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Figures de répétition au XVIe siècle (ENS Paris & Sorbonne)

Figures de répétition au XVIe siècle (ENS Paris & Sorbonne)

Publié le par Université de Lausanne

Figures de la répétition dans la poésie de la Renaissance

Textyle (Ecole Normale Supérieure de Paris) et l’Atelier XVIsiècle (Sorbonne-Université)

 

Le projet

L’équipe de recherche Textyle (Ecole Normale Supérieure de Paris) et l’Atelier XVIe siècle (Sorbonne-Université) organisent une demi-journée d’étude consacrée aux figures de répétition dans la poésie de la Renaissance le vendredi 9 avril 2021 (date prévisionnelle) à l’ENS de Paris. Une seconde journée d’étude à Sorbonne-Université est envisagée au mois de juin 2021.

Les propositions de communication, d’une longueur maximale de 2500 signes (espaces comprises), peuvent être envoyées à l’adresse adelepayen[a]hotmail.fr jusqu’au 15 février 2021.

Coordination :

Anne-Marie Paillet (ENS de Paris),

Anne-Pascale Pouey-Mounou (Sorbonne-Université)

& Adèle Payen de La Garanderie (Sorbonne-Université).

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Objet, méthodologie et intentions

« Dans la poésie du XVIe siècle, la répétition est partout[1]. » Si nous ne pouvons qu’acquiescer au constat d’Yvonne Bellenger, à y regarder de plus près, cette omniprésence n’équivaut pas pour autant à un engouement univoque, à une passion dénuée de contradictions. La répétition, à la Renaissance, suscite des méfiances, des réticences et sa présence apparaît souvent comme la pierre de touche pour évaluer la qualité d’un discours, d’un point de vue poétique (1), lexical (2) ou même purement grammatical (3) :     

(1) Sur le 18. & 19. Sonnet. En ces deux sonnetz continuelz suyvans : Tu fais redicte de revivre, & de cuyvre en moins de six vers & en semblable sentence, laquelle encore avec les mesmes motz tu repetes en la 5. Ode[2]

(2) Ces Equivoques donq’, & ces simples, rymez avecques leurs composez, comme un Baisser, & Abaisser, s’ilz ne changent, ou augmentent grandement la signification de leurs simples, me soint chassez bien loing, autrement, qui ne voudroit reigler sa Rythme comme j’ay dit, il vaudroit beaucoup mieux ne rymer point[3].

(3) Et combien que la seule demonstration fust faicte par ces premiers Pronoms, Je, tu, cestuy ci, ou cestuy là, ou luy : il a esté de besoing, pour eviter ceste maniere de repetition de Noms, inventer ces relatifs tant des Noms, que mesme des Pronoms, comme qui[4].

Au fond, que la répétition soit ambivalente, oscillant sans cesse entre maladresse de la redite, lourdeur de la redondance, bêtise du pléonasme d’une part et énergie argumentative, renouvellement herméneutique, sautillement ludique de la ritournelle ou variation créative d’autre part, nous le savons[5]. Toutes les époques auront assurément leur part dans l’exploration et l’exploitation de cette contradiction essentielle, qui s’incarne sous des formes variées, déterminées par les représentations critiques – qu’est-ce qui est poésie et qu’est-ce qui ne l’est pas ? – propres à chaque moment de l’histoire littéraire. Néanmoins, en ce qu’elle constitue l’un des points de bascule à la rencontre duquel les discours sont évalués, répartis, classés, hiérarchisés, la « problématique de la répétition[6] » nécessite d’être posée pour la Renaissance, siècle de foisonnement des théorisations poétiques, et pourrait constituer, tel est du moins notre souhait, un outil heuristique indispensable.  

Encore faut-il préciser ce que nous entendons par répétition. Dans la mesure où notre intention est d’en interroger la valeur stylistique, nous envisageons la répétition comme figure et plus exactement, selon la terminologie de J. Gardes-Tamine, comme configuration, c’est-à-dire comme « mode de construction qui, pour être spécifique, n’en repose pas moins sur des mécanismes généraux du logos » et « que certaines caractéristiques rendent susceptibles d’un effet de figurativité[7]. » Ainsi, en partant du principe qu’une figure n’est pas un écart par rapport au discours ordinaire – définition qui implique de penser une « norme », laquelle est de facto toujours difficile à discerner –, en postulant au contraire que la répétition n’est que l’exploitation d’une potentialité offerte par le langage qui se charge alors ponctuellement de la « visibilité » et de la « problématicité » caractéristiques d’une figure[8], nous espérons susciter des réflexions qui s’efforceraient de déterminer des critères stylistiques et linguistiques[9] pour distinguer différents usages des figures de répétition dans la poésie de la Renaissance.

