Collectif
Nouvelle parution
F. Lallier, J. Thélot (dir.), Cahier Roger Munier

F. Lallier, J. Thélot (dir.), Cahier Roger Munier

Publié le par Bérenger Boulay (Source : François Lallier)

Cahier Roger Munier


sous la direction de François Lallier & Jérôme Thélot

Cahier Le temps qu'il fait n° dix-sept

Actes du colloque de Lyon - mars 2008.


Cognac: Éditions Le temps qu'il fait, 2010, 288 p. (+ 24 p. hors-texte)

  • Isbn 13 (ean): 9782868535191
  • Tirage ordinaire : 29 €. Tirage de tête limité à 50 exemplaires numérotés accompagnés d'un film original de Patrick Zeyen (Roger Munier, le visiteur ) sur dvd ( 56 minutes ) : 55 €

Présentation de l'éditeur:

Leprésent volume entreprend de reconnaître l'oeuvre et la pensée de RogerMunier, en leur champ d'action et leur envergure. Philosophe, poète (ou encore critique, traducteur ), aussi bien il récuse cesdénominations en son travail même, parce qu'elles dressent desbarrières et croient définir ainsi des objets, quand il n'y a que desfrontières, toujours franchies, et un seul objet, bien qu'il échappesans cesse. Roger Munier occupe superbement celle qui se trace entreontologie et phénoménologie – clairement soumises à une interrogationeckhartienne du divin. Il déplace avec non moins de force celles quidessineraient le territoire de la poésie, exercice de la parole, écoutedu monde. Ainsi aux « méditations » qui conduisent la pensée jusqu'aubout d'elle-même, répond le dire de l'Opus incertum,où s'actualise l'horizon d'une présence adossée au Rien. Proche desgrands poètes de son temps, auteur d'un livre majeur sur Rimbaud,théoricien de l'image et ami des peintres de l'apparaître, témoin enfinde l'« espace intérieur », Roger Munier, dans l'écart où il se tient,met en relief d'un rayonnement oblique les questions que tend àocculter la représentation que notre temps se fait de lui-même.

Au sommaire, textes deGabrielle Althen, Soheil Azzam, Gérard Bocholier, ChantalColomb-Guillaume, Yannick Courtel, Jean-Yves Debreuillle, PierreDubrunquez, Sébastien Hoët, Christian Hubin, Gilles Jourdan, NatachaLafond, François Lallier, Isabelle Lebrat, Jacques Lèbre, Jacques LeBrun, Yves Leclair, Henri Mongis, Bruno Pinchard, Henri Raynal, JacquesRéda, Bertrand Saint-Sernin, Lionel Verdier, Patrick Zeyen ; peintures et dessins deNasser Assar, Denise Esteban, Claude Garache, Bernard Gantner,Dominique Gutherz, Alexandre Hollan, Anne Neuve-Église, Julio Pomar,Alain Tirouflet, Jean-Max Toubeau. Inédits de Roger Munier. Iconographie, biographie, bibliographie complète.

Extrait:

« Tenterde prendre la mesure de l'oeuvre de Roger Munier, dans son ampleur etson rayonnement, tel est le but que s'est fixé le présent livre. RogerMunier fut d'abord, il faut le rappeler, le traducteur, en 1953, de la Lettre sur l'humanismede Heidegger. Dès 1949, il était allé interroger celui-ci. Plus tard,il le mettra en relation, à la demande de Jean Beaufret, avec RenéChar, et participera aux séminaires du Thor. S'il reste proche de lapensée de Heidegger, son propre parcours se poursuivra dans unedistance qu'il importe de mettre en lumière. Alors que Heideggers'était depuis plusieurs années tourné, par-delà sa déconstruction dela métaphysique, vers la relation de l'Être et de la parole à traversla poésie, son visiteur lui avait posé la question du « même ». Ils'orientait ainsi vers une vue originale de l'« il y a », par le biaisde la pensée de l'image, qu'exprime son premier livre Contre l'image (1963). L'essence de l'image, comme analogos dans lequel le monde en son apparaître se dit lui-même, la fait rejoindre le logos comme « mot » du monde. Mais ce qu'elle dit est l'apparaître ; en cet apparaître se situe la différence de l'« il y a », quand l'être, l'être simple, est lui-même— et rien d'autre. C'est dans le fil de cette première intuition queparaît quelques années plus tard, en 1970, un livre de plus d'ampleur, Le Seul,où le visible, avec sa « dimension perdue » fait l'objet d'unetraversée, pour une part phénoménologique, pour l'autre soumise à lacontrainte rigoureuse d'une écriture de l'expérience, et où l'enjeuphilosophique se réalise en une tentative pour rejoindre le mode d'êtredu monde en prenant en compte la présence comme, aussi, « la disparue »— dans la finitude. À cet essai véritablement inaugural, s'ajoute unecontinuation, « D'un Seul tenant », qui témoigne de la tension établie,dans le « dire » de l'expérience, entre méditation et poème — en tantque ce dire approche au plus près son objet, cet « il y a » du mondequi se dévoile comme parole. Poème bref, circonscrit, dont la formeprend sa pleine effectivité, en 1973, dans L'Instant, tandisque Roger Munier entre en rapport d'attention et de partage avec lespoètes de son temps : après René Char, il faut citer André Frénaud,Yves Bonnefoy, sur lesquels il écrit des études, et Pierre-AlbertJourdan ( Roger Munier participe à l'aventure de la revuePort-des-Singes ), mais aussi Octavio Paz, Roberto Juarroz, AntonioPorchia. En 1993, enfin, il écrira un livre important sur Rimbaud. Àpartir de 1980, son travail ne cessera plus de montrer la convergenceentre l'exercice de la parole et le foyer de l'expérience de l'« il y a», mais aussi l'écart entre une fusion rêvée de la parole et del'objet, et le maintien de cet objet en son horizon d'existence, ce «rien » qui mystérieusement le fonde. Ainsi les publications de cettepériode se partagent-elles entre des « méditations » sur certainsmoments de l'expérience elle-même ( citons Orphée, Mélancolie, Éternité, Sauf-conduit, Adam), et des recueils aphoristiques où se réalise pour ainsi dire laconjonction de l'expérience et du dire, comme en témoigne la résonancemême de leurs titres : Le Moins du monde, L'Ordre du jour, Au demeurant, À Vrai dire, Tous feux éteints, Contre-jour ; précurseurs d'un Opus incertum dont la notion revendiquée depuis 1995 symbolise pour ainsi dire l'entrée dans un infinide la finitude. En quoi il convient d'ajouter que Roger Munier semontre fidèle à l'« espace intérieur » qu'il désignait dans le titrechoisi pour continuer, après Jacques Masui, la collection « Documentsspirituels » ; comme à la tradition mystique de Maître Eckhart etd'Angélus Silésius ( dont il est l'un des traducteurs ) — pour allervers une aube paradoxale du divin dans le néant.
Les textes iciprésentés rassemblent les actes du colloque qui s'est tenu à Lyon enmars 2008, sur l'initiative de Jérôme Thélot, professeur à l'Universitéde Lyon 3 ; ainsi que nombre de témoignages qui ajoutent ce qu'on nesaurait passer sous silence : la générosité, le sens de l'amitiéchaleureuse et du partage qui sont le fait de Roger Munier, en sapersonne et au titre même de son exigence dans l'aventure d'une penséenon seulement vivante mais, dans son « écart », centrale aujourd'hui.

François Lallier