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"Femmes poètes de la Belle Epoque (1890-1914) : quel héritage ?" (Paris 3)

Publié le par Marc Escola (Source : Wendy Prin-Conti)

"Femmes poètes de la Belle Epoque (1890-1914) : quel héritage ?"

Journée d'étude avec intermède chanté, Université Paris 3

 

Programme de la journée

Matinée
Présidente de séance : Christine Planté (Lyon 2)

9h : Accueil des participants

9h15 : Mot d’ouverture (Wendy Prin-Conti)

9h30 : Nicole G. Albert
« "Le dur désir de durer" : Renée Vivien vs Anna de Noailles »

Très souvent réunies dans les anthologies féminines de leur époque, Renée Vivien et Anna de Noailles, deux figures emblématiques – et exactement contemporaines – de la poésie féminine 1900, ont néanmoins été diversement reconnues de leur vivant : à la première, que l’inspiration décadente et le lesbianisme revendiqué sur fond de Grèce antique finissent par rendre suspecte aux yeux de ses contemporains, s’oppose la seconde, personnalité mondaine couverte d’honneurs. Leurs destins posthumes, après avoir reconduit cette différence de traitement, tendent aujourd’hui à se rejoindre, voire, dans une certaine mesure, à s’inverser. Cette étude comparative prendra sa source, non seulement dans la réception et le travail mémoriel autour des textes comme des persona, mais également dans les œuvres mêmes des deux poétesses qui se sont interrogées, en la bâtissant habilement, sur leur propre postérité littéraire.

10h : François Le Guennec (université d’Orléans)
« Femmes auprès d’un piano »

Le XIXe siècle, surtout à partir de 1830-1840, voit (ou plutôt entend) une musicalisation de toute la société, notamment avec le phénomène de la « mélodie française ». Il était naturel que les femmes poètes y participent. Nombreuses sont celles dont on trouve le nom sur la partition d’une mélodie, soit comme parolière, soit comme compositrice. Plus rares celles qui prennent la mélodie au sérieux et qui voient des dizaines de leurs textes mis en musique. Au-delà de témoignages d’amitié, voire de « billets d’humeur », certaines femmes ont néanmoins construit une œuvre durable sur ces poèmes. Enfin, il est agréable de disposer d’un échantillon de cette mélodie française au féminin grâce à de récents enregistrements…

10h30 : Intermède musical
Avec le concours de Jacques Chardon (ténor), Laurence Weber (soprano) et Ernestine Bluteau (pianiste)

11h -11h20 : pause

11h20 : Wendy Prin-Conti (Paris III - Sorbonne Nouvelle)
« Les femmes poètes, marraines littéraires oubliées de la jeunesse 1900 »

Si le rôle des auteurs masculins dans la promotion des carrières poétiques naissantes est bien connu (que l’on songe à la conférence de Laurent Tailhade donnée au théâtre Fémina le 4 avril 1908 et destinée à lancer Cocteau sur la scène littéraire, ou bien encore à l’article de Barrès présentant aux lecteurs de L’Echo de Paris le premier recueil du tout jeune François Mauriac en mars 1910), il est une influence, souvent décisive, que l’histoire littéraire semble avoir oblitérée. Dans les premières années du siècle, la jeune génération bénéficie en effet aussi du soutien actif de quelques femmes poètes, lesquelles présentent chaque fois la double caractéristique d’être Parisiennes et bien insérées dans les réseaux de sociabilité mondaine. C’est précisément cette influence trop méconnue que cette communication souhaiterait mettre en lumière, à travers le choix d’exemples concrets.

11h50 : David Moucaud (Paris III – Sorbonne Nouvelle)
« Une décennie "saphique" ? Enquête sur un style d’époque (1900-1909) »

Lucie Delarue-Mardrus, Renée Vivien, Anna de Noailles : l’année 1901 voit publier une génération de femmes poètes chez qui l’expression du désir et des élans de la chair déborde un apparent académisme de composition. Dans le milieu qui rassemble certaines d’entre elles, se rencontrent des rivalités amoureuses et poétiques : l’émulation semble se faire veine stylistique, et engendrer des récurrences formelles qui dessineraient un style. La figure de l’amante, dans l’érotisation ambiante, rejoint l’ethos saphique de la ‘langue brisée’ et y trouve les éléments d’une poétique susceptible de faire école. En parcourant cette gamme, nous proposerons une enquête non tant sur un effet de cénacle, que sur les possibles traces d’un style d’époque, de sorte à donner à cette ‘génération 1900’ la place qui lui revient dans l’histoire de la poésie.

12h30-14h30 : pause déjeuner

Après-midi
Présidente de séance : Nicole G. Albert

14h30 : Stéphane Chaudier (Lille III)
« Anna de Noailles : la poésie d’une assiégée »

