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Francomanie, francophilie ou francophobie. Comment construire la francophonie littéraire à l’Africaine ? Mélanges offerts au Professeur André-Marie Ntsobé

Francomanie, francophilie ou francophobie. Comment construire la francophonie littéraire à l’Africaine ? Mélanges offerts au Professeur André-Marie Ntsobé

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Raymond Mbassi Atéba)

Francomanie, francophilie ou francophobie. Comment construire la francophonie littéraire à l’Africaine ?

Mélanges offerts au Professeur André-Marie Ntsobé

Sous la Coordination de

Pr Laurent-Richard Omgba, Doyen de la FALSH, Chef du Département de Français, Université de Yaoundé I

Dr Raymond Mbassi Atéba et Dr Jean Claude Abada Medjo

ENS/Université de Maroua

 

     Argumentaire

En marge des questions sur l’identité de la littérature et son ouverture à la transdisciplinarité, se pose également l’urgence de son acclimatation et de son appréhension en fonction de son contexte d’émergence. Dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne, le vocable littérature rimait d’abord avec littérature française avant que n’émergent dans certaines Universités des Chaires de littérature africaine cependant en bute, depuis peu, à une culture-monde génératrice à son tour de littérature globale. Comment comprendre ces mutations et ces repositionnements ? Comment penser ces « noces barbares » entre la littérature française, patrimoine national français, et les littératures francophones dans les programmes de littératures d’expression française des lycées et collèges et des universités en Afrique? Comment investir cette construction disciplinaire tripolarisée entre littérature française, littératures francophones, littérature africaine dans l’enseignement de la littérature en Afrique ? Quels sont les enjeux d’une telle vulgarisation ? Quelles en sont les perspectives ?

L’idée de se poser toutes ces questions dans le cadre de mélanges consacrés au parcours atypique du Professeur André-Marie Ntsobé, qui a enseigné tour à tour Du Bellay, Rabelais, Hugo, Vallès, Montherlant, Aragon, etc., pourrait contrarier la sobriété et la discrétion de l’homme, et, de ce fait, ne passerait pas sans réticence. Un des universitaires les plus doués de sa génération, un de ceux qui laisseront leur marque sur l’institution universitaire camerounaise et servent même déjà, peut-être, à la définir, le Professeur André-Marie Ntsobé a donné sa vie – et le mot n’est pas excessif – à l’université. Ni l’oeuvre, si nous la mesurons en termes de travaux, ni la vie, si nous la mesurons en termes d’actions, ne suffisent prises séparément à expliquer l’extraordinaire destinée de ce féru des Belles Lettres. L’illustre hugolien – qui a également étudié en profondeur Vallès ou Mongo Beti, pour ne citer que ceux-là dont il aurait pu en être spécialiste – doit l’ordre assez singulier de sa grandeur à leur rencontre et à leur confusion. La vraie réussite du pédagogue est moins ses enseignements, la vraie réussite de l’administrateur académique moins la gestion des hommes que leur commune réussite n’est le « personnage-oxymore », à l’image d’Hugo dont il a vulgarisé la pensée. Dans l’univers intellectuel camerounais, l’homme résiste à la classification et aux qualificatifs, tant du fait de ses positions que par son rôle. Ce pourrait être, il faut l’avouer sans détour, en des limites relativement étroites mais confuses que devront se mouvoir ces mélanges.

André-Marie Beston  – comme on l’appelle affectueusement – a tout été. Il est pour cela incontestablement l’un de ceux qui marqueront pour très longtemps encore la mémoire culturo-académique de l’université camerounaise et serviront à la fois d’exemple et de modèle à de nombreux universitaires qui ont la passion de la recherche, la plus haute forme de l’aventure et de la conquête. Nous manquons nécessairement et nous manquerons longtemps encore du recul indispensable pour témoigner de son opus – oeuvre – qui est de grande importance. Illustre défenseur de la langue et de la littérature françaises, très impliqué dans la mise en place de la Francophonie culturelle, père, professeur, directeur de recherche, patron, conseiller, basketteur, compagnon de jeux ou d’anti-jeux, etc., Beston a été et est tout cela à la fois pour nombre d’entre nous. La grandeur de l’homme s’élève à mesure que le temps s’écoule. Nous ne saurons, pour ainsi, dire ou prédire le verdict du temps à l’égard de ce qu’a été l’homme, de ce qu’il est, de ce qu’il a fait ou continue de faire. Sera-t-il, comme il est osé de le prévoir, l’une des figures les plus attachantes de l’intelligentsia camerounaise, trônant aux côtés de Thomas Melone, Abanda Ndengue, Engelbert Mveng, Eno Belinga, ses immortels collègues ? Est-il simplement un grand Guide pour de nombreuses générations d’universitaires ?

Mais ce n’est pas seulement le recul qui fera défaut, ce sont aussi des documents. Sans doute ils surabondent. Beston a beaucoup écrit : ses travaux universitaires, ses essais, ses directions d’ouvrages scientifiques, ses collaborations, ses articles, ses cours dans les universités du Cameroun et du monde, ses conférences dans les officines scientifiques mondiales, sa correspondance administrative et intime, ses inédits, etc. On ne saurait négliger l’épaisse littérature orale et didactique qu’il a produite : des conseils, des maximes, des devises, etc. Bon interlocuteur, il sait imposer la raison critique. Le dialogue bestonien rejette pour cela l’argument autoritaire ou polémique et restitue au débat sa grandeur. Ainsi l’interlocuteur se confond avec l’éducateur – des éducateurs –, le médiateur, le passeur de sagesse et de savoirs. Sa vie et son caractère sont une oeuvre ouverte à la multiplicité. Preux chevalier, baroque, honnête homme, classique, rationaliste, romantique, cet illustre pédagogue des humanités a fait siens ces thèmes chers aux études littéraires. Que sa production ait été publiée et que nous en ayons une édition complète, disposée selon une chronologie précise, qui permette de saisir le mouvement de sa pensée, d’en constater les accroissements, d’en contempler la maturation progressive, d’en déterminer s’il en est les variations, voire les contradictions dans la suite des années, cela nous aurait été d’un grand apport. Qu’importe !

