Essai
Nouvelle parution
F. Calaça, Dandysme et souci de soi. Essai sur les processus de subjectivation dans La Comédie humaine d’Honoré de Balzac

F. Calaça, Dandysme et souci de soi. Essai sur les processus de subjectivation dans La Comédie humaine d’Honoré de Balzac

Publié le par Emilien Sermier (Source : Fausto Calaça)

Fausto Calaça

Dandysme et souci de soi. Essai sur les processus de subjectivation dans "La Comédie humaine" d’Honoré de Balzac

Sarrebruck (Allemagne), Presses académiques francophones, 2013

264 p.

EAN13 : 9783841622815

 

 

Présentation de l'éditeur:

Cet ouvrage est la version remaniée et traduite d’une thèse de doctorat en « Psychologie clinique et Culture » soutenue dans sa version en langue portugaise, « Dandismo e cuidado de si : ensaios de subjetivação em Balzac », le 10 mars 2010 à l’Université de Brasilia (Brésil), par Fausto Calaça, sous les directions de Terezinha de Camargo-Viana et Olivier Bara. La recherche scientifique a été accomplie avec un stage doctoral à la Faculté des Lettres de l’Université Lumière Lyon 2 et dans l’UMR « Littérature, idéologies, représentations, XVIIIe-XIXe siècles-Lire » (CNRS), dans le cadre du Collège Doctoral Franco-Brésilien, financé par la Fondation Capes-Brésil.

 

Les objets d’enquête et les centres de l’intérêt romanesque de La Comédie humaine d’Honoré de Balzac sont constitués par des personnages en crise, dont l’identité à la fois sociale et personnelle est toujours mise en question. De ce point de vue, on pourrait envisager la notion foucaldienne de subjectivation comme déjà « pressentie » par Balzac en un temps où les sciences sociales, à peine émergentes, ne se distinguaient pas de ce que la contemporanéité circonscrit en tant que littérature ou champ littéraire.

La subjectivation a été le thème principal des derniers cours Michel Foucault au Collège de France, surtout dans L’Herméneutique du sujet, en 1982, où il met ce thème en discussion en le plaçant sous le signe du souci de soi pour développer une étude sur les pratiques de production de la subjectivité dans la culture occidentale. L’histoire du souci de soi est l’histoire des représentations, des notions ou des théories, des pratiques de la subjectivité. Avec ce thème on a tout un corpus définissant une manière d’être, une attitude, des formes de réflexion dans l’histoire des processus de la constitution du sujet depuis l’Antiquité, dans la réflexion philosophique du dialogue Alcibiade de Platon.

Au début du XIXe siècle, après les différents moments historiques du souci de soi, le dandysme apparaît comme une des tentatives difficiles pour reconstituer une éthique et une esthétique du « soi ». À la différence du dandy aristocratique décrit par Barbey d’Aurevilly et Baudelaire, le dandy de Balzac ne se définit pas forcément en opposition radicale aux valeurs bourgeoises. Le dandy balzacien, c’est-à-dire, le jeune homme ambitieux de La Comédie humaine, ajoute aux signes aristocratiques d’une élégance oisive une habileté pratique et bourgeoise. Il se sert du dandysme comme d’un moyen pour atteindre d’autres buts, ceux du pouvoir et des positions sociales en transfigurant le dandysme en stratégie de séduction.

Dans cet ouvrage, en étudiant le parcours du dandy littéraire comme un processus dynamique de construction du sujet en société, on soutiendra l’hypothèse selon laquelle le dandysme balzacien est une représentation romanesque de l’un des moments du souci de soi dans l’histoire de la culture occidentale. On reconnaitra le dandy comme une mise en scène du héros moderne motivé par la construction (illusoire ?) pour lui-même du mode de vie souhaité.

Les origines du dandysme sont étudiées par les analyses de l’éducation du jeune homme chez Balzac (Rastignac) en la comparant avec l’éducation du jeune homme chez Platon (Alcibiade). Le dandysme balzacien est à la fois une expression du malaise (la mélancolie et le suicide) de la jeunesse autour de 1830 et de réaction face ce malaise (le cynisme, l’ironie, l’insolence, la dissolution) comme des phénomènes psycho-sociaux, possédant une valeur symbolique et un sens politique. Les diverses scènes du « roi des dandys » (Henri de Marsay) sont riches des significations sociales et politiques d’une notion de souci de soi « dégradé » et « frivole » dans la démarche des dandys balzaciens. La dégradation du souci de soi est une représentation des processus de la transformation historique de la culture, c’est une nouvelle configuration politique du sujet (ou une forme d’adaptation) aux exigences sociales qui lui sont imposées. Enfin, on esquisse sur le thème de l’amitié chez les jeunes hommes balzaciens, inspiré par la notion d’« amitié comme mode de vie » chez Foucault. Dans La Comédie humaine, l’amitié peut-être un moyen de promouvoir un « salut de soi » dans un contexte moral et économique instable où se trouvent les protagonistes ; l’amitié peut-être aussi une forme de résistance face aux modèles normatifs de structuration des liens humains de la culture bourgeoise en état d’ascension. L’amitié balzacienne comme résistance et contre-modèle est discutée à travers le personnage de Jacques Colin, le cénacle littéraire (le Cénacle) et la société secrète des Treize. Lucien de Rubempré est le dandy qui se perd tragiquement dans l’environnement des corruptions et de compétitions de la haute société, un monde saturé d’apparences et mystérieusement codé. Le souci de soi chez Lucien est une pratique médiatisée par le désir d’autrui. Serait-il possible cette façon de se soucier de soi ?

