Essai
Nouvelle parution
G. Cogez, Leiris l'indésirable

G. Cogez, Leiris l'indésirable

Publié le par Matthieu Vernet

Compte rendu publié dans Acta fabula : "Leiris : un « je » de massacre" par Arnaud Genon.

Leiris l'indésirable

Gérard Cogez

Nantes : Editions Cécile Defaut, 2010.

247 p.

EAN 9782350180861

Prix 23EUR

Présentation de l'éditeur :

Rares furent les écrivains du XXe siècle à avoir, comme Michel Leiris,pratiqué l'écriture autobiographique avec aussi peu de complaisancepour soi-même. Comme s'il s'était agi pour lui d'exercer un véritablejeu de massacre contre ce qu'il fut, avec une remise en cause radicalede ses propres agissements et attitudes. De fait, l'ensemble de sesécrits semble être organisé en fonction du passage à l'acte suicidairequi eut lieu dans la nuit du 29 au 30 mai 1957. Avec un avant, quiparaît en être comme le long protocole, et un après, où il tire toutesles conséquences de ce moment mémorable qui aurait pu être celui de samort. Il s'est employé assez vite à doubler d'une frange d'écriture unevie qui ne lui offrait pas un coefficient de présence satisfaisant,faute d'être suffisamment exposée. Il a dit et redit, avec nombred'exemples à l'appui, comment il s'était toujours tenu à l'écart desvrais dangers, « aimant à jouer les toreros mais sans qu'il y aitjamais en face de [lui] un vrai taureau. » Peut-être faut-il voir danscette attitude les effets de représentations liées à une naissanceregardée comme manquant de légitimité, et vouant l'être qui en est lerésultat à une existence improbable, et particulièrement vulnérable auxatteintes de tous ordres ?
Longtemps Leiris s'est regardé commecelui qui n'aurait pas dû naître, qui n'avait pas lieu d'être. Il ainterprété sa venue au monde comme le signe patent d'une trahison.Commise, au premier chef, par celle qui ne l'attendait pas, quiespérait qu'à sa place quelqu'un d'autre advienne : une fille, parexemple, venant remplacer celle qui fut perdue dans la douleur,quelques années plus tôt. Dès lors, toutes les figures que l'intéresséput interposer entre lui et celle pour qui il fut cet indésirable, serévélèrent particulièrement tentantes. Pour être valides, il fallaitque ces représentations puissent, de près ou de loin, manifester unevraie capacité à lui tenir lieu de mères d'adoption, à se transmuer enterres d'accueil fiables.
Il a constitué un volumineux dossier,dans lequel il a accumulé les signes lui prouvant à quel point il étaitpeu souhaitable. Pour lui-même et pour les autres. Du XXe siècle, qu'ila parcouru presque de bout en bout, il a dressé, en se concentrant surlui-même, un portrait accablant. Dans cette instruction contrelui-même, plus les éléments à charge devenaient nombreux et patents,plus l'écriture mise en oeuvre pour les développer se raffinait.
Professeurdes universités, Gérard Cogez enseigne la littérature des XIXe et XXesiècles à l'Université de Lille. Il a beaucoup travaillé sur Proust —thèse avec Barthes — et écrit quelques ouvrages d'abord publié auxPUF : Sur À La Recherche du temps perdu, en 1990, collection « Étudeslittéraires », Sur Le Rivage des Syrtes, en 1993, collection « Étudeslittéraires », Sur Michel Leiris : Leiris sur le lit d'Olympia, en1995, (collection « Le texte rêve », dirigée par Jean Bellemin-Noël).Plus récemment, il a publié Les Écrivains voyageurs au XXe siècle(Seuil, 2004) : sur Segalen, Gide, Michaux, Lévi-Strauss, Leiris etNicolas Bouvier. Marcel Proust, « Le Temps retrouvé », Gallimard,Foliothèque, 2005. Gérard de Nerval, « Voyage en Orient », Gallimard,Foliothèque, 2008. Il est aussi l'auteur de nombreux articles publiésau fil des années (nombreux sur Proust et Leiris), qui ont porté, outreles auteurs déjà cités, sur Simenon et quelques autres.