En gros, aussi épais que sont l’homme et son oeuvre, plusieurs sources peuvent orienter ces mélanges qui se veulent modestement un hommage, moindre reconnaissance peut-être, mais sincère témoignage de gratitude à un grand Maître, un père, et même un pair pour certains, à un universitaire accompli, dont les recherches, les enseignements, les écrits et la correspondance, l’implication dans la pénible mise en place de la francophonie littéraire et des réformes de l’université camerounaise ont contribué, et contribuent encore, à la structuration de générations d’intellectuels pétris de valeurs littéraires.

Les témoignages qui seront réunis ici peuvent venir de ceux qui le connaissent de près ou de loin. Ils pourront s’intéresser à la passion de l’homme pour Victor Hugo et tous les autres voleurs de feu de la littérature mondiale dont il a vulgarisé la pensée à travers des travaux universitaires où l’accent frémissant et péremptoire de l’expérience vécue nous atteint. Ils pourront s’intéresser à la condition tragique d’enseignant de littérature française en Afrique : enseigner une littérature venue d’ailleurs à ceux qui ne connaissent pas leur propre littérature. À travers sa vie toute consacrée à l’académie, c’est également la lucide recherche d’une image de l’homme qui interpelle tous ceux qui l’approchent.

On essaiera de tenir compte de tout ce qui a été fait et dit de valable, en des sens divers, sur Beston. Ce sera seulement un premier bilan, un aperçu forcément rapide, qui pourra du moins satisfaire les curiosités légitimes sur l’homme et permettre de voir, à travers son action, les chemins si escarpés qu’ont souvent empruntés l’enseignement de la littérature française et l’institution universitaire camerounaise dans l’histoire-se-faisant, et dont il lui a été parfois difficile de se détacher.

Beston n’est pas insensible à la loi de l’évolution, le travail du temps sur lequel se fondent quelques-unes de ses maximes. Ses idées, ses idéaux, ses calculs, ses jugements ont sans doute évolué avec l’expérience que lui ont apportée les ans dans sa vie intime et sa carrière d’universitaire chevronné. Depuis quelques années, l’homme éprouve lui-même le besoin de mettre de l’ordre, de l’harmonie, de l’unité dans sa pensée et ses actes même les plus essentiels et constants. Il éprouve aussi le besoin de concilier l’académicien et son agir inévitablement politique. Il a donc constamment évolué, bien que dans la même direction. C’est aussi cette évolution qu’il s’agit pour nous, compagnons épiques et héritiers de son passé et de son avenir, d’assumer et de décrire par le menu, quoiqu’une entreprise aussi modeste que les mélanges ne puisse s’élever à cette ambition. Dans le prolongement de la tradition universitaire de reconnaissance et du satisfecit des disciples et collègues amis ou ennemis, c’est à une redécouverte de la vie, de la carrière et de l’oeuvre de l’un des plus grands illustrateurs contemporains de la littérature française en Afrique que nous invitent ces mélanges, enrichis de documents, de confidences, de portraits et des textes de tous bords qui valorisent son action dans le gotha du magistère universitaire camerounais et mondial.

Tout en explorant l’un ou l’autre des points ou contre-points abordés dans ce propos, tout en scrutant de façon transversale et abyssale l’une ou l’autre des anfractuosités de cette oeuvre en suspens – et qui ne cesse chaque jour de trouver son expression suprême –, de cette vie qui compte beaucoup de victoires, mais surtout plus de tentatives que d’accomplissements, les contributions de 10 000 signes au plus, devront mettre en lumière la mémoire de l’un des manitous les plus écoutés de nos amphithéâtres, l’un des aspects saillants de l’homme, de sa carrière, de son oeuvre, de ses amours littéraires et de celles qu’on aurait voulu partager avec lui. Des contributions qui s’éloignent des idées du Professeur André-Marie Ntsobé, et mettent en avant des chemins parallèles ou même contraires que les disciples d’hier ont empruntés, seront acceptées à condition qu’elles précisent bien la ligne de démarcation avec le Maître. Des réflexions théoriques sur le tropisme français qui caractérise encore tant de créations littéraires et d’approches critiques en Afrique seront également appréciées.

 

Calendrier à retenir :

Propositions de contributions au plus tard le 20 septembre 2012

Avis du Comité de Coordination : 30 Septembre 2012

Réception des contributions définitives : 20 décembre 2012

Parution des Mélanges : mars 2013.

 

Propositions à adresser à : Raymond Mbassi Atéba (mbassiateba@yahoo.fr), Tél. (237)70103732/(237)98170923 ; Jean Claude Abada Medjo (jccarka@yahoo.fr), Tél. (237)75651820.

Merci de respecter les normes suivantes : Format de texte : Word ; police : Garamond, taille : 11 ; interligne simple ; mise en page normale ; citation de plus de cinq lignes décalée, italique ; références et notes de bas de page (méthode classique) ; bibliographie en fin d’article (ex. Avni, Ora, D’un passé l’autre. Aux portes de l’histoire avec Patrick Modiano, Paris, L’Harmattan, 1997 ; Bragard, Véronique, « Cris de femmes maudites, brûlures du silence : la symbolique des éléments fondamentaux dans l’oeuvre d’Ananda Devi », in Notre Librairie, n° 146, décembre 2000, pp. 66-73).