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Nouvelle parution
Francofonia, n°65, 2013 :

Francofonia, n°65, 2013 : "Camus/Pasolini : deux écrivains 'engagés'' (S. Disegni, dir.)

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Ilaria Vitali)

Francofonia, n° 65, autunno 2013 : "Camus/Pasolini : deux écrivains 'engagés'"

sous la direction de Silvia Disegni

EAN 9788822262912.

Sommaire

Silvia Disegni, Introduzione

Saggi e studi

Silvia Disegni, Camus/Pasolini: posture ex-centrique de deux écrivains journalistes "engagés" du XXe siècle

Résumé

Il s’agit dans cet article d’examiner l’un des éléments qui justifierait un rapprochement entre Camus et Pasolini, considérés ici comme deux «écrivains journalistes», selon une formule récemment introduite dans le vocabulaire de la critique littéraire d’origine sociologique. L’analyse est menée à partir de leur production de presse et en particulier d’articles où ils développent l’un et l’autre une réflexion sur la littérature et le rôle de l’écrivain dans la société. L’accent est mis sur l’analogie de registre et de posture énonciative, en l’occurrence polémique, favorisée sans doute par le support choisi, généralement le journal. Tous deux sont en effet des écrivains journalistes «contre», ce qui est mis en relation avec la position périphérique de leur origine mais aussi de celle, ex-centrique, que chacun d’eux a occupée dans son champ littéraire respectif, au plus proche d’autres champs situés au dehors de celui-ci (politique, journalistique, cinématographique ou philosophique selon les cas). C’est la particularité d’une telle posture «contre» qui sera interrogée ici: à n’être considérée que comme expression d’une ex-centricité, d’une distance prise par les deux auteurs par rapport au centre de leur champ et à ceux qui le dominent, elle risque d’occulter leur pleine appartenance à celui-ci ainsi que la reconnaissance de leurs pairs, malgré les nombreuses polémiques où ils ont été impliqués, appartenance et reconnaissance sans lesquelles leur voix d’opposition n’aurait pu, paradoxalement, être entendue.

 

JeanYves Guérin, Smarrimenti algerini di un "giusto"

Résumé

Son opposition à l’indépendance de l’Algérie est le seul grief aujourd’hui avancé contre un auteur devenu une icône. Camus a condamné le FLN parce qu’il pratiquait le terrorisme contre les civils et voulait par la violence monopoliser la représentation du peuple algérien. Il est resté jusqu’à la fin favorable à des réformes économiques et sociales radicales, Son Algérie plurielle, égalitaire et française était une utopie condamnée. Le Premier Homme, un roman, lui a permis, à la fin de sa vie, de corriger les analyses de ses articles.

 

Riccardo Antoniani, Petrolio. Il Vas dell'economia politica italiana

Résumé

Dans cette contribution, c’est l’engagement pasolinien qui est analysé en envisageant le roman inachevé Petrolio d’un point de vue historique et politico-économique, pour mieux mettre en exergue le lien ténu existant entre parole et action qui, chez l’intellectuel corsaire, présente plusieurs affinités avec le paradigme «alethurgique» formulé par Foucault dans ses derniers écrits et qui conserve une puissante inactualité.

 

Umberto Todini, Antichità contro. Albert Camus e Pier Paolo Pasolini

Résumé

Chez Camus, l’antiquité retrouvée grâce à Caligula suggère un double changement de perspective, parce qu’elle annonce à une Europe proche de l’abîme le retour d’un ancien délire de puissance, et parce que la récupération littérale du texte de Suétone met en lumière une nouvelle lecture de cet auteur. Tandis que l’antiquité de Pasolini, dont la figure emblématique demeure son Orestiade africana, suggère une transposition de la démocratie en Grèce antique dans l’Afrique de la deuxième moitié du siècle dernier. Là aussi il s’agit d’un changement de perspective par rapport à l’interprétation des classiques, mais aussi d’un changement des modèles de représentation cinématographique du monde antique.

 

Samantha Novello, Il rovescio e il diritto. Il pensiero politico di Albert Camus fra tragedia antica e tragico moderno

Résumé

Dès les années 1930, dans les essais lyriques et philosophiques et dans les écrits politiques d’Albert Camus, le nihilisme désigne une infirmité de l’esprit contemporain, qui confond la liberté avec l’asservissement de la vie au succès et au profit, et l’action politique avec une conduite méprisant et dévaluant l’homme et le monde. Lecteur de Nietzsche et de Scheler, comme en témoigne la rédaction de son mémoire de fin d’études en philosophie intitulé Métaphysique chrétienne et Néoplatonisme, Camus enracine cette perspective «maladive», voire cette dégénération de la faculté de juger (ressentiment) dans une attitude émotionnelle de haine dirigée contre l’existant. Partageant la critique nietzschéenne de la raison «romantique» de la tradition platonico-chrétienne, Camus se sert des constellations métaphoriques du théâtre et du tragique pour dénoncer le pouvoir fétichiste et déshumanisant du rationalisme hégémonique, dont la logique culpabilisante et meurtrière constitue cet «endroit» du monde qui aboutit à l’univers contemporain du terrorisme et de la peine de mort généralisée. Chez les penseurs pré-platoniciens de l’époque de la tragédie grecque, Camus détecte une forme de connaissance et de liberté autres, enracinées dans l’amour. Chez l’écrivain français, comme chez Pasolini, l’artiste témoigne ainsi de l’«envers» du monde (et de soi-même) et indique une méthode de libération radicale («transfiguration») et de «renaissance» de la civilisation occidentale.

