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Nouvelle parution
 Figures de l'art - Revue d'Etudes Esthétiques, n°16

Figures de l'art - Revue d'Etudes Esthétiques, n°16

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Amancio Tenaguillo y Cortázar)

DANIEL ARASSE. LA PENSÉE JUBILATOIRE DES OeVRES D'ART
FIGURES DE L'ART 16


Publications de l'Université de Pau (PUPA), 2009

Isbn 13 (ean): 9782353110179

Quatrième de couverture:


Ce sont les artistes qui font l'histoire de l'art en premier, en mettant en oeuvre une poétique d'appropriation et de dissémination, animée par un esprit d'érudition et d'application, mais aussi et surtout d'amours papillonnes, vénusiennes ou "donjuannes". Tel est le principe fondamental de la théorie de l'art de Daniel Arasse. La première scolie en est que les historiens de l'art n'arrivent jamais qu'en second. La deuxième, qui relève du diagnostic, est que la plupart d'entre eux sont devenus des spécialistes, dont l'esprit de sérieux ne peut que manquer le gai savoir des oeuvres d'art.

Redonner à l'histoire de l'art la force majeure de la joie créatrice, érotique et intempestive de la poétique des oeuvres qui, in fine, la fonde, telle est l'ambition, profondément spinoziste et nietzschéenne, de Daniel Arasse. Son "esthéthique" formule un seul impératif : "fais joyeusement de l'histoire de l'art, en artiste".

Son histoire rapprochée des détails intimes - particolare iconique ou dettaglio plastique - du sujet à l'oeuvre dans la chose même -res/rien- de l'art, en prenant la forme d'une "iconographie analytique", trouve son apothéose dans l'étincelante liberté de ton des dialogues enjoués d'On n'y voit rien et de la série radiophonique des Histoires de peintures, avec un succès si vaste que le "Don Juan de la connaissance" de la fable d'Aurore a désormais un visage.

Émanant du colloque : "Autour de Daniel Arasse", organisé par Jean-Noël Bret et Bernard Lafargue à l'Alcazar de Marseille en septembre 2008, ce seizième numéro de Figures de l'art déploie l'heuristique des principales figures de l'"iconographie analytique" jubilatoire de Daniel Arasse, grâce aux articles de Jean-Noël Bret, Guillaume Cassegrain, Anne Cauquelin, Alain Chareyre-Méjan, Cécile Croce, Filippo Fimiani, Thomas Golsenne, Véronique Goudinoux, Bernard Lafargue, Johanne Lamoureux, Jean Lancri, Sara Longo, Bertrand Prévost, Bertrand Rougé, Isabelle Thomas-Fogiel, Gérard Wajcman, Diane Watteau.

Sommaire:

- AVANT-PROPOS Jean-Noël Bret, Bernard Lafargue
La pensée jubilatoire des oeuvres d'art dans sa réflexion même

- AIRE JOYEUSEMENT DE L'HISTOIRE DE L'ART Anne Cauquelin
La joie est une passion

Se demander comment sujet et désir se croisent et se réfléchissent l'unl'autre dans et par la figure peinte, c'est, pour Daniel Arasse,interroger l'essence même de la peinture. C'est par là-même donner àl'acte de peindre, parallèlement à sa dimension érotique,l'intelligence de son propre désir : la peinture se pense.

Alain Chareyre-Méjan
Le trémolo du sens

DanielArasse est le maître de l'impossibilité de maîtriser la représentationelle-même dans son rapport au réel. Ce qui l'intéresse est le pouvoirde la pensée de constituer un commentaire qui ne soit plus unmétalangage. C'est pourquoi ce qu'il dit des oeuvres d'art apportetoujours en même temps en partage l'évidence de la simple joie de voirêtre et exister toutes choses.

