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Excès de sens dans la littérature du XXe siècle

Excès de sens dans la littérature du XXe siècle

Publié le par Matthieu Vernet (Source : faculté pluridisciplinair de Nador)

EXCES DE SENS DANS LA LITTERATURE

DU XXEME SIECLE

Université Mohammed Premier,

Faculté Pluridisciplinaire de Nador

Date de la journée d'étude : 22 décembre 2011

 

 

            Si dans le cadre de l’histoire littéraire, une littérature mérite tantôt une lecture critique tantôt une évaluation épistémologique, c’est bien, nous semble-t-il, le cas de la tradition littéraire du XXème siècle… Cela dit, parce que cette littérature est doublement fonctionnelle : d’une part, elle représente un aboutissement diachronique des autres littératures qui la précèdent, tout en ayant le souci de raconter à sa manière « ses propres histoires », et d’autre part, elle se veut une sorte de lecture critique qui vise à dépasser le concept du récit, pour se confondre avec une certaine métalittérature, celle qui se permet de s’auto-évaluer et de remettre en question tout ce qui est communément admis. Sa structure génétique s’inscrit dans le cadre d’une « écriture informelle », œuvre qui refuse d’obéir aux formes narratives reconnaissables et classables... Elle expérimente ainsi un mode de création en rupture avec les conceptions du passé. Elle a le souci d’innovation artistique, en ce sens qu’elle offre à l’écrivain la liberté d’y afficher sa volonté de faire éclater les conventions classiques du langage. Effectivement, sur le plan de la réception, il n’y a pas dans les genres littéraires qui s’y rapportent un contenu clairement déterminé à exploiter, au contraire, tout vient signifier que le contenu reste à déterminer et à désambiguïser. "Ere du soupçon", "ère de l’œuvre ouverte", « œuvre à venir », "fin des certitudes" et par conséquent "errance du sens", tels sont quelques concepts critiques qui servent de contextes, de paratextes et de condition sine qua non à la fécondité artistique de la littérature du XXème siècle.

            C’est dans cette perspective d’errance sémantique, de diégèse éclatée et d’ambiguïté littéraire que s’inscrit notre projet. D’ailleurs, c’est cet élan vers la plume, vers l’expression hermétique, vers cette haute ambition du style et de la phrase insaturable qui confère au nouveau-roman, au théâtre de l’absurde et à la poésie surréaliste de cette littérature sa grandeur d’art et sa modernité poétique. Dire l’indicible, raconter l’inénarrable, tenter un nouveau pouvoir de la parole,  « écrire vite sans sujet préconçu », créent une extension de signification, provoque le lecteur dans son acte de réception et laisse planer sur le texte de Sarraute, les scènes dramatiques de Beckett, et le vers libre d’Eluard et de tant d’autres un sens pluriel…

            Par ailleurs, il importe de préciser qu’excès de sens qui nous intéresse dans ce projet d’étude fait partie intégrante des incertitudes du sens : une même œuvre littéraire se laisse toujours désirée, mais refuse instantanément d’être possédée sur le plan du contenu ; Roland Barthes le soulignant davantage dans son Critique et Vérité : L’œuvre littéraire, écrit-il, détient en même temps plusieurs sens par sa structure, et c’est en cela qu’elle est symbole, el le symbole ce n’est pas l’image, c’est la pluralité même du sens, l’œuvre est éternelle, non pas parce qu’elle impose un sens unique à des lecteurs différents, mais parce qu’elle suggère des sens différents à un même lecteur6. En outre, à en croire Umberto Eco, celle-ci se définit par le fait qu’elle renferme une part d’ambiguïté sémantique qui lui assure une sorte d’éternité prophétique.

