Questions de société

"Formation des enseignants, une réforme désastreuse et inapplicable", lettre de G. Aschieri (FSU) à F. Fillon (14/01/10)

Publié le par Bérenger Boulay

Après avoir longtemps soutenu la "mastérisation" (cf Masterisation: la direction de la Fsu avec Darcos), la direction de la FSU se réveille, enfin.

Notons que G. Aschieri critique aussi et très justement "une politique favorisant l'enseignement privé": "Tandisque le gouvernement a programmé des suppressions massives d'emploisdans le premier et second degré qui se traduisent par un nombre trèsinsuffisant de postes aux concours au regard des besoins (...), lenombre de postes ouverts dans le privé augmente considérablement(multiplication par plus de 2 dans la plupart des disciplines dusecondaire)".

L'objectif parfois avoué de la mastérisation est bien de faciliter les suppressions de posteset de créer les conditions d'un remise en cause du statut defonctionnaire pour la majorité des enseignants. À terme, on peutcraindre la privatisation de l'Éducation Nationale, selon le souhait d'une ancienne directrice de cabinet de l'Élysée. Dans la perspective de cette "main basse sur l'école publique", la réforme du lycée prend aussi toute sa signification.

Rappel: Mobilisation les 21 et 30 janvier 2010. Une prochaine CNU se réunira à Paris le 25 janvier.

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Formation des enseignants, une réforme désastreuse et inapplicable

Gérard ASCHIERI
Secrétaire Général de la FSU

à

Monsieur François FILLON
Premier Ministre

Les Lilas, le 14 janvier 2010

Monsieur le Premier Ministre,

Le 21 décembre 2009, en CNESER plénier,une large majorité d'organisations a condamné le processus qu'utilisele gouvernement pour engager à marche forcée une réforme désastreuse etinapplicable de la formation des enseignants. Compte tenu des enjeuxd'une telle réforme pour l'avenir des jeunes, pour l'avenir de l'Ecoleet l'ensemble de la société, une simple circulaire faisant fi de l'avisdes acteurs concernés ne saurait cadrer une réforme de la formation desenseignants !

Pourtant, sans tenir compte del'opposition quasi unanime des syndicats de personnels, d'étudiants etde la communauté universitaire, dès le 23 décembre, le Ministèreenvoyait aux présidents d'université de manière précipitée lacirculaire repoussée en CNESER (35 Contre- 3 Pour et 1 abstention). Le6 janvier, il publiait au JO les arrêtés modifiant les concours derecrutement, qui diminuent le nombre d'épreuves pour la majorité desconcours, dont deux disciplinaires pour l'admission. Lors de ses voeux àSUP'ELEC aux membres de l'éducation, de l'enseignement supérieur et dela recherche, Nicolas Sarkozy a réaffirmé sa volonté de voir appliquercette réforme au printemps 2010. Ce passage en force est inacceptable !

En même temps, alors qu'il refused'entendre les représentants de l'enseignement public, le gouvernementpoursuit une politique favorisant l'enseignement privé. En effet, leMinistère de l'Enseignement Supérieur veut confier « aux Pôles deRecherche et d'Enseignement Supérieur l'exercice direct de compétencesde "coeur de métier" […] dans le domaine de la formation (organisationde cursus, délivrance de diplômes) […] », ce qui permettrait dedéléguer à l'enseignement supérieur privé l'exécution de ses missions,notamment la collation des diplômes de l'enseignement supérieur. Parexemple, le PRES « Université Nantes Angers Le Mans » intègre, depuisle 18 décembre dernier, comme membre associé un institut privéconfessionnel - dit « université catholique de l'Ouest » - qui présentedéjà dans son offre de formation un master « Enseignement etEducation » (http://www.uco.fr),ouvert en dehors de tout processus d'habilitation des formationspubliques, et dont les étudiants devront passer par une procédurespécifique de « jury rectoral » pour obtenir le diplôme. C'est lasous-traitance du service public !

Et tandis que le gouvernement aprogrammé des suppressions massives d'emplois dans le premier et lesecond degré qui se traduisent par un nombre très insuffisant de postesaux concours au regard des besoins et notamment du remplacement desdéparts en retraite, voire par la non ouverture de concours danscertaines matières dans le second degré, le nombre de postes ouvertsdans le privé augmente considérablement (multiplication par plus de 2dans la plupart des disciplines du secondaire). C'est inadmissible !

Dans cette situation, la FSU exige ànouveau l'abandon de la réforme, sa remise à plat, et le retrait destextes publiés concernant la formation et que s'engage une véritablenégociation pour une tout autre réforme. Celle-ci ne saurait seconcevoir dans le cadre du dogme du non remplacement d'un fonctionnairesur deux partants à la retraite et de la suppression de postes. Elledoit s'accompagner de la création de postes répondant aux besoins etassurant l'amélioration des conditions de travail et d'études. Uneautre réforme doit permettre l'amélioration de la formation desenseignants dont les qualifications doivent être reconnues parl'obtention d'un master intégrant toutes les dimensions scientifiqueset une professionnalisation progressive s'appuyant sur tous les acteursde la formation, notamment les IUFM. La préparation des concoursnationaux, l'organisation de ceux-ci doivent être articulés au masterafin de permettre l'obtention d'un master de qualité, offrant aussi deréelles réorientations pour les étudiants en échec aux concours ou despoursuites d'études. Ce n'est qu'après cette étape que le cadragenational des masters dits « intégrés » par le biais d'un texteréglementaire prendra sens. Il devra être assorti d'une carte nationaledes formations et garantir l'égal accès de tous sur le territoire à lapréparation des concours.

La FSU appelle les personnels dans lesétablissements à poursuivre les prises de position (conseils, réunionsde spécialistes, …) condamnant cette réforme. Elle appelle à débattre,en associant les étudiants, de modalités d'action pour refuser la miseen place de cette réforme. Elle diffusera massivement un tract à lapopulation montrant les enjeux de cette réforme. La FSU mettra tout enoeuvre pour que la colère, les inquiétudes et les revendications despersonnels concernant la formation des enseignants s'expriment lors dela journée de grève et de manifestations fonction publique du 21janvier ainsi que lors de la manifestation pour l'éducation du 30janvier.

Je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, en l'expression de mes sentiments respectueux.

Gérard Aschieri
Secrétaire Général