Isabelle Thomas-Fogiel
Daniel Arasse ou le pur plaisir de penser

L'oeuvrede Daniel Arasse a élu domicile au coeur même du paradoxe, occupantcette place étrange qui est d'être à la fois dedans et dehors, ici etlà-bas, visant et visé. Ces paradoxes, qui parfois côtoient l'oxymore,ne sont pas sans avoir soulevé quelques problèmes épistémologiques etd'aucuns se sont inquiétés du désordre ainsi introduit au sein del'histoire de l'art qui, comme science humaine, doit pouvoir exhiberles conventionnels attributs de la science. Cet article entreprend dequestionner l'épistémologie de l'histoire de la peinture induite parles analyses de tableaux de D. Arasse et à montrer combien nous avonsaffaire à un système rigoureux, précis et cohérent, même s'il s'agitd'une cohérence dont sont faits les paradoxes, d'une logique propre àune pensée qui doit dire l'excès. Chemin faisant, cet article retracel'histoire d'une rencontre entre Husserl et Arasse, entre le philosopheet l'historien d'art, et montre combien les textes de D. Arasse,excédant les frontières entre les disciplines, résonne en d'autreschamps, les éclairant, en retour, d'une lumière autre.

Bertrand Prévost
Les problèmes artistiques ou comment faire une histoire de l'art intéressante selon Daniel Arasse

Daniel Arasse a toujours revendiqué la pratique d'une histoire de l'artintéressante. Les vérités de fait du positivisme et de l'historicismedominants dans l'histoire de l'art n'ont aucun sens si on ne voit pasen quoi elles peuvent être intéressantes. Dès lors, comment sedistinguent l'intéressant, le remarquable ou encore l'important enhistoire de l'art ? Loin de réintroduire un subjectivisme un peu faciledans l'approche des oeuvres d'art, on montre au contraire l'objectivitéque peut y recouvrir la notion d'intéressant, notamment au regard d'unenotion que Daniel Arasse était en train de forger dans ses dernierstravaux, à savoir celle de problème artistique.- LES POÉTIQUES DU GAI SAVOIR DES OEUVRES D'ART Bertrand Rougé
Annonciation/Visitation : la distance ou l'étreinte. Vers une poétique picturale ?

DanielArasse a étudié l'"affinité" entre Annonciation et perspective auQuattrocento. On fait ici l'hypothèse que l'intuition de cette affinitécache, derrière la notion de "pensée" des peintres, le présupposéthéorique d'une poétique picturale, selon laquelle le mode d'accès autableau que le peintre ménage pour le spectateur serait en rapport avecle contenu de l'istoria. L'analyse de quelques tableaux "théoriques"montre, en effet, que certaines Annonciations se donnent dans unedistance d'Annonciation, tandis que des Visitations, au contraire, sedonnent dans une proximité de Visitation. Dans le prolongement du livresur les Annonciations italiennes, naissent alors les hypothèses d'uneperformativité de la peinture et d'un rapport poétique entre tableau etistoria qui englobent - et peut-être fondent secrètement - sa penséesur la peinture.

Guillaume Cassegrain
L'objectif. Daniel Arasse et l'usage de la photographie

DanielArasse a utilisé, comme chaque enseignant, les diapositives afind'illustrer ses cours mais il a très vite compris, plus qu'aucun autre,que ces images guidaient sa propre pensée. En se faisant photographe,Daniel Arasse a commencé à "mieux voir" les peintures dont il parlait.Les détails que la photographie lui révélait ont orienté son travaildans une voie qu'il n'aurait pu imaginer sans ce médium. En prenantlui-même les photographies des peintures qu'il abordait, Daniel Arassea expérimenté une méthode nouvelle d'interprétation où sesconnaissances historiques venaient se confronter aux "révélations"apportées par l'image mécanique. Amateur de photographie, il s'estintéressé aux oeuvres de photographes contemporains (Alain Fleischer,Eric Rondepierre, Andres Serrano) afin de mieux comprendre la naturemême de l'image, quelle qu'elle soit, et des effets qu'elle peutprovoquer chez celui qui la regarde.

Jean-Noël Bret
Plaidoyer pour les mouches

Daniel Arasse raconte dans On n'y voit riencomment il s'est un jour laissé surprendre par une mouche en trompel'oeil peinte sur un tableau, bien qu'il n'ignorât rien de cetteplaisanterie qu'avaient beaucoup pratiquée les peintres du xve siècle.À travers le prisme de cet attrape-regards on explorera la relation del'oeuvre à l'artiste et au spectateur dans quelques tableaux historiquesde Turner, de Friedrich et de Kiefer. Derrière une émotion toujours enéveil nous revient alors le commentaire de Kleist découvrant avecstupeur la composition sans bords et sans barrière du tableau deFriedrich Le Moine au bord de la mer : "ce que je devais trouver dansl'image, je ne le découvrais qu'entre le tableau et moi-même […] etc'est ainsi que je devins moi-même le capucin".

