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French Literature in a Global Perspective (Geneva Summer School of Criticism, 2014)

French Literature in a Global Perspective (Geneva Summer School of Criticism, 2014)

Publié le par Marc Escola (Source : J. David)

French Literature in a Global Perspective
Programme 2014

MODULE 1 :
Frédéric Tinguely : « L’émergence d’une conscience globale aux XVIe et XVIIe
siècles : formes, significations, problèmes. »

Ce module vise à dégager, en la réinscrivant soigneusement dans le contexte
épistémologique et géopolitique de l’époque, l’émergence d’une capacité à
concevoir le globe terrestre et l’humanité qui le peuple comme un tout, à interroger
aussi les rapports qui s’instaurent entre les diverses composantes de cette totalité.
Cette conscience globale, on en repérera les traces chez certains auteurs
« canoniques » (par exemple Montaigne), mais aussi dans les textes de
missionnaires ou de voyageurs beaucoup moins connus : on s’intéressera par
exemple à la façon dont certains jésuites du XVIe siècle mettent en rapport les
moeurs japonaises et européennes, ou à la manière dont les voyageurs français du
XVIIe siècle élargissent leur système de valeurs afin d’y intégrer leur expérience de
l’Inde moghole. À chaque fois, il s’agira de mettre en évidence les dispositifs formels
qui soutiennent une nouvelle vision du monde, en interrogeant leur potentiel de
signification et en réfléchissant aux problèmes anthropologiques et philosophiques
qu’ils impliquent.
Une anthologie de textes (environ 30 p.) sera communiquée deux mois avant le
début de la Summer School.

MODULE 2 :
Yves Citton : « Le roman mondial des Lumières et de l’altermodernité : Jean
Potocki, Manuscrit trouvé à Saragosse ».

Ce module proposera un recadrage de la littérature et de la pensée des Lumières à
travers une lecture de ce roman mondial qu’est le Manuscrit trouvé à Saragosse de
Jean Potocki (rédigé entre 1793 et 1815, mais redécouvert seulement depuis les
années 1990) ainsi que de quelques autres textes choisis chez des auteurs plus
canoniques (Voltaire, Rousseau, Diderot), qui placent d’ores et déjà l’Europe dans
une perspective globale. On retrouve chez Potocki tous les genres littéraires du
XVIIIe siècle, tous ses principaux problèmes philosophiques et politiques, mais
affectés d’une série de décalages qui en renouvellent le sens. On invitera les
participants à se familiariser avec la notion d’« altermodernité » (Hardt & Negri, 2008)
qui permet de réinscrire les Lumières européennes dans une contre-histoire de la
mondialisation, du développement technoscientifique et de l’émancipation politique.
À quoi ressemble l’Encyclopédisme reconsidéré du point de vue du monde arabe et
du « fanatisme islamiste » ? En quoi la « société du spectacle » dissout-elle tout
projet politique ? En quoi le roman gothique corrige-t-il l’idéologie des Lumières ?
En même temps qu’il nous aide à poser ces questions, le chef d’oeuvre de Potocki
fraie les voies encore à venir de notre altermodernité.
Les étudiants devront avoir lu le Manuscrit trouvé à Saragosse dans l’édition
suivante (la seule acceptée) : Jean Potocki, Manuscrit trouvé à Saragosse. Version
de 1810, édition de François Rosset et Dominique Triaire, Garnier-Flammarion,
2008, ISBN 2081211440. Une brève bibliographie sera communiquée deux mois
avant le début de la Summer School.

MODULE 3 :
Margaret Cohen : « The Global At Sea ».

The literature of global ocean travel has offered an occasion to reflect on the
multiple and contradictory meanings of the notion of the “global” -- ranging from the
notion of a planetary space beyond the control of any nation to a space of rebellion
fostering anti-national and capitalist practices epitomized by the pirate, and
including as well the overwhelming natural forces of the environment. Using
masterpieces of sea fiction, a dominant nineteenth-century narrative form from the
novels of James Fenimore Cooper to those of Joseph Conrad, we will articulate
diverse meanings of the global in the context of the marine environment, and how
these diverse meanings open new perspectives on comparative literary studies
today. Primary literature will include Herman Melville's Benito Cereno, Victor Hugo's
Les Travailleurs de la Mer and Joseph Conrad's "Typhoon" and "The Secret Sharer".
 

MODULE 4:
Effie Rentzou : « The Avant-Garde World ».