Au XVIe siècle, lorsque la répétition est figure, elle est dite « Nombre ». C’est du moins ainsi que la pense Antoine Fouquelin dans la Rhétorique française (1555) : parmi les « Nombres », qui confèrent « plaisante modulation et harmonie en l’oraison », le théoricien distingue ceux qui se font « par une certaine mesure et quantité de syllabes, gardée en l’oraison », c’est-à-dire les vers, des Nombres qui sont « consonance des dictions de semblable fin et terminaison » et qui sont engendrés « par une douce résonance de dictions de semblable son[10]. » Si cette définition de la figure de répétition prend pour unité minimale le phonème et, même, semble se restreindre aux répétitions phoniques de fin de séquence, dans les faits, Fouquelin ne s’y limite pas et étudie plus précisément « sept espèces, Epizeuxe, Anaphore, Epistrophe, Epanalepse, Epanode, Anadiplose, Gradation[11]. » Aussi, c’est à l’analyse des formes et usages de ces « Nombres » ou, pour le dire en termes stylistiques contemporains, c’est à la répétition comme figure microstructurale[12], pouvant impliquer aussi bien les signifiants (phonèmes, morphèmes, lexèmes, syntagmes) que les signifiés (relations synonymiques et aspect itératif)[13], qu’est consacré ce projet[14].

Rares sont encore les travaux qui étudient de manière spécifique les figures de répétition dans les textes en vers de la Renaissance[15]. On s’attachera donc tout particulièrement à partager des analyses stylistiques qui apporteront aussi bien des outils de commentaire des textes que des pistes interprétatives autour des questions suivantes : qui peut répéter ? dans quels genres poétiques la répétition est-elle favorisée ou à l’inverse dépréciée ? De quelles manières le trait d’intensité de la répétition est-il mis à profit ? La répétition équivaut-elle toujours à une insistance argumentative ? Peut-elle être un outil herméneutique ou heuristique ? Et, en particulier, comment est-elle mise au service de l’inventivité et de la création verbale ? In fine, notre intention est de proposer un panorama stylistique et métapoétique des configurations de la répétition dans la poésie de la Renaissance, pour en discerner la valeur critique et en illustrer toute la fécondité.

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Pistes bibliographiques

Bellenger Y., Le Jour dans la poésie française au temps de la Renaissance, Tübingen, G. Narr, 1979, Partie I, chap. IV, « La Répétition », p. 44-53.

Bonhomme M., Pragmatique des figures du discours, Paris, Champion, 2005.

Cave T., The Cornucopian Text : Problems of Writing in the French Renaissance, Oxford University Press, 1979 ; Cornucopia. Figures de l’abondance au XVIe siècle : Érasme, Rabelais, Ronsard, Montaigne, trad. fr. G. Morel, Paris, Macula, 1997.

Kotler, E., « L’art de la répétition dans La Sepmaine (Journées I et IV) », in L’Information Grammaticale, n°61, 1994. p. 8-12.

Frédéric, M., La Répétition : Etude linguistique et rhétorique, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1985.

Garnier S., « Entre poésie, rhétorique et performance dramatique : la mise en place d’une esthétique tragique fondée sur les figures de répétition dans Hippolyte de Robert Garnier », in Op. cit., revue des littératures et des arts [En ligne], « Agrégation 2020 », n° 20, automne 2019.

Giraud Y, « Les figures de répétition dans les deux derniers livres des Tragiques », Saggi e Ricerche di Litteratura francese, vol. XVIII, 1979, p. 283-304.

Goyet, F., Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, Paris, Le Livre de Poche, 1990.

Le Lexique métalittéraire français (XVIe-XVIIe siècles). Etudes réunies sous la direction de Michel Jourde et Jean-Charles Monferran, Genève, Droz, 2006.

