand et proféraient des menaces de mort à l’égard des Juifs, mais Omi continuait à penser qu’elle était allemande même après avoir été déclarée nonaryenne, même quand la langue allemande a formé de nouveaux abcès antijuifs tous les mois. Certes son mari était bien mort pour l’Allemagne en 1916 mais quand même.

Dans la rue le banc est interdit aux Juifs.

Quel courage lui faut-il pour rester dans la ville qui brûle les siens tandis que K. le grand ogre nazi passe en ricanant devant notre grand magasin boycotté, ou peut-être quelle terreur ? Ou peut-être la voix de l’angoisse est-elle plus forte que celle de sa fille, Ève ma mère, qui a pris la porte définitivement dès 1933 ?

       Aucune explication.

       Je ne comprends pas pourquoi je ne comprends pas.

Il y a tant de sortes de Juifs qui ne savent plus qui ils sont. Il y en a qui partent, mais pas assez loin, comme s’ils avaient peur de perdre – quoi ? Il y a des Juifs-qui-ne-partent-pas. Éri la petite sœur d’Ève ma mère est partie dès 1933 quand les piscines lui ont été interdites. Mais Siegfried est resté. Les Nussbaum aussi. Il y en a qui ont voulu partir quand on ne pouvait plus partir. Il y en a qui sont revenus se perdre. Qu’est-ce qui te ferait partir ? me demandé-je. Et vous, qu’est-ce qui vous ferait partir ? On ne peut pas dire qu’Omi soit partie finalement.

Elle ne m’a jamais parlé de la Nuit de Cristal. Il y avait de quoi être éclairée pourtant.

Comme je n’arrive pas à rentrer à l’intérieur de ma grand-mère je me décide à entrer dans la Nuit Décisive par l’intérieur de Siegfried K., un ami de ma mère. Il a 25 ans, il vient d’arracher son doctorat de médecine, la Grande Synagogue lui brûle devant la figure, le voilà naufragé à Buchenwald, pour l’inauguration par les Premiers Déportés. Je le suis.

Il ne sait pas ce qui lui arrive. C’est nouveau. Ça vient d’ouvrir. Ce n’est pas terminé. Buchenwald est à côté de Weimar. Weimar, c’était Goethe. Siegfried est un modeste Robinson juif aktionné en 1938. Avant, je ne savais pas ce que c’était, un juif aktionné. Suivons Siegfried dans la fameuse Nuit Nazie aux mille Incendies, prologue au temps de l’Anéantissement. J’aimerais tant pouvoir lui demander pourquoi, comment, il est encore là.

Lire un extrait...

Revue de presse...

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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :

"Densité 1938", par Pierre Tenne.