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« Fictions narratives du XXIe siècle » : approches stylistiques, rhétoriques, sémiotiques, Journée d’étude

« Fictions narratives du XXIe siècle » : approches stylistiques, rhétoriques, sémiotiques, Journée d’étude

Publié le par Laure Depretto (Source : EA )

Ce projet collectif souhaite s’attacher à parcourir les grandes déterminations linguistiques et formelles fictions narratives française du XXIe siècle. Il s'agira de dégager la spécificité des écritures contemporaines de fiction par rapport aux écritures narratives du XXe siècle.

Le siècle nouveau voit manifestement le jour dès les années 80 (cf. D. Viart) avec le retour dans la narration du sujet, de l'histoire et de l'Histoire, mais aussi du romanesque. La crise du récit qui a suivi la Deuxième guerre mondiale n'est pas encore terminée, mais les pratiques d'écriture actuelles, tout en confirmant cette crise, disent toute l'ambivalence de la fascination qu'exerce le modèle du récit, redevenu possible dans ces deux dernières décennies. Il fascine et attire les écrivains malgré qu'ils en aient. Il agace. Il est le lieu de tensions remarquables dont la langue littéraire qui le nourrit est porteuse.

On est cependant tenté de voir dans les attentats du 11 septembre 2001 la fracture emblématique qui entérine l'avènement du nouveau siècle. Leur impact sur la narration a d'ailleurs été souligné par les intellectuels comme par les écrivains : « Depuis le 11 septembre 2001, non seulement la réalité dépasse la fiction mais elle la détruit. [...] Comment quelque chose d'aussi énorme peut-il être détruit aussi vite ? [...] Pourtant c'est arrivé. Cet événement a existé, et on ne peut pas le raconter » (Beigbeder). Pour Salmon, l'homme serait désormais « sans recours narratif » face à l'expérience ; ces événements auraient conduit à « l'enfouissement, l'éclipse, la dislocation de tout sens et de tout récit ». Pourtant, le « recours narratif », fût-ce sur cet arrière-fond d'inénarrable, est indéniable, comme en témoigne l'ampleur de la production romanesque contemporaine.

À tout le moins, les événements du 11 septembre 2001 ont inauguré une nouvelle conscience de la configuration géopolitique du monde, de ses nouveaux équilibres et déséquilibres ; l’économie, fût-elle de la connaissance, nous parle de mondialisation ; la sociologie d’isolement et d’écrasement de l’individu ; les sciences alertent sur l’avenir de la planète et les sciences humaines sur les ruptures sociales en tous genres : le XXIe siècle, siècle de tous les espoirs à la fin du XXe siècle, est advenu comme celui du repli, de la désillusion, mais aussi de la révolte et de l’explosion d’une création multiforme qui met à distance, qui s’approprie les nouvelles technologies et abolit les frontières de toutes sortes entre genres, supports, langues. Si le XXIe siècle continue le siècle précédent, de nouvelles problématiques se font donc jour, en affinité aussi avec les évolutions historiques, économiques et sociologiques, en affinité encore avec l’évolution des sciences, humaines ou exactes.

Cette « babélisation » labyrinthique et transsémiotique du littéraire mérite donc qu’on essaie de l’analyser dans ses dimensions linguistique, stylistique, sémiotique et rhétorique ; et dans son influence sur la fiction – si le récit reste fragile dans son retour en grâce, si le réel reste difficile à appréhender par la narration, la fiction peut-elle se glisser dans cet entre-deux ? Le statut de la fiction narrative mérite assurément d'être spécifiquement interrogé dans ce cadre, tout comme son aptitude à se nourrir, à se régénérer de ces changements. La fiction peut-elle offrir des formes narratives et discursives inédites ? Peut-elle trouver dans la narration, dont l'attirance cependant doublée de dérision distanciée chez les écrivains d'aujourd'hui se fait nettement sentir, un support générique acceptable ou bien se cherche-t-elle, par l'entremise, et la mise en œuvre d'autres sémiotiques, une échappée belle à la croisée d'autres genres, d'autres supports ? Quelles sont les conditions de possibilité, en somme, de son renouveau ou de sa survie ?

