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Grotesque et spatialité au théâtre

Grotesque et spatialité au théâtre

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Danièle BIERNE)



Colloque international pluridisciplinaire, Université de Limoges, Faculté des Lettres et sciences humaines, 1er au 3 février 2007

Grotesque et spatialité au théâtre

Le grotesque est une catégorie spatiale qui, transférée dans le champ littéraire, conserve l'iconicité de ses origines. Quant au théâtre, « peinture vivante » et « art de l'espace », c'est un lieu d'expression privilégié de ce mode de figuration et d'écriture. La parenté du grotesque et du théâtre est déjà manifeste lorsque les imagiers du premier XVIIe siècle croquent dans des « caprices » les personnages-types de la commedia dell'arte.
L'objet du colloque sera d'appréhender les manifestations du grotesque dans la production théâtrale s'étendant de la première modernité au postmodernisme, à la fois topologiquement, en termes de relations spatiales entre centre et périphérie, et typologiquement, dans la compénétration entre arts du visuel et de l'écrit.
Du point de vue topologique, le grotesque peut se définir comme l'art de la bordure ou de la marge (cf. E. Rosen), celle de l'estampe ou du livre, du spectacle, de la cité ou encore du territoire, voire de la nature : il s'épanouit en arabesques autour des motifs représentés ou du corps du texte, dans les intermèdes baroques, sur les tréteaux des faubourgs où il jouit d'un « droit d'exterritorialité » (M. Bakhtine) ou aux marches de l'espace danubien-habsbourgeois avec ses « littératures mineures ». Métaphoriquement, il peuple les marginalia des grands auteurs et figure l'excentricité et le monstrueux au-delà des bornes du représentable.
Pour autant, le grotesque ne laisse pas de faire retour au centre qu'il éclaire comme contrepoint repoussant, facétieux ou dénonciateur, voire comme contre-culture affichée. La spatialité du phénomène peut ainsi être envisagée dans son dynamisme, à l'aide de métaphores comme l'oscillation, la déterritorialisation (de la scène, des genres théâtraux), le débordement (débordements corporels ou scéniques, ruptures d'illusion). On pourra s'interroger sur les avatars historiques de la décarnavalisation du grotesque théâtral, de sa marginalisation et de son bannissement à sa réhabilitation et à son recentrage jusqu'à son omniprésence contemporaine. Du point de vue synchronique de la réception, le grotesque se caractérise par le décentrement scopique, l'oscillation du regard entre le centre ou la globalité de l'oeuvre et les marges foisonnantes ou le détail dissonant qui focalisent l'attention. Le grotesque peut être reflet d'un sentiment de l'absurde, d'une angoisse existentielle et déboucher sur une critique de l'ordre établi. Il sert de masque. C'est un moyen détourné, utilisé par le fou du roi pour exprimer une autre vérité.
Au reste, la mobilité n'est-elle pas consubstantielle à la notion même de grotesque, comme en témoignent ses théorisations successives depuis la fin du XVIIIe siècle qui vont des considérations esthétiques fondées sur la relation du grotesque à la mimesis (le grotesque est-il un art réaliste, un art de la combinatoire ou le produit de l'imaginaire de l'artiste comme idea ou sogni dei pittori ?) aux approches ontologiques d'un grotesque envers de Dieu et de l'idéal ou analogon de la réalité ? Faut-il voir dans le grotesque un travelling concept regroupant des phénomènes dont le tertium comparationis semble être l'indétermination principielle : indétermination ou suspension délibérée du sens, indécidabilité de l'effet produit, indiscernabilité générique ? On pourra notamment s'interroger sur les questions de la généricité (le grotesque est-il un genre, un style, une structure esthétique, …?) et de la « comicité » (G. Genette) du grotesque – comme comique bas, comique monstrueux, « comique de l'ombre » ou « comique absolu », voire comme échappant au comique (W. Kayser, D. Iehl). Genre hybride et protéiforme à la lisière entre le rire et l'épouvante, entre le réalisme et le fantastique, il utilise tout une palette de procédés, tels l'inadéquation, le décalage, la trivialisation, l'exagération ou la simplification. Pourrait-on abstraire les principes structurels d'une « rhétorique du grotesque » qui permette de décrire les phénomènes allant du mundus inversus au « monde aliéné » cher à Wolfgang Kayser – une rhétorique empruntée aussi bien à la conception tératologique classique de l'écart qu'à la vision photographique moderne des textes et dans les textes (cf. R. Barthes) ?
Car les origines picturales ambivalentes du grotesque placent le rapport texte/image nécessairement au centre de toute réflexion conceptuelle comme de toute analyse par l'exemple. Et l'interférence des genres participe du « brouillage » qui caractérise cette notion. Aussi les contributions porteront-elles sur des corpora dramaturgiques mais également sur la contiguïté intermédiale en croisant les textes et l'iconographie (feuilles volantes, frontispices et gravures de théâtre, illustrations et photographies d'auteur) ou encore la scénographie et le film.