La poésie d’Anna de Noailles se lit comme une incessante demande de renforts faite de la part d’une assiégée. Mais est-il sûr que quelqu’un, quelque chose, réponde et vienne en aide ? Bien sûr, il y a la splendeur du monde : elle se donne comme une évidence. C’est le rôle des sensations (et surtout du toucher) que de capter à même la nature créatrice, les énergies et la discipline (ce point est décisif) qui permettent au sujet sensible de se sentir uni au cosmos, et donc soutenu par lui. Chez Anna de Noailles, l’équilibre des forces entre le monde immense et le désir immense qui s’adresse à lui et se renouvelle en lui est toujours le résultat d’une prière que la poésie a pour rôle de transmettre à cet alter ego dilaté qu’est le monde. De la sensation naissent les affects qui prolongent cet accord et conduisent à l’écriture par la voie de l’épanchement. Et pourtant, au-delà de la splendeur, il y a le temps, c’est-à-dire l'ombre de la mort de soi et de tout, c’est-à-dire le doute que la splendeur, si elle n’est pas un leurre, n’est peut-être pas la puissance suprême qu’elle semble être. Le poète est assiégé dans sa sensualité heureuse par la conscience que cette sensualité peut à tout moment se tarir. L’intarissable se tarirait ? La confiance tournerait à la défiance ? La poésie d’Anna de Noailles peut-elle aller au-delà de cette circularité obsessionnelle ? Y a-t-il place pour une expérience de la temporalité autre que celle du cycle ? N’est-ce pas sur ce point que Proust rencontre Anne de Noailles et l’élit comme son intercesseur ?

15h : Fleur Thaury (Lille III)
« Analyse de l’histoire officielle du paroliberismo féminin ou l’échec de l’intronisation de Marietta Angelini dans le mouvement futuriste »

Le 12 février 1916, Francesco Cangiullo présente en une de la revue napolitaine, La Vela Latina, « la prima poetessa parolibera, Marietta Angelini ». Inconnue du grand public, Marietta Angelini ne l’est cependant pas pour les futuristes qui l’emploient en tant que secrétaire et domestique. Son intronisation polémique dans le mouvement impose une personnalité destinée à prendre à revers l’ensemble des codes littéraires : l’inconnue face aux auteur(e)s installé(e)s, la femme de chambre face aux intellectuel(le)s, la motlibriste face aux romancièr(e)s… Après avoir montré comment Marietta Angelini, en tant que figure (re)construite par le discours futuriste, est promue dans l’histoire littéraire officielle du mouvement comme la pionnière des « poetess[e] paroliber[e] », nous analyserons l’échec de ce récit. Il nous faudra alors intégrer plus largement cet exemple aux stratégies mises en place par les futuristes pour mettre en scène leur propre histoire et tenter de construire une nouvelle histoire de l’art, hors des voies codifiées.  

15h30 : Charlotte Maria
« Claude Cahun : une avant-gardiste fin-de-siècle »

Claude Cahun (1894-1954), artiste complète (écrivain, journaliste, photographe, plasticienne, comédienne) est aujourd’hui communément associée au surréalisme et aux avant-gardes de l’entre-deux-guerres. Mais son œuvre, et notamment ses premiers écrits, révèlent un important héritage fin de siècle. Ainsi, nous nous proposons d’étudier le balancement entre ces deux influences et de montrer en quoi ses attaches avec la littérature fin de siècle (qui sont aussi d’ordre familial : elle était la nièce de Marcel Schwob) ainsi que sa personnalité à la fois provocante et protéiforme en font une passeuse entre la fin du XIXe et les avant-gardes.

16h-16h20 : pause

16h20 : Laurent Robert (Haute Ecole en Hainaut)
« Figuration et poésie de Jean Dominique dans The Single Hound de May Sarton »

Dans son premier roman, The Single Hound (1938), l'écrivaine américaine May Sarton décrit la manière dont un jeune poète anglais voit sa vie influencée par l'œuvre et la personnalité d'une femme poète belge, dont le nom de plume est Jean Latour. La clef est presque évidente : c'est son amie et mentor, Marie Closset, en littérature Jean Dominique, qu'évoque ici May Sarton, dans une démarche à divers égards singulière. En effet, le maître en écriture est aussi et surtout une oubliée de l'Histoire littéraire – y compris dans le champ des lettres francophones de Belgique – que seule la relance de la création, par une toute jeune écrivaine et dans une autre langue que le français, est parvenue à ramener furtivement, brièvement, dans la lumière. Faisant se croiser les écrits de May Sarton et les poèmes de Jean Dominique, la présente communication reviendra sur la trajectoire de cette dernière et sur son influence.

16h50 : Brigitte Rollet (UVSQ - IEP)
« De Stein à Bishop : des femmes de lettres hors norme en images »

Si la figure de l'écrivain, authentique ou fantasmée, a souvent inspiré les cinéastes, les femmes de lettres sont plus rares à habiter les écrans. George Sand et Colette arrivent en tête des auteures/personnages françaises dont la vie est adaptée, de manière plus ou moins fidèle d'ailleurs. Cela n'a rien d'étonnant compte tenu du profil des deux femmes, plus cinégéniques et télégéniques que certaines de leurs consœurs. Car l'homme ou la femme de lettres au cinéma doit être un héros ou une héroïne à part entière et rien de tel qu'un parfum de scandale pour y accéder : les versions filmiques ou télévisuelles des écrivaines de prose ou de poésie intègrent parfois au portrait « officiel » des variantes, soulignant un trait ou dissimulant un autre, inventant au besoin ce que l'Histoire ne sait pas ou ne dit pas. Cette intervention s'intéressera aux mises en images de femmes de lettres hors normes (unruly women) dont une poignée de poétesses de langue anglaise afin de questionner d'éventuels présupposés genrés à l’œuvre et de s'interroger sur la capacité du cinéma à exprimer ou non la poésie.

17h30 : fin de la journée d’étude