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Formes, lieux et pratiques de la critique littéraire contemporaine

Formes, lieux et pratiques de la critique littéraire contemporaine

Formes, lieux et pratiques de la critique littéraire contemporaine

Journée d’études

26 septembre 2014, Université McGill

 

APPEL À COMMUNICATIONS

 

Convoquée par Aristote dans les pages de sa Poétique, la notion de vraisemblable a ceci de particulier qu’elle s’établit dans un double rapport. Liée en amont au réel, à ce qui fait l’objet de la mimesis, la vraisemblance d’un discours – fictionnel ou non – achève de se concevoir en aval de celui-ci : c’est, ultimement, un enjeu de réception. Le vraisemblable, notion normative s’il en est une, mais aussi multiplement relative, renvoie donc à quelque chose de plus vaste que lui-même. Ce principe englobant, fédérateur, a trait à cette nécessité qu’a toute société d’assurer un classement soupçonneux – puis un contrôle étroit – de ses langages et de ses discours. Cet état de fait, Michel Foucault le commente en 1970 dans sa leçon inaugurale au Collège de France : « À l’intérieur de ses limites, chaque discipline reconnaît des propositions vraies et fausses ; mais elle repousse, de l’autre côté de ses marges, toute une tératologie du savoir[i]. »

 

Ceci, que « des monstres rôdent dont la forme change avec l’histoire du savoir[ii] », nul mieux que Roland Barthes ne l’a pressenti, qui écrivait quatre ans plus tôt le petit livre aux allures de manifeste Critique et vérité, « moment nodal[iii] » de ce que l’histoire littéraire appellera plus tard la querelle de la nouvelle critique. Avec une colère qui n’entame pas l’humour qu’on lui connaît, Barthes condamne le caractère idéologique des « évidences normatives » – l’objectivité, le goût, la clarté – constituant, à son avis, la tache aveugle de la critique littéraire telle que la pratique Raymond Picard et consorts. Ces trois critères, dit donc Roland Barthes, forment le « vraisemblable critique » dont le respect fonde, dans la France lettrée de ce milieu du XXe siècle, la crédibilité et l’acceptabilité d’un texte et de son auteur.

 

À ce « vraisemblable critique », Barthes oppose une toute autre conception de la littérature et de la critique – mais également de tout « discours intellectuel » – fondée sur le langage comme profondeur, voire comme problème. Ce faisant, Barthes propulse à l’avant-plan les principes du structuralisme émergeant en France dans les années 1960 et prépare ainsi le terrain au déplacement du foyer de la signification, qui passe de l’intention auctoriale à l’immanence du texte. Or, ce foyer, nous le verrons dans les décennies suivantes, demeurera mouvant et révélera le caractère historique et conventionnel du vraisemblable.

 

En ce sens, le lecteur contemporain est amené à nuancer l’entreprise barthésienne et à lire Critique et vérité moins comme une négation de la norme que comme une tentative de son déplacement. Aussi bien, précise Barthes, est-ce le propre de tout « rite d’exclusion[iv] », de toute « tâche d’hygiène publique[v] » de réapparaître au gré des soubresauts du social.  Si, il y a cinquante ans, Barthes rejetait la triade prescriptive de l’objectivité, de la clarté et du goût, qu’est-ce qui dorénavant agit comme repoussoir dans la pratique des études littéraires ? Dans le cadre de la recherche universitaire contemporaine, à quelles « évidences normatives » est-il attendu que nous nous conformions ? Celles-ci sont-elles déjà en passe d’être remplacées, de devenir caduques et, si oui, peut-on discerner de nouvelles modalités et configurations dans le champ de la critique littéraire ? C’est à partir de cette interrogation, à la fois rétrospective et prospective, que les organisateurs de cette journée d’études vous convient à élaborer des pistes de réflexion, qui pourront porter, à titre d’exemple et non exclusivement, sur les éléments suivants :

 

  • les notions, catégories ou concepts centraux ou fondamentaux de la pratique des études littéraires contemporaines ;
  • la forme et l’apparence d’une certaine vigilance institutionnelle et, potentiellement, des procédures de contrôle auxquelles elle donne lieu ;
  • les possibilités de détournement ou de contournement – du point de vue de la création, de la critique, tout comme de la théorie – des prescriptions de cette police du discours ;
  • les stratégies de légitimation du discours critique ainsi que la nature, la forme et la localisation des instances prodiguant et gérant cette légitimité ;
  • la fortune ou le discrédit des rôles et figures (le critique, l’expert, le professeur et, potentiellement, le blogueur, le chroniqueur, l’animateur, etc.) diversement assujettis à ce vraisemblable critique dans les différentes sphères du savoir contemporain et de sa diffusion (université, publications scientifiques, médias spécialisés ou de masse, Internet, etc.) ;

 

Vous êtes invités à nous faire parvenir une proposition de communication d’environ 250 mots, accompagnée d’une courte notice biobibliographique, incluant vos coordonnées et votre institution d’attache, avant le 15 juin 2014, à l’adresse suivante : critique.mtl.2014@gmail.com

 

 

Organisateurs

Charline C. Lessard
Doctorante, Langue et littérature françaises, Université McGill

Jean-Benoit Cormier Landry
Doctorant, Littératures de langue française, Université de Montréal

Valérie Mailhot
Doctorante, Langue et littérature françaises, Université McGill