Aline Le Berre, E.A. 1087 « Espaces Humains et Interactions Culturelles », Université de Limoges, Université de Limoges
Florent Gabaude, E.A. 1087 « Espaces Humains et Interactions Culturelles », Université de Limoges
Philippe Wellnitz, E.A. 1971 « Etudes germaniques et centre-européennes », Université de Montpellier





Grotesque et spatialité au théâtre

PROGRAMME


Jeudi 1er février après-midi


14H00 Ouverture du colloque par M. le Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Limoges



Présidente de séance : Angelika Schober


14H30 Philippe Wellnitz, Université de Montpellier : L'espace vide (The empty space) – figure du théâtre grotesque.

15H00 Muriel Cunin, Université de Limoges : Côtelettes, bouchers, chirurgiens et viscères : grotesque et dissection dans le théâtre de la Renaissance anglaise.

15H30 Till Kuhnle, Université d'Augsbourg (Allemagne) : Le péché du grotesque : vers une épuration du théâtre français au nom d'une théologie politique au début du XVIIe siècle.

Pause

16H30 Florent Gabaude, Université de Limoges : Rhétorique du corps grotesque dans la comédie et l'iconographie du fanfaron au XVIIe siècle.

17H00 Catherine Guillot, Université de Caen : Grotesque et théâtralité dans l'iconographie théâtrale du XVIIème-XIXème siècles.



vendredi 2 février matin

Président de séance : Till Kuhnle

9H00 Aline Le Berre, Université de Limoges : Le corps grotesque dans Napoléon ou les cent-jours de Grabbe.

9H30 Sylviane Robardey-Eppstein, Université de Mälardalen (Suède) : Le grotesque est en haut : verticalité et surélévation du grotesque dans la dramaturgie romantique.

10H00 Jean-Marie Paul, Université de Nancy II : Le grotesque dans Le Canard Sauvage d'Ibsen.

Pause


11H00 Frédéric Teinturier, Université Paris IV Sorbonne : Le grotesque dans les pièces de théâtre d'Heinrich Mann : des oeuvres en marge, des oeuvres de la marge et de l'ambivalence.


11H30 Raymond Delambre, Conservateur en chef – Sorbonne/BULAC : Sémiologie de l'espace claudélien : du grotesque contemporain au - QI - souffle asiatique.

12H00 Halina Sawecka, Université Marie Curie-Sklodowska de Lublin (Pologne) : Witkiewicz ou le triomphe du grotesque.



vendredi 2 février après-midi


Président de séance : Gérard Thiériot

14H30 Frédérique Mengard, Université de Bretagne occidentale : L'espace dans le théâtre de Friedrich Dürrenmatt : la construction visuelle d'un « contre-monde », icône grotesque d'un monde en déconstruction.

15H00 Isabelle Ost, FNRS Bruxelles (Belgique) : Dissymétrie grotesque et disproportion anthropologique sur la scène d'Eugène Ionesco.

15H30 Renata Jakubczuk, Université Marie Curie-Sklodowska de Lublin (Pologne) : Grotowski ou le classique du grotesque.

Pause

16H30 Marie-Gabrielle Nancey, Université de Paris III : Grotesque et innovation dans Capitaine Bada de Jean Vauthier : le jeu des didascalies, un espace de la marge ?

17H00 Markus Nölp, Université de Braga (Portugal) : « Zum Schluss, wenn sich alle Fäden verfitzt haben, wird die ganze Gesellschaft in einem hochgezogen.» – Über den Puppenspielautor Günter Eich.

17H30 Serge Goriely, Centre d'études théâtrales, Université catholique de Louvain (Belgique) : Grotesque belge : caricature ou négation de l'homme.




samedi 3 février matin


Président de séance : Jean-Marie Paul

9H00 Stefan Tigges, Université de Rouen : Das Groteske im postdramatischen und neo-dokumentarisches Theater.

9H30 Marie-Hélène Quéval, Université du Mans : Helden wie wir de Thomas Brussig ou le corps grotesque.

10H00 Gérard Thiériot, Université de Clermont-II : Le no man's land comme lieu identitaire. Déstructuration grotesque de l'espace dans le théâtre « postdramatique » : Café Umberto (2005) de Moritz Rinke et Draußen tobt die Dunkelziffer de Kathrin Röggla(2005).


Pause

11H00 Mattia Scarpulla, Université de Turin : Le grotesque dans les écritures chorégraphiques contemporaines.

11H30 Chloé Conant, Université de Limoges : Monstres, clowns et poupées : les figures contemporaines de la photographie mise en scène.