 

Oreste Lippolis, La forma del mito, i segni della storia in Pier Paolo Pasolini

Résumé

L’article propose d’approfondir la question du mythe dans l’oeuvre de Pasolini. Si ce thème a déjà été analysé à maintes reprises par la critique, nous tenterons ici de sortir des sentiers battus. À partir de la définition énigmatique qui, dans les essais pasoliniens des années 1960, lie le mythe à la technique, nous nous arrêterons sur les lieux moins connus de la prose et des vers de l’écrivain en recueillant des éléments utiles à la construction d’un schème interprétatif centré sur les concepts de code, de vision et de perception primitive. La lecture de telles traces permet de revenir sur les différents affleurements du mythe dans l’oeuvre pasolinienne et ce, dès ses premiers ouvrages poétiques en frioulan jusqu’aux pages du Petrolio. Les éléments recueillis qui aident à développer notre parcours, en particulier l’étude de quelques fragments narratifs inédits du début des années 1950, permettent d’encadrer, selon une perspective originale, certains des lieux les plus connus de la relecture cinématographique des mythes d’OEdipe et de Médée.

 

Marco Antonio Bazzocchi, Pasolini/Camus: corpi nel deserto

Résumé

L’essai a pour objectif de se concentrer sur un point de convergence possible entre l’oeuvre de Camus et celle de Pasolini. C’est en particulier le rapport avec le mythe qui est revisité ici, mais aussi avec la présence de l’image paternelle dans le dispositif oedipien que l’on trouve dans L’Étranger et Teorema, oeuvres dans lesquelles les deux auteurs semblent vouloir proposer – de façon différente – une relecture du mythe classique dans un contexte moderne.

 

Hervé Joubert-Laurencin, Entre Camus et Pasolini: Mastroianni, l'homme solitaire, l'homme minéral

Résumé

Le rapport, difficile à fixer, entre les personnalités méditerranéennes de Camus et de Pasolini trouve ici une relation cinématographique indirecte et pourtant avérée: l’acteur Marcello Mastroiani, incarnation d’une masculinité complexe. «Bel Antonio» dans le film de Mauro Bolognini scénarisé par Pasolini, c’est-à-dire Sicilien de Catane sexuellement impuissant, il est aussi «l’étranger» de Camus adapté au cinéma par Luchino Visconti. Le premier est l’homme minéral, à la fois éruptif et rigidifié du volcan Etna, le second est l’homme paralysé par le soleil. À chaque fois, la masculinité de l’homme du Sud est sexuellement magnifiée et mise à mal.

Filippo La Porta, Vite parallele: Camus et Pasolini maestri irregolari

Résumé

Nous proposons un article comparatif entre l’oeuvre d’Albert Camus et celle de Pier Paolo Pasolini prit sous l’angle des «vies parallèles», telles qu’imaginées par Plutarque. Que ce soit par analogies ou par différences, dans les deux cas, la critique de l’existant se nourrit du passé, d’une expérience concrète du vécu, plus que par quelque utopie fumeuse du futur. L’amour de la tradition artistique et littéraire italienne qui aborde le mystérieux de la réalité-même dans son insaisissable beauté déchirante pour Pasolini; l’amour du bonheur vertigineux des corps, de la lumière du midi (criante et tragique), de la beauté chez Camus. Les deux artistes nous apparaissent aujourd’hui comme des grand frères radicaux, inclassables, parfois intraitables, quoique toujours sincères et fragiles. Disparus autour de la cinquantaine, il est quasiment impossible de les imaginer de vieux sages, réconciliés en tout avec le monde. Ils aimaient à la fois la culture de la Grèce antique et le football, que tous les deux jouaient sur les terrains poussiéreux des périphéries urbaines, Pasolini à l’aile gauche, alors que l’irréductible individualiste Camus préférait se positionner comme gardien de but, solitaire parmi les ballons, sous le soleil aveuglant d’Oran, mais responsable envers la communauté.  

 

 

Recensioni

R. Gay-Crosier, A. Spiquel-Courdille (dir.), Albert Camus, "Les cahiers de l'Herne" (P. Viallaneix)

P. Voisin (dir.), La valeur de l'oeuvre littéraire (M.C. Gnocchi)

A. Beretta Anguissola, Les sens cachés de la Recherche (A.I. Squarzina)

A. Silvestri, Il caso Dreyfus e la nascita dell'intellettuale moderno (P. Cattani)

Y. Frémy, Verlaine: la parole ou l'oubli (E. Absalyamova)

A. Cousson, L'écriture de soi. Lettres et récits autobiographiques des religieuses de Port-Royal (J.-F. Plamondon)