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François Emmanuel (revue Textyles)

François Emmanuel (revue Textyles)

Publié le par Marc Escola (Source : Laurence Boudart et Christophe Meurée)

François Emmanuel (revue Textyles)

François Emmanuel est un auteur discret. Pourtant, son œuvre connaît un indéniable succès public et critique. Si les articles sur l’auteur se sont multipliés ces dernières années, aucun volume monographique n’a jusqu’ici vu le jour : le moment est venu de combler cette lacune scientifique à travers ce numéro de la revue Textyles.

Dix-huit romans et récits, quatre recueils de nouvelles, quatre pièces de théâtre et cinq ouvrages poétiques : la diversité formelle et thématique n’entame en rien la grande cohérence de l’œuvre, qui semble même s’en nourrir. Depuis Retour à Satyah jusqu’à Ana et les ombres, François Emmanuel explore l’humain dans sa fragilité, à travers des figures qui, sous des dehors faussement anodins, s’avèrent flirter avec les limites de la psyché. Il est vrai que sa formation de psychiatre et son activité de thérapeute l’ont sans doute sensibilisé à la variété des structures mentales et à leurs configurations extrêmes. Toutefois, il serait trompeur de vouloir réduire l’œuvre de cet écrivain à une forme d’illustration de cas cliniques. Au contraire, François Emmanuel bâtit un univers fictionnel en écrivain, au moyen d’un imaginaire et d’une langue qui lui sont propres.

« L’aventure du roman n’a jamais été autre chose pour moi : un territoire intime et pourtant étranger, un lieu qui m’attire mais à l’orée duquel je ne sais rien. […] Nécessité pour moi d’être immergé sans résistance dans un univers qui m’emplit et m’emporte, m’oblige à faire fi de tout dessein préalable, un peu comme le rêveur, acteur apparent du rêve mais agi par celui-ci, incapable d’en modifier le cours, et qui plus tard cherchera à en reconstituer l’ordonnancement […]. » (Les Voix et les ombres)

L’univers romanesque de François Emmanuel s’étend à l’échelle du monde : les personnages affichent des origines patronymiques souvent exotiques et évoluent à travers toute l’Europe comme dans des territoires plus lointains, tels l’Amérique du Nord (Le Tueur mélancolique), l’Amérique latine (Ana et les ombres), l’Inde (La Partie d’échecs indiens), l’Afrique (Jours de tremblement), le Moyen-Orient (Retour à Satyah), etc. Si le monde contemporain se donne comme le théâtre de la plupart des intrigues, le spectre de l’Histoire récente plane souvent par-dessus les destinées fictionnelles, en particulier des événements liés à la Seconde Guerre mondiale (La Question humaine, La Passion Savinsen, Retour à Satyah) ou à la Guerre froide (La Chambre voisine, La Partie d’échecs indiens, Grain de peau), qui déterminent à leur manière les relations entre les personnages. Cependant, cette œuvre protéiforme s’affirme résolument comme littérature, à l’heure où le roman et le théâtre se nourrissent ad nauseam de réalité.

Toute l’œuvre de l’écrivain exploite avec inventivité les ressources de la fiction, jouant du romanesque (avec ce qu’il peut emprunter à l’intrigue policière : La Partie d’échecs indiens, Le Sentiment du fleuve, Bleu de fuite, etc.), d’une forme de réalisme magique (La Nuit d’obsidienne, Le Sentiment du fleuve, L’Invitation au voyage, Ana et les ombres), d’un humour consommé (Grain de peau, Le Sentiment du fleuve, Contribution à la théorie générale, 33 chambres d’amour), du tragique (Retour à Satyah, La Passion Savinsen, La Leçon de chant, Le Vent dans la maison, L’Enlacement), de l’onirique (La Nuit d’obsidienne, Sept chants d’Avenisao, Avant le passage, Ana et les ombres), etc. Les textes foisonnent ainsi de subtilités narratives. Pour façonner avec le plus de précision la singularité qu’il imprime à ses personnages, l’écrivain investit des techniques qui ouvrent de nouvelles perspectives au sein de la langue littéraire (La Question humaine, Regarde la vague, Le Sommeil de Grâce, Joyo ne chante plus, Les Consolantes, Ana et les ombres).

Les narrateurs des romans, par exemple, jouent le plus souvent un rôle de médiateur plus que d’acteur soumis aux péripéties (Retour à Satyah, La Leçon de chant, La Question humaine, Cheyenn, Ana et les ombres, etc.), quoique leur rôle demeure capital au sein de l’évolution de l’intrigue. Les personnages – romanesques ou dramatiques – se racontent les uns aux autres, en quête d’un discours qui puisse révéler ce qui demeure tu. La dimension du secret, qui creuse la fable de l’intérieur, ordonne une narration dont des pans entiers échappent – insensiblement ou violemment – aux personnages aussi bien qu’au lecteur. Les implications stylistiques de ce phénomène, du silence jusqu’aux usages lyriques ou expérimentaux de la langue, débordent la seule dimension narrative et investissent aussi les genres dramatique et poétique pratiqués par François Emmanuel, jusqu’à une certaine indistinction générique dans certains textes (Portement de ma mère, Là-bas, Sept chants d’Avenisao, Avant le passage).

C’est dans cette perspective que nous invitons les contributeurs à explorer, de façon transversale ou spécifique à un genre ou à une œuvre particuliers, les problématiques suivantes (non exhaustives) :

  • Les modes d’investissement des genres littéraires ;
  • Les procédés narratifs ;
  • Le cérémonial du théâtre ;
  • Les usages lyriques ;
  • La recherche d’un ton propre à chaque œuvre ;
  • La langue et la voix ;
  • Le secret et le silence ;
  • La mémoire et l’oubli ;
  • La souffrance intérieure ;
  • Les expériences initiatiques ;
  • La dimension psychanalytique ;
  • Les relations familiales et les liens de filiation ;
  • Les rapports entre l’histoire individuelle et l’Histoire monumentale ;
  • Les sources historiques ;
  • L’espace et le voyage ;
  • Etc.

Les propositions d’articles (250-350 mots) sont à envoyer à Laurence Boudart (laurence.boudart@aml-cfwb.be) et à Christophe Meurée (christophe.meuree@aml-cfwb.be) avant le 15 octobre 2019.

Une réponse aux auteurs sera envoyée le 30 novembre 2019. Les articles devront être envoyés pour le 15 juillet 2020 au plus tard. Le numéro paraîtra à la fin de l’année 2021.