Jean Lancri
"Les métamorphoses du cercle" ou "Comment Lichtenstein accommoda les poissons rouges de Matisse"

Sousle titre : "Les métamorphoses du cercle" ou "Comment Lichtensteinaccommoda les poissons rouges de Matisse", Jean Lancri procède à unexamen minutieux de Still Life with Goldfish (1972).
À l'encontre du discours qui tend à instrumentaliser lesproductions relevant du Pop Art pour les réduire à un commentairesociologique de l'American way of life, cette étude entend montrer quel'oeuvre de Lichtenstein peut rivaliser avec le tableau de Matissequ'elle cite : Poissons rouges et sculpture (1912).
Convoquant aussi bien Héraclite que Leibniz, Friedrich queHockney, Duchamp que Matisse, tout en se focalisant sur les aspectsformels et chromatiques de l'oeuvre, Jean Lancri analyse la manière dontla composition joue (et se joue) d'une balle de golf, joue (et se joue)de nous : de notre surprise à constater la reprise de cette balle,après son avatar dans les yeux ronds des poissons, dans le cercle d'ungros citron ; lequel, sur l'avant-scène, n'aurait d'autre fonction, surfond d'une méditation ombrée de mélancolie, que de nous délivrer unmessage d'optimisme ; pour le dire avec Apollinaire, cette nature morten'aurait d'autre fin que de nous livrer "le beau fruit de la lumière".- L'ICONOGRAPHIE ANALYTIQUE JUBILATOIRE : DIRE SANS LA DIRE LA CHOSE (RES/RIEN) DE L'ART Gérard Wajcman
Transverbération de Daniel Arasse

Mettrele détail au centre de la théorie, c'est introduire l'équivoque,l'ambiguïté ou l'amphibologie en peinture ; c'est voir le tableau noncomme un texte à dérouler mais comme un noeud à défaire ; c'est donnerplace à la surprise dans la contemplation ; c'est supposer que lavérité n'est pas cachée dans les dessous mais un "rebut del'observation". Tout cela a été assez vu, moins qu'il y a un autreversant du détail, qu'il signifie, mais aussi qu'il affecte la pensée,sans doute, l'âme peut-être, le corps assurément. Daniel Arasse etsainte Thérèse d'Avila ont ça en commun, que l'un et l'autre nousassurent qu'en matière de regard, la jouissance est dans le détail.

Cécile Croce
La lettre égarée

Si "Le Moïse deMichel-Ange" par Freud marque une grande nouveauté de l'approche del'oeuvre par rapport à "Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci",c'est à partir de ce texte ci que Daniel Arasse retrouve la richesse dela méthode psychanalytique qui nourrit son esthétique. Prenant assisesur le savoir lumineux de l'histoire ou de l'iconographie, sansnégliger les émois troublants suscités par l'oeuvre, il travaille àdépasser ces aveuglements premiers. Attentif à ses dévoilements, lecontemplateur de l'oeuvre suit les chemins de ses "détails" in-visibles.Sensible et amoureux, il reste à l'écoute de ses ressorts sexuels etagressifs. Et en nous ouvrant les yeux, Daniel Arasse nous ouvre lecoeur.

Johanne Lamoureux
"Voir et n'en point parler". La croûte ou la viande ou Arasse dans l'oralité du détail

Dans Le Détail,autour de L'Accordée de Village de Greuze, Arasse réfléchit sur unblanc, un silence, du commentaire de Diderot, tout en démontrantmagistralement que le critique a bien vu ce qu'il tait. "Voir et n'enpoint parler" : dès lors que la formule s'écrit, le paradoxe estouvert. Il s'agira ici de soumettre à un exercice similaire lesanalyses où Arasse se mesure à "l'innommable de la peinture" afin devérifier s'il est possible de suivre ou d'adapter cette résolutionjudicieuse. On pourra d'abord croire qu'Arasse s'y soustrait souventpuis, autour des pages qu'il consacre à l'affect dévotionnel, on espèremontrer une lecture exemplairement oblique où l'historien d'art prendposition, dans le débat ouvert par Leo Steinberg autour de la questionépineuse, non pas de la sexualité du Christ, mais de son genre.