La journée se penche donc sur ces questions, avec des études qui envisagent de montrer comment de nouvelles définitions de la fiction se cherchent dans une relative dénégation du romanesque au profit d'une fictionalisation du réel et de nouveaux traitements de l’Histoire. Les études montreront comment ces reconceptions de la fiction mettent en jeu de nouvelles approches de l’énonciation fictionnelle (plutôt que romanesque), avec de nouvelles instanciations auctoriales, narratoriales ou d'un je autofictionnel, qui exhibent la fictionalisation par leur mise en parole (adverbes de discours, effacements énonciatifs, dialogisme...). Il apparaît d'emblée qu'un des nœuds rhétorico-stylistique de cette fiction(alisation) contemporaine se trouve dans une évolution de la perception de la phrase, haut lieu de cristallisation de l’imaginaire littéraire et langagier. Enfin, sera également prise en compte, la dimension intersémiotique de la littérature qui atteint une sorte de cinquième dimension de la fiction(alisation) avec les contacts, les influences et les utilisations des nouveaux supports ou techniques télévisuels, graphiques et interactifs : séries télévisées, BD, internet et art de la performance...

 

Programme de la journée

 

Matin

 

9h00 Accueil des intervenants au Club

9h25 Mot d’introduction à la journée : Joëlle Ducos

 

Nouveau siècle, nouvelles phrases romanesques ? (Présidence : Florence Leca)

9h30-9h55 : Cécile Narjoux, Université de Paris-Sorbonne, EA 4509, « Des “micro-anomalies dans le cours ordonné de ma vie” ou la suspension phrastique dans la fiction narrative contemporaine »

9h55-10h20 : Christelle Reggiani, Université Charles de Gaulle-Lille III, « Une langue littéraire au début du xxie siècle ? Autour de la phrase longue »

10h20-10h30 : Discussion

10h30-10h55 : Geneviève Salvan, Université de Nice Sophia-Antipolis, CNRS/ILF - UMR 6039, « “Suivez la phrase qui ne sait pas où elle va” : la phrase à volonté chez Rouaud »

10h55-11h20 : Catherine Rannoux, Université de Poitiers, FORELL, EA 3816, « La “corporalisation” du discours : phrasé et complexification syntaxique dans l’œuvre de Laurent Mauvignier »

11H20-11H40 : Discussion et pause

 

Au XXIe siècle, la fiction et la vie (Présidence : Jacques Dürrenmatt)

11h40-12H05 : Stéphane Bikialo, Université de Poitiers, « Réel et fictions narratives »

12h05-12h30 : Julien Piat, Université Stendhal-Grenoble 3, Traverses 19-21 – EA 3748, « Je et les autres : modalités et enjeux de la fictionnalisation du sujet dans le récit autobiographique des années 2000 »

12h30-12h55 : Alain Rabatel, Université de Lyon 1, ICAR, « La fictionnalisation des paroles et des gestes dans Les Années d'Annie Ernaux »

12h55-13h10 : Discussion

 

Après-midi

 

Nouveaux espaces de fiction (Présidence : Christelle Reggiani)

14h50-15h15 : Jacques Dürrenmatt, Université de Paris-Sorbonne, EA 4509, « Penser la séquentialité dans le récit graphique contemporain »

15h15-15h40 : Françoise Rullier-Theuret, Université de Paris-Sorbonne, EA 4509, « De l'influence des séries télévisées sur l'écriture de la fiction contemporaine »

15h40-16h05 : Claire Stolz, Université de Paris-Sorbonne, EA 4509, « Le vertige des contingences auctoriales et narratoriales : un nouvel espace de dialogisme et de coénonciation avec le lecteur »

16h05-16h30 : Discussion et conclusions de la journée