Meerhoff, K., Rhétorique et poétique au XVIe siècle en France : Du Bellay, Ramus et les autres, Leiden, E. J. Brill, 1986.

Ménager D., « La rime en France de la Pléiade à Malherbe », in Etudes littéraires, vol. 20/2, 1987, p. 27-42.

Molinié, G. « Problématique de la répétition », in Langue française, n°101, 1994, p. 102-111.

Eléments de stylistique française, Paris, PUF, 2011.

La Stylistique, Paris, PUF, 2014.

Monferran, J.-C., L'École des Muses. Les Arts poétiques français à la Renaissance (1548-1610). Sébillet, Du Bellay, Peletier et les autres, Genève, Droz, 2011.

Semen, 12, « Répétition, altération, reformulation dans les textes et discours », 2000.   http://semen.revues.org/1860

Semen, 38, « Pragmatique de la répétition », 2015. https://doi.org/10.4000/semen.10280

 

 

[1] Y. Bellenger, Le Jour dans la poésie française au temps de la Renaissance, Tübingen, G. Narr, 1979, p. 44.

[2] B. Aneau, Quintil sur l’olive, sonnetz anteroticque odes et Vers Lyricques de I. D. B. A., dans l’Art poetique francoys…  de T. Sébillet, A Paris. Par la veufve Franc̜oys Regnault, 1555, p. 115.

[3] J. du Bellay, La Deffence, et illustration de la langue francoyse, Paris, Arnoul Langelier, 1549, II, 7, fol. c ii.

[4] R. Estienne, Traicté de la grammaire francoise, Paris, 1557, « Des pronoms », p. 21.

[5] A ce sujet, voir V. Magri-Mourgues et A. Rabatel, « Quand la répétition se fait figure », in Semen [En ligne], n°38, « Pragmatique de la répétition », 2015, mis en ligne le 23 avril 2015, consulté le 16 novembre 2020.

[6] G. Molinié, « Problématique de la répétition », in Langue française, n°101, 1994, p. 102-111.

[7] J. Gardes-Tamine, Pour une nouvelle théorie des figures, Paris, PUF, 2011, p. 124.

[8] Pour ces critères, cf. J. Gardes-Tamine, op. cit., p. 115-123.  

[9] Pour V. Magri-Mourgues et A. Rabatel, art. cit., ces critères sont la portée (et l’étendue) de la répétition, qui la distingue de la récurrence, l’intentionnalité, qui la distingue de la redondance, et la saillance.

[10] A. Fouquelin, La Rhétorique française [1555], éd. F. Goyet, Paris, Le Livre de Poche, p. 347.

[11] Ibid., p. 352.

[12] Nous reprenons la distinction proposée par G. Molinié : cf. Eléments de stylistique française, Paris, PUF, 2011, ch. IV, « Présentation des figures et figures macrostructurales », p. 81-95 et La Stylistique, Paris, PUF, 2014, ch. III, « Le langage figuré », p. 113-164.

[13] Pour une étude diachronique et synchronique complète des figures de répétition, nous renvoyons à M. Frédéric, La Répétition : Etude linguistique et rhétorique, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1985.

[14] En conséquence, les reprises macrostructurales – par exemple, la répétition comme stratégie narrative – ainsi que les stratégies d’imitation et de variation à l’échelle hypertextuelle seront laissées de côté, ou ne seront convoquées qu’en complément.

[15] Pour la poésie, citons Y. Bellenger, Le Jour dans la poésie française au temps de la Renaissance, Tübingen, G. Narr, 1979, Partie I, chap. IV, « La Répétition », p. 44-53 ; E. Kotler, « L’art de la répétition dans La Sepmaine (Journées I et IV) », in L’Information Grammaticale, n°61, 1994. p. 8-12 et Y. Giraud, « Les figures de répétition dans les deux derniers livres des Tragiques », Saggi e Ricerche di Litteratura francese, vol. XVIII, 1979, p. 283-304. En sus, bien qu’il porte sur le théâtre, l’article de S. Garnier mérite aussi d’être mentionné : « Entre poésie, rhétorique et performance dramatique : la mise en place d’une esthétique tragique fondée sur les figures de répétition dans Hippolyte de Robert Garnier », in Op. cit., revue des littératures et des arts [En ligne], « Agrégation 2020 », n° 20, automne 2019.