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Génocide: la trans-mission des mémoires

Génocide: la trans-mission des mémoires

Publié le par Natalie Maroun (Source : Catalina Sagarra)

Appel à communications

10 - 12 mai 2011
Génocide : La « trans-mission » des mémoires

AIRCRIGE CANADA

79e Congrès de l'ACFAS, Université de Sherbrooke

En tant que crime d'éradication, qui, à ce titre, cherche à faire disparaître radicalement le groupe ciblé, un génocide repose sur l'effacement de toutes les traces de l'existence de l'Autre. Ce faisant et par là même, la logique génocidaire renvoie également – consubstantiellement devrait-on dire – à l'effacement des traces de la mort dudit groupe, car, comment pourrait-on mettre à mort un groupe qui n'a jamais existé ? Il suit de là la mise en oeuvre d'une disparition qui s'organise à plusieurs niveaux : physique bien sûr – assassinat de masse des membres dudit groupe –, mais aussi existentiel – destruction des registres de l'état civil, des documents baptismaux, des photos… – culturel – démolition et/ou récupération des monuments, autodafés, massacre des porteurs de la culture… – , et symbolique avec l'effacement de la mort et de ses causes véritables par la falsification du projet génocidaire. De fait, parce que le crime est par trop énorme, parce que l'intention est par trop injustifiable et parce que, surtout, l'éradication se veut totale, un génocide ne peut que se construire sur le mensonge, la falsification, la distorsion de ce qu'il est réellement. Aussi, et dans un tel contexte, « le déni qui l'accompagne en devient la pièce maîtresse, puisque [celui-ci] a pour fonction, au-delà de l'extermination des personnes, d'entretenir la disparition de leur existence passée de manière à ce que celles-ci deviennent non des morts, mais des « n'ayant-jamais-existé» (Piralian, Génocide et Transmission; 1994, 6). En ce sens, le génocide s'inscrit dans un processus de destruction qui se joue sur trois temps : destruction dans le présent du passé, en vue d'empêcher tout avenir ; en ce sens encore, le meurtre ici mis en oeuvre est double : au meurtre physique des victimes, il superpose le meurtre du Symbolique par son impossible transmission. Il résulte de cette logique génocidaire, l'importance primordiale que prennent dès lors la mémoire du génocide et sa transmission. Or, parce que cette transmission de la mémoire d'un génocide est essentielle en raison des enjeux lourds qu'elle porte en elle, celle-ci peut se transformer en une véritable MISSION, dont certains porteurs se sentent investis, et qui passe par plusieurs voix (TRANS-) ; des voix qui peuvent simplement se juxtaposer, se compléter, mais qui peuvent, aussi, entrer radicalement en conflit les unes avec les autres. À terme, quelle(S) mémoire(S) se construit(sent) autour et à partir du crime de génocide?

C'est donc autour de ce thème de la Mémoire et de la Trans-mission que s'articule le présent colloque, à partir duquel nous entendons nous intéresser :

1) Aux porteurs de la mémoire et aux acteurs de la transmission : une première articulation qui nous conduit à nous arrêter sur les personnes qui transmettent cette mémoire, qu'il s'agisse de victimes directes et indirectes, de criminels, de descendants des victimes et des criminels, de chercheurs, d'enquêteurs, ou encore de négationnistes. Car, selon la position de chacune de ces instances, le destinataire du témoignage peut être radicalement différent, ce qui ne saurait manquer, en conséquence, d'avoir une incidence aussi sur le contenu du témoignage.

2) Et, de fait, ce premier ancrage dans le processus de transmission ne peut que déboucher sur un second questionnement, portant cette fois sur les visées du témoignage; ce qui amène à se questionner sur la légitimité des mémoires, et donc, par là même, sur les « missions » dont s'investissent ces différentes mémoires, dès lors quelles ne servent pas les mêmes intérêts, voire qu'elles peuvent s'affronter autour de la reconnaissance même du génocide. Car dès lors que ces trans-missions d'une mémoire particulière (au sens de la migration de la mémoire au sein du groupe auquel le testateur et son destinataire appartiennent) visent, par ailleurs et dans le même temps, à se légitimer devant leur public immédiat, comme devant leurs descendants, il convient donc de déterminer par quelles stratégies argumentatives les instances témoignantes entendent ou prétendent parvenir à leurs fins.

3) Les mises en scène du témoignage informant sur les intentions de l'instance témoignante, nous proposons aussi d'explorer les diverses manifestations de l'éthos et du pathos contenues dans les textes retenus et qui inscrivent le témoin dans son témoignage (ou les acteurs de la transmission dans leur volonté témoignante). En analysant les diverses marques de l'éthos de l'instance testimoniale (dans les divers genres d'écriture retenus), l'objet du témoignage ainsi que ses visées prendront un tout autre accent qui éclairera sur la ou les missions de chacun, voire sur les silences volontaires que s'impose un groupe pour parvenir à ses fins. Comme nous ne cherchons à privilégier aucun type de témoignage, nous voulons que nos réflexions s'attardent sur les diverses formes de la transmission : témoignages littéraires, cinématographiques, théâtraux, judiciaires, récits de vie, fictions, preuves, reportages, bandes dessinées, oeuvres picturales, graphiques, musicales, chorégraphies… ? Car selon le cadre accueillant le témoignage, volontaire ou sollicité, celui-ci peut aussi bien l'encourager, le brimer, le contraindre ou encore l'assujettir à des modalités autres que celles auxquelles le témoin entend se soumettre lorsqu'il se place dans le rôle d'instance testimoniale. Nous voulons donc explorer ces espaces de paroles, leurs visées et leurs mises en scène afin de mieux cerner les stratégies déployées pour réclamer ou confirmer leur légitimité, voire, dans certains cas, dévoyer celle des autres; des renvois intertextuels s'opérant dès lors au sein d'une communauté d'instances témoignantes ou d'acteurs de la transmission dont les visées se rejoignent et parfois même les stratégies argumentatives.

4) Enfin, le thème du colloque s'articulant autour de la trans-mission des mémoires, nos réflexions devraient nous amener à dépasser le cadre immédiat du témoignage – la conjoncture permettant son avènement –, en vue de voir, en amont, quel peut être le devenir de la transmission, lorsque, avec l'inexorable passage du temps, disparaissent les derniers rescapés et que ne restent plus, pour attester du génocide, que des porteurs indirects de cette mémoire en la personne des descendants des témoins, voire des témoins « de seconde main », comme le sont les chercheurs.

Calendrier:

Soumission des propositions : avant le 25 janvier 2011.

Acceptation des propositions : 10 février 2011.

Envoyez vos propositions (250 mots maximum) à l'une des deux adresses suivantes :

Catalina Sagarra : catalinasagarra@trentu.ca

Muriel Paradelle : Murielle.Paradelle@uottawa.ca