Le monde s’étire s’allonge et se retire comme un accordéon
qu’une main sadique tourmente
Blaise Cendrars, La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, 1913
Je désirais savoir s’il existait toujours dans son domaine une bizarre institution de
laquelle m’avait jadis entretenu Paul Valéry: une agence qui chargeait de faire
parvenir à toute adresse des lettres venues de n’importe quel point du globe; ce qui
permettait de feindre un voyage en Extrême-Orient, par exemple, sans quitter d’une
semelle l’extrême-occident d’une aventure secrète.
Louis Aragon, Le Paysan de Paris, 1926
In 1913 Blaise Cendrars proposed an image of the world as a huge accordion,
stretched out or compressed according to the whims of a “sadistic hand” that
handles it. A decade later, Louis Aragon told of searching the Passage de l’Opéra
for a “bizarre institution,” an agency rumored “to have as its task delivery to every
address letters arrived from any possible point on the globe” – he never found it. On
the eve of what would be later called the First World War, the well-traveled
modernist Cendrars saw the world not only as a place still open for discovery, but as
something to be constantly reimagined: his world was plastic and malleable, a thrill
of conflicting feelings, of elation and deception, of angst and exhilaration. Aragon,
bound more closely to Paris after having fought in the Great War, was intrigued by a
possibility at once similar and different, a kind of feigned travel around the world,
which for him, like for many of his fellow surrealists, occurred in the secret adventure
of Paris itself; traveling was not necessary, his world could not but be imagined.
These writers and many others like them, diverse and various as they were but all
integrally woven into the fabric of the French avant-garde, unfolded in their work a
geographical imaginary, a matrix of gripping images of the world that still enthrall us,
to which we still appeal, and without which our globe and our “global” would be
something quite different even today. The seminar “The Avant-garde World”
proposes to reflect upon this geographical imaginary as it was deployed by writers
and artists during the first half of the 20th century in France (1910-1940), in and
around such movements as Futurism, Dadaism, and Surrealism, and to explore the
crucial role it played in the production and reception of their artistic works and
social, political, and cultural visions. We will discuss different instances of the
geographical imaginary within the French Avant-garde, different conceptions of the
world, as they were expressed in specific works and as they were informed by
broader political, social, and cultural dynamics of the period. Each of these
conceptions has been encoded in terms that, while ostensibly embracing the whole
world in the sense of the globe, historically developed as different interpretations of
this totality. Internationalism, cosmopolitanism, or universalism, have come to be
used interchangeably in contemporary discussions on globalization. The seminar will
trace the differences among these terms as substantial and meaningful variations
that have a considerable effect on the perception and the representation of the
world.


MODULE 5:
Jérôme David: « Les routes du haïku: le cas français (1905-2008) ».

Le haïku est sans doute aujourd’hui, avec le sonnet, le plus mondialisé des genres
poétiques. C’est également le plus populaire : ses amateurs le pratiquent dans
toutes les langues ; et il existe plusieurs associations mondiales du haïku dont les
concours attirent des centaines — sinon des milliers — de candidats chaque année.
Comment une forme initialement élaborée dans les cours japonaises du VIIIe siècle,
et que seuls les nobles avaient le droit de pratiquer (sous peine de mort !), a-t-elle
pu devenir une seconde nature chez tant de poètes débutants du monde entier ?
Elle a tout simplement voyagé au gré des routes que lui ont ouvertes les échanges
littéraires transnationaux. Et ces routes ont traversé l’Europe au début du XXe siècle.
Le cas français est à cet égard exemplaire. Il inaugure la circulation transnationale
du haïku en dehors de l’aire asiatique. Il embrasse un siècle de défis lancés par la
littérature japonaise aux écrivains et aux traducteurs français. Il mêle des littérateurs
de circonstance, cruciaux mais oubliés, et des auteurs reconnus : Paul-Louis
Couchoud (1905), Julien Vocance, Jean Paulhan, Paul Eluard, Philippe Jaccottet,
Yves Bonnefoy ou Antoine Volodine (sous le pseudonyme de Lutz Bassmann, en
2008). Ce cas illustre enfin la façon dont une littérature « nationale » en vient à
réinterpréter sa tradition pour répondre à une déroutante altérité culturelle.
L’analyse très attentive d’un corpus choisi de poèmes publiés au XXe siècle nous
permettra de distinguer rigoureusement les phases de cette réappropriation
française du haïku. Nous trouverons également là une occasion de mettre à
l’épreuve les ressources interprétatives des études littéraires contemporaines
(« world literature », francophonie, interculturalité, etc.).