Questions de société
Etudes littéraires : une mort annoncée ?

Etudes littéraires : une mort annoncée ?

Publié le par Alexandre Gefen (Source : J.-M. Maulpoix)


Etudes littéraires : une mort annoncée  ?

Dans un contexte alarmant pour la littérature, de crise de la librairie indépendante, de l'édition de création, à un moment où les oeuvres d'exigence peinent à trouver leurs lecteurs, un rapport de l'Inspection Générale constate que la filière Littéraire de l'enseignement secondaire est en voie d'extinction.
Même si, de manière dominante, la Littérature y a été instrumentalisée pour privilégier l'enseignement du discours, c'est néanmoins la seule filière de notre système scolaire où se transmet encore une culture littéraire ; où la philosophie est vraiment présente ; où sont dispensés les seuls enseignements spécifiques d'art : musique, arts plastiques, cinéma, théâtre, danse et histoire des arts… Aucun ministre de l'Education nationale ne s'est jusqu'ici avisé de requalifier cette filière. Fatalité, ou volonté délibérée de la laisser disparaître ?
Dans l'état présent : quasi plus de littérature et civilisation en langues étrangères. Pas de traduction, réputée impure, ou alors en échantillon, en un temps où l'on se réclame de l'Europe à tous coins de rues ! Comment affronter le renouvellement générationnel et les exigences de l'intégration, initier aux circulations métissées du monde en restant étanche aux oeuvres de l'imagination et des idées venues d'ailleurs. En fossilisant programmes et pédagogie de la littérature face aux mutations des outils modernes. En laissant se dévaluer une formation intellectuelle et artistique, indispensable dans tous les champs de l'activité sociale.
Est-il encore temps de crier au scandale devant l'impéritie ? D'affirmer que l'enfant, héritier légitime du patrimoine artistique et acteur vivant de sa propre culture se nourrit autant aux oeuvres de l'art et de l'esprit qu'aux sciences réputées exactes et aux savoir-faire techniques. Que la Littérature n'est pas une « discipline » parmi d'autres.
L'art littéraire est irréductible aux autres. Il est par essence l'espace critique où la langue travaille, en pensée et en imaginaire, où fermentent les réalités et les utopies, sans lesquelles aucune société n'est viable. Face aux fanatismes, croyances irrationnelles et dérives idéologiques qui feront le lit des horreurs de demain, la transmission du capital intellectuel et artistique de la littérature est une affaire de vie ou de mort.

La Maison des Ecrivains appelle la communauté des écrivains, les critiques littéraires, avec eux tout ce que notre société compte d'artistes, d'intellectuels, d'éducateurs et d'agents de la culture, de professionnels du Livre, éditeurs, libraires et bibliothécaires, et les responsables politiques à dénoncer le danger majeur de voir disparaître la littérature de notre enseignement.

Premiers signataires :
Anne-Marie Garat, écrivain
Sylvie Gouttebaron, écrivain, Directrice de la Maison des écrivains
Jean-Michel Maulpoix, écrivain, Professeur d'Université, Président de la Maison des écrivains
Jean-Yves Masson, écrivain, Professeur à la Sorbonne