            "Excès de sens", "Sens pluriel", "incertitude du sens", "présence absente du sens", "amphibologie sémantique" sont donc des synonymes critiques par rapport auxquels fonctionne la littérature du XX ème siècle : "excès de sens" et "textes de l’excès", à jamais énigme ! Mais aussi "excès de l’écriture" qui déborde son lecteur, qui déjoue à la fois "le non-sens" et "le trop-plein de sens", qui n’impose jamais un sens qui puisse être circonscrit une fois pour toutes. Sibien que  beaucoup de lecteurs éprouvent le sentiment de détresse pour lire Paul Valery,  Michel Butor, Alain Robbe Grillet, Franz Kafka,  André Breton, Louis Aragon, Blaise Cendras, James Joyce… .Ils quittent prématurément les œuvres de ces écrivains avant même de terminer leurs lectures en réagissant : je n’ai rien compris, ou j’ai compris ce que les autres n’ont pas compris, j’ai peur d’avoir fait un contresens…Justement c’est parce qu’ils veulent saisir l’intelligence du livre, mais ils ne savent pas à quel niveau de lecture se manifeste cette intelligence sémantique. La clef qui leur manque est celle de l’accommodation, affaire non pas du cristallin de l’œil, mais de l’intellect pour capter l’excès du sens ! Il y a en quelque sorte dans le nouvau-roman, le théâtre de l’absurde, et le vers libre un certain supplément, un surplus de sens dont ni le dictionnaire ni la grammaire ne peuvent rendre compte. D’où, en s’adressant au lecteur, dans Le Bruissement de la langue, ces interrogations de R. Barthes : « Ne vous est-il jamais arrivé, lisant un livre, de vous arrêter sans cesse dans votre lecture, non pas par désintérêt, mais au contraire par afflux d’idées, d’excitations, d’associations  [et donc par excès de sens] ?, en un mot, ne vous est-il pas arrivé de lire en levant la tête ?7 » Ne faut-il pas admettre, en conclusion, que cet excès de sens est porteur d’une certaine modernité poétique, celle qui ne cesse de suggérer au lecteur que le phénomène littéraire est par essence inconnaissable ? Camus aurait répondu par si, lui qui disait que le surréalisme a voulu trouver dans la démence et la subversion une règle de construction8.

En vue de préciser la problématique de l’excès du sens dans la littérature moderne, nous attendons des études sur les traditions écrites prédominantes au Maroc (française, amazighe, arabe, espagnole…) Les points à débattre sont alors : le texte, les significations dans le discours, la rhétorique, l'écriture, l'autorité de l'auteur, la réception, la création…

Cette journée va être un hommage au professeur Abdellah HAMMOUTI, et sera couronnée par une publication universitaire.

 

Comité Scientifique et Organisateur : (enseignants, doctorants à la Faculté Pluridisciplinaire de Nador, Université Mohammed Premier)

Omar El Yahyaoui, Hassan Banhakeia, Mustapha Ben-Abbas, Mustapha El Adak, Younes Ez-zouaine, El Hossaien Farhad, Abdelhafid Kaddouri, Sanae Yachou, Chadli Abdellaoui, Mohammed Zerouali, Najat Zerrouki, Abdelmottaleb Zizaoui.

 

Compte tenu de la nature spécifique de l'activité, les chercheurs intéressés peuvent adresser des propositions de participation sous diverses formes : projets de communication, articles en vue de publication, avant le 15 décembre 2011.

Les personnes qui souhaiteraient assister à la journée peuvent se faire connaître en s'adressant à Omar EL YAHYAOUI, omar _amnouh@yahoo.fr  & banhakeia@hotmail.com

 

Responsable : Omar EL YAHYAOUI (Université Mohammed Premier, Faculté Pluridisciplinaire de Nador)

 

Adresse : Faculté Pluridisciplinaire de Nador, BP 300 Selouane Nador

 


 


6 – Roland Barthes, Critique et Vérité, Paris : Seuil, 1966, p. 51.

7 – Roland Barthes, Le bruissement de la langue, Paris : Seuil, 1984, p. 33.

8 – Albert Camus, in Le Petit Robert, p. 1877 (voir le mot "subversion")