Sara Longo
Le travail de l'oeuvre et l'empathie du regard

SiDaniel Arasse n'a jamais écrit d'ouvrage d'esthétique, la réflexion surla nature des regards portés sur l'oeuvre dans tous ses détails estomniprésente dans ses écrits, depuis ses premiers articles jusque dansses livres majeurs. S'appuyant sur quatre de ses ouvrages, cet articlemet en évidence les traits fondamentaux de ses approches de loin et deprès, qui posent les bases d'une nouvelle forme d'analyse toutparticulièrement complexe, où des disciplines étrangères à l'histoirede l'art, notamment la sémiologie et la psychanalyse, se mettent auservice de l'objet regardé.

Filippo Fimiani
Une esthétique imperceptible

C'est dans la curiositas avec laquelle Daniel Arasse s'est intéresséaux oeuvres de quelques artistes contemporains comme Kiefer, Rothko etPaterson que, paradoxalement, se montre le plus clairement sonesthétique. Même si cette esthétique n'est jamais énoncée en tant quetelle en concepts philosophiques, on peut la définir avec Valéry comme"imperceptible", c'est à dire composée de différentes attitudes etdisciplines : esthétique et sciences de l'art, philosophie et histoirede l'art, sémiologie et stylistique, iconographie et iconologie. Cetteesthétique imperceptible a pour but de s'approcher au plus près,presque intimement, de ce "rien", cette "chose" qui fait le fonds detoutes les oeuvres d'art et nous fait ressentir, parler, écrire, sansfin. - L'HEURISTIQUE DE L'ANACHRONISME RÉFLÉCHI Véronique Goudinoux
De qui sommes-nous les contemporains ? Daniel Arasse et la question de l'anachronisme

Depuis quelques années, les musées français d'art ancien proposent defaire se rencontrer dans leurs murs des oeuvres du passé et des oeuvresdu présent. La chose peut paraître surprenante si l'on se rappelle avecquelle vigueur certains conservateurs refusaient il y a encore peu cetype de confrontation, de même que rares étaient les historiens del'art ancien qui, à l'instar de Daniel Arasse, accordaient un véritableintérêt à l'art de leur époque. L'objet de ce texte est d'interrogerces récentes rencontres anachroniques, et, conjointement, certains destextes que Daniel Arasse, historien de la Renaissance, consacra àl'oeuvre d'artistes d'aujourd'hui.

Diane Watteau
Lust/plaisir - Aimer, c'est d'abord voir (À propos de l'esthétique de Daniel Arasse)

Daniel Arasse approche les oeuvres sous l'angle de la jubilation. Il"parle" aux oeuvres comme si c'étaient des personnes, pour qu'ellesosent affirmer leurs secrètes passions. Forts de son époustouflantelecture de La Vénus d'Urbin d'après Manet qui en fait une Bella semasturbant, nous proposons de revoir l'histoire du Nu d'après lesphotographies d'Enna Chaton et de Paul-Armand Gette. Gette et Chatonpoursuivent la volonté d'Arasse de "dévoiler le regard" du spectateuret du lecteur, pour nous faire voir le corps aimé/aimant différemment.Le nu considéré comme déni, fiction ou indifférence est pensé par nosartistes, comme une Rencontre qui transforme la puissance du Nu en uneprésence des corps. Les mascarades tombées, il s'agit plus de penser lenu comme circulation que comme exhibition. Il faut apprendre à voirpour apprendre à aimer, parce qu'"Aimer, c'est d'abord voir" !

Bernard Lafargue
Dépeindre la femme en points de suspension

Prolongeantla pensée de Daniel Arasse sur "l'effet anachronique de sensirrésistiblement suscité" par les oeuvres d'art les plus fortes às'approprier et détourner, avec amour et fantaisie, la traditioniconographique dont elles s'inspirent, cet article propose de revoir, àl'ère du "gender trouble" artialisé par les mille enfants transgenresde Marcel-Rrose Sélavy, qui ne veulent plus attacher le genre au sexe,l'érotisme tout particulièrement trouble du travail de figurabilité àl'oeuvre dans La Tempesta de Giorgione, habile à dépeindre la femme enpoints de suspension.- COMPTE RENDU Thomas Golsenne
Écritures defantaisie. Grotesques, arabesques, zigzags et serpentins, BernardVouilloux, Paris, Hermann, 2008, collection Savoir.