Balzac rachète le souci de soi et modifie sa qualité dans l’histoire de la subjectivité. À travers les fictions des dandys, il crée un modèle de souci de soi pour le XIXe siècle. Après les transformations du souci de soi dans les textes helléniques et de l’Empire romain, dans les Confessions de Saint Augustin et aussi dans le « moment cartésien » (la disqualification ou la « dégradation » cartésienne du souci de soi) de l’histoire de la pensée occidentale, Balzac présente une autre version. Il ne s’agit plus d’un travail de retour à soi pour renoncer à soi comme chez Saint Augustin. Il ne s’agit pas non plus d’un travail uniquement cognitif et rationnel comme chez Descartes. C’est un travail également cognitif, mais qui inclut toute les autres dimensions de l’être : corporelle, affective, sociale. Un travail qui inclut tout l’être du sujet pour faire de sa vie un art auto-finalisé comme dans la culture de soi chez les Grecs et chez les Romains, mais dans lequel le sujet inclut les contradictions morales et politiques de son époque. Pour incorporer les vérités du monde moderne, les dandys balzaciens se soucient d’eux-mêmes. De cette façon-là, ces héros balzaciens illustrent les oscillations chez eux-mêmes entre les pratiques d’assujettissement et les pratiques de liberté. 

En privilégiant l’historicité dans les études de questions humaines et en gardant les aspects littéraires des textes choisis, l’approche foucaldienne semble être appropriée à ce travail. La notion de souci de soi ne doit pas être comprise comme ce qui a été transposé artificiellement à l’œuvre de Balzac. C’est une notion changeante dans l’histoire de l’Occident, mais, en tant que « notion » elle est, selon Foucault, persistante dans l’histoire. Modèle sur lequel on a structuré le présent essai sur les processus de subjectivation dans La Comédie humaine, en préservant le discours auctorial d’Honoré de Balzac. Tel est ici l’ambition : rapprocher la matière romanesque balzacienne des études de la subjectivité.

 

Sommaire

 

INTRODUCTION

1. La littérature et les études de la subjectivité

2. Subjectivité dans la littérature et subjectivité dans l’histoire

3. Présentation du corpus d’étude

4. Programme de cette étude

 

CHAPITRE I – Honoré de Balzac et les essais de dandysme

1.1   Scènes de la vie de dandy

1.2   Scènes de dandysme dans la vie d’artiste

 

CHAPITRE II - La naissance du dandy dans l’histoire de la subjectivité

2.1   L’herméneutique du sujet chez Foucault

2.2   Alcibiade et l’apparition du souci de soi : l’ancêtre lointain du dandysme ?

2.3   La culture de soi comme racine psychologique et morale du dandysme

2.4   Le souci de soi au XIXe siècle

 

CHAPITRE III – Le jeune homme romantique et ses pratiques de subjectivation

3.1   Le siècle du désenchantement et la jeunesse condamnée à l’ilotisme

3.2   Le remplacement de la mélancolie par l’insolence et le cynisme

3.3   Un cri d’alarme de la bohème balzacienne en faveur de la jeunesse

 

CHAPITRE IV – Le moi et la politique du roi des dandys

4.1   « Quelque chose d’un peu troublant dans ce principe du souci de soi »

4.2   Devenir dandy : « se mettre à la hauteur de son époque »

4.3   Une version moderne du souci de soi : le Moi social

 

CHAPITRE V – L’amitié : l’une des formes que le dandy donne au souci de soi

5.1   L’amitié comme mode de vie, ou la résistance balzacienne

5.2   Le souci de soi par opposition aux valeurs partagées entre amis

5.3   « Par qui serais-je aimé ? » : le souci de soi par la médiation du désir d’autrui

 

CONCLUSION

 

ANNEXE 1 – La constellation des dandys balzaciens

ANNEXE 2 – Chronologie des fictions des dandys balzaciens

ANNEXE 3 – Chronologie générale des fictions

ANNEXE 4 – Chronologie de la publication

ANNEXE 5 – Table des titres

 

BIBLIOGRAPHIE

1. CORPUS PRIMAIRE

1.1   Œuvres de Balzac étudiées dans cet ouvrage

1.2   Autres œuvres de Balzac convoquées

1.3   Autres œuvres littéraires convoquées

2. CORPUS SECONDAIRE

2.1   Études balzaciennes

2.1.1   Ouvrages

2.1.2   Articles

2.2   Études sur la littérature française du 19e siècle (ouvrages, articles et dossiers)

2.3   Œuvres philosophiques convoquées

2.4   Outils psychologiques, sociologiques, philosophiques

 

Table des illustrations