Questions de société
[France]

[France] "Lettre ouverte aux personnels de l'ESR - janvier 2020"

Publié le par Bérenger Boulay

LETTRE OUVERTE AUX PERSONNELS DE L'ESR - JANVIER 2020

Chers collègues, chers étudiants,

On vous écrit car vous savez tous ce qu'il se passe en France depuis un mois.
On vous écrit car nous devons nous positionner aujourd’hui : d’un côté ou de l’autre.
Nous, signataires, étudiants et personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR), avons choisi de rejoindre le mouvement social qui s’oppose à la réforme des retraites, dernière attaque en date du gouvernement.

Nous sommes contre cette réforme des retraites et plus généralement contre les politiques de destruction de la fonction publique et des services publics. Aujourd’hui, ce n’est plus une question d’idéologie, ou d’affinité politique ; ce qui se passe est concret : pour nos conditions de vie, pour nos conditions de travail.
Nous allons devenir de plus en plus précaires : dans le futur lors de nos retraites bien sûr ; agents du service public, nous sommes les grands perdants de cette réforme. Mais tout ceci s'inscrit aussi dans une politique générale de casse des services publics : santé, transport, logement, éducation, qui impacte de plus en plus nos conditions de vie quotidienne.
Nous allons devenir de plus en plus précaires dans nos conditions de travail au sein de l'ESR : le futur Plan Pluriannuel de la Recherche dévoilé en Novembre 20191, ainsi que les décrets et lois relatifs à la fonction publique (6 août et 31 décembre 2019) sont de terribles atteintes à nos conditions de travail et à la fonction publique en général :
- multiplication et création de nouveaux contrats précaires (dont des « CDI » de mission)
- renforcement de la logique d’appel à projets comme mode unique de financement de la recherche
- suppression de la référence d'un service annuel de 192h ETD pour les enseignants-chercheurs et suppression de la clause d’accord des intéressés pour la modulation des services d’enseignement, entraînant, de fait, le non-paiement des heures complémentaires
- renforcement de la mise en compétition entre collègues avec la « revalorisation ciblée » des salaires, pour « récompenser l’excellence, l’innovation, les réussites aux appels d’offre européens ou nationaux »
- mise en vigueur des ruptures conventionnelles dans la fonction publique et ouverture des emplois de direction de la fonction publique aux managers du privé. On comprend immédiatement les risques de fragilisation de notre situation en tant qu'agents du public.

On vous écrit car vous savez tous ce qu’il se passe en France.
On vous écrit car nous devons nous positionner aujourd’hui : d’un côté ou de l’autre.
Nous avons choisi le nôtre.

A court terme nous nous organisons localement, comme d’autres collègues et étudiants à Lille, à Bordeaux, à Rennes et ailleurs. En assemblées générales, en cortèges nombreux dans les manifestations, nous participons au mouvement et discutons des moyens pour l'étendre.
A court terme, nous préparons une pétition contre le Plan Pluriannuel de la Recherche qui vient renforcer les nombreuses initiatives illustrant la contestation des personnels de l’ESR : pétition contre une loi inégalitaire2, lettre à l’intention d’Antoine Petit rédigée par la quasi-totalité des Présidents de sections du Comité National de la Recherche Scientifique, des Présidents des Conseils Scientifiques des Instituts du CNRS3, enquête de 23 sociétés savantes réalisée en 2019 sur 6000 Chercheurs et Enseignants-Chercheurs4, nombreuses tribunes et blogs publiés ici5 et là6.

Il est temps que nous, personnels de l'ESR, décidions pour nous-mêmes quelle politique de recherche nous souhaitons et obtenions des moyens et des postes pérennes à la hauteur des enjeux.

Dans l’immédiat, nous serons les 9 et 11 janvier dans le cortège de l’ESR déjà très fourni lors des manifestations de décembre, aux côtés des Cheminots, de l’Education Nationale, de l’Hôpital, de l’Opéra de Paris, des pompiers, des avocats et de tous ceux qui ne sont pas d'accord avec les réformes en cours!

Signataires :
Laurence Amar (CR CNRS, Orsay)
Sébastien Bloyer (Pr Univ Paris-Saclay)
Jean-Baptiste Boulé (CR CNRS, MNHN)
Pierre Capy (Pr Univ Paris-Saclay)
Fabrice Confalonieri (Pr Univ Paris-Saclay)
Mathieu Coppey (DR CNRS, Institut Curie)
Christine Dillmann (Pr Univ Paris-Saclay)
Christine Drevet (IE CNRS, Orsay)
Cécile Fairhead (Pr Univ Paris-Saclay)
Nicolas Ferey (MCF Univ Paris-Saclay)
Gilles Fischer (DR CNRS, Jussieu)
Mélina Gallopin (MCF Univ Paris-Saclay)
Isabelle Goldringer (DR INRAE, Gif-sur-Yvette)
Dominique Higuet (Pr Sorbonne Univ)
Annick Jacq (DR CNRS, Orsay)
Slim Karkar (CEA Univ Paris-Saclay)
Fabrice Leclerc (CR CNRS, Orsay)
Gaëlle Lelandais (Pr Univ Paris-Saclay)
Olivier Lespinet (Pr Univ Paris-Saclay)
Anne Lopes (MCF Univ Paris-Saclay)
Judith Lopes (CR INSERM, MNHN)
Antonin Marchais (IGR)
Laetitia Maroc (thèse Univ Paris-Saclay)
Matthieu Montes (Pr CNAM)
Marie-Hélène Mucchielli (Pr Univ Paris-Saclay)
Samuel Murail (MCF Univ de Paris)
Sébastien Ollier (MCF Univ Paris-Saclay)
Hervé Perdry (MCF Univ Paris-Saclay)
Joël Pothier (Sorbonne Univ)
Sophie Sacquin-Mora (CR CNRS, IBPC)
Claire Toffano-Nioche (CR CNRS, Orsay)

[1] https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/recherche-macron-promet-un-investissement-et-des-reformes-profondes-1151031
[2] https://www.petitions.fr/recherche__non_a_une_loi_inegalitaire
[3] https://www.lemonde.fr/blog/huet/2019/12/12/antoine-petit-conteste-au-cnrs/
[4] https://societes-savantes.fr/
[5] http://www.sauvonsluniversite.fr/
[6] https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/06/le-darwinisme-social-applique-a-la-recherche-est-une-absurdite_6021868_3232.html