Questions de société
Fonctionnaires et

Fonctionnaires et "période de réserve électorale" (dossier février 2011)

Publié le par Arnaud Welfringer

"Monsieur le préfet tient à informer que la période de réserve, pour les élections cantonales (des 20 et 27 mars), débutera le lundi 14 février 2011 et se prolongera jusqu'au dimanche 27 mars inclus. Il est, en conséquence, demandé aux fonctionnaires de l'Etat (et de l'administration territoriale) d'éviter de participer, durant cette période, aux manifestations publiques susceptibles de présenter un caractère pré-électoral, soit par les discussions qui pourraient s'y engager, soit en raison de la personnalité des organisateurs ou de leurs invités. Pendant la période électorale, qui s'ouvrira le 7 mars, il leur est également demandé de s'abstenir de prendre part à toute cérémonie publique, et ce, jusqu'au 27 mars inclus."

 - Lire sur le blog de Libération (Véronique Soulé) C'est classe ! : « A Andouillé, on ne plaisante pas avec le devoir de réserve des profs »

- Lire sur le site du SNES Orléans-Tours, "Réserve électorale : les profs plus tout à fait citoyens ?", qui publie un courrier comparable de 2009, adressé par 'un recteur aux chefs d'établissements.

- Et sur le blog La Science au XXIe siècle : Fonctionnaires et "période de réserve... +  CNRS, Egypte et obligation de réserve des chercheurs, ainsi que les déclarations d'un membre du collectif "Indépendance des chercheurs (Luis Gonzalez-Mestres) au Journal du Dimanche (JDD.fr) le 5 février: http://www.lejdd.fr/International/Actualite/Le-Quai-d-Ors...

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Fonctionnaires et "période de réserve électorale" (La Science au XXIe siècle, blog international du collectif "Indépendance des chercheurs", 21/02/2011)

Le 21 février, alors que l'on s'attend globalement à une faible participation aux élections cantonales du mois de mars, les fonctionnaires sont nombreux à s'interroger sur des circulaires préfectorales, académiques et d'autres origines les appelant à observer une « période de réserve électorale ». Y compris en dehors de l'exercice de leurs fonctions, faute de mention contraire explicite. Pourtant, le blog Secret défense (Marianne) fait état de la candidature, parfaitement légale, d'un officier de marine en activité à ces mêmes élections cantonales. Quelle logique peuvent donc avoir des instructions sur une prétendue « période de réserve électorale » ? Quelle peut être leur base légale, très difficile à identifier avec un quelconque aspect de l'obligation de réserve normale des fonctionnaires à qui la liberté d'opinion est reconnue par leur statut général ? Ou le gouvernement craindrait-il en l'occurrence que le malaise des fonctionnaires ne s'exprime dans l'actuel contexte d'attaques récurrentes contre les services publics et la fonction publique ?

Suit, pour illustration, un extrait de la lettre préfectorale de février 2011 adressée aux chefs de services déconcentrés

(source : CGT Université de Provence)

http://www.cgt-universite-de-provence.fr/article-dfr-6663...

http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/68/38/75/Prefecture-d...

"A Mesdames et Messieurs les chefs de services déconcentrés

(...)

Objet : instructions à respecter dans le cadre de la période de réserve électorale précédant les élections cantonales des 20 et 27 mars 2011.

Par un courrier en date du 14 janvier 2011, M. le Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités Territoriales et de l'Immigration a porté à ma connaissance les instructions à respecter par les fonctionnaires territoriaux des services de l'Etat à l'occasion de la période précédant les élections cantonales des 20 et 27 mars prochain.

C'est ainsi qu'il convient :

- dès le lundi 14 février, d'éviter de participer aux manifestations publiques susceptibles de présenter un caractère pré-électoral, soit par les discussions qui pourraient s'y engager, soit en raison de la personnalité des organisateurs ou de leurs invités.

- du 7 au 27 mars, de s'abstenir de participer à toute cérémonique publique, à l'exception des commémorations Nationales.

Je vous remercie de bien vouloir communiquer ces instructions à l'ensemble de vos personnels."

Etrangement, cette lettre préfectorale récente s'abstient de lier clairement une telle obligation de « réserve électorale » à l'exercice des fonctions des agents publics.

Ce qui revient potentiellement, ne serait-ce que par les doutes et les craintes que peut générer une telle rédaction, à priver dans la pratique les intéressés de leurs libertés citoyennes en dehors de leur service. Une logique dont le fondement nous échappe.

Et que signifie exactement la phrase « susceptibles de présenter un caractère pré-électoral, soit par les discussions qui pourraient s'y engager, soit en raison de la personnalité des organisateurs ou de leurs invités » ? Que peuvent en penser, concrètement, les destinataires d'une telle instruction ?

 Pourtant, la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL) :

http://www.dgcl.interieur.gouv.fr/sections/les_collectivi...

précise clairement que « les fonctionnaires jouissent, comme tout citoyen, de l'ensemble des libertés publiques individuelles ou collectives », même si l'exercice de ces libertés « reste soumis à des aménagements qui résultent des exigences de l'intérêt général ». La liberté d'opinion étant garantie aux fonctionnaires par l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983.

Le site de la DGCL ajoute également que « la liberté d'opinion recouvre à la fois la liberté de conscience et la liberté d'expression ». Il confirme que « en dehors du service, la liberté d'expression est le principe », même si en toute circonstance les fonctionnaires doivent observer « une certaine réserve afin de satisfaire aux exigences de la discrétion et du secret professionnel ». Mais cette réserve est manifestement sans rapport avec les opinions et options politiques des intéressés.

A propos de l'obligation de réserve, nous avions déjà évoqué la définition fournie par le site de la Direction Générale de l'Administration et de la Fonction Publique (DGAFP) :

http://www.fonction-publique.gouv.fr/article518.html?arts...

Pour la DGAFP, comme pour la jurisprudence existante, la base légale et jurisprudentielle de l'obligation de réserve réside dans le fait évident et admis de tous que « le principe de neutralité du service public interdit au fonctionnaire de faire de sa fonction l'instrument d'une propagande quelconque ».

Il en ressort tout aussi clairement, qu'une telle contrainte ne s'applique pas aux activités politiques du fonctionnaire en dehors de l'exercice de son activité d'agent public.

Certes, le fonctionnaire doit également, toujours d'après la DGAFP et la jurisprudence, « éviter en toutes circonstances les comportements portant atteinte à la considération du service public par les usagers ». Mais la considération du service public est sans rapport avec l'opinion que les citoyens puissent se faire du comportement du pouvoir politique.

Lire la suite sur le blog La Science au XXIe siècle

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Voir également : 

Sur le blog de Libération (Véronique Soulé) C'est classe ! : « A Andouillé, on ne plaisante pas avec le devoir de réserve des profs »

Sur le site du SNES Orléans-Tours, "Réserve électorale : les profs plus tout à fait citoyens ?", qui publie un courrieridentique du recteur aux chefs d'établissements.

Et sur le blog "La Science au XXIe siècle" : CNRS, Egypte et obligation de réserve des chercheurs

ainsi que les déclarations d'un membre du collectif "Indépendance des chercheurs (Luis Gonzalez-Mestres) au Journal du Dimanche (JDD.fr) le 5 février: http://www.lejdd.fr/International/Actualite/Le-Quai-d-Ors...