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Ethos numériques (numéro de la revue Itinéraires Littératures Textes Cultures)

Ethos numériques (numéro de la revue Itinéraires Littératures Textes Cultures)

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Christèle Couleau)

 

Ethos numériques

 

La revue Itinéraires. Littératures, textes, cultures se propose de réaliser un numéro consacré aux ethos numériques, dont la parution est prévue en juin 2015.

Les propositions de contribution (1500 signes) sont à renvoyer avant le 1er juillet 2014.

Les articles (30 000 signes) seront à rendre fin décembre 2014.

 

Présentation du projet

Sites, blogs, tweets, pages de réseaux sociaux professionnels ou personnels, plateformes spécialisées dans le partage de photographies ou de vidéos sont autant d'espaces médiatiques où sont façonnées et s’exposent nos identités. Offertes au tout-venant ou réservées à des happy-fews (un groupe, un réseau, des followers), publiées dans un élan de sincérité débridée ou gardées sous contrôle, habilement consolidées ou subtilement décentrées, celles-ci ne sauraient sortir inchangées de ce bain kaléidoscopique.

La notion d’ethos[1] nous semble à même d’articuler les différents aspects de cette présentation de soi[2], et d’explorer les spécificités de son inscription numérique. En effet, même si l’image de soi n’a pas attendu internet pour s’affirmer comme un carrefour obligé entre pratique discursive, désir d’influence et représentations sociales, la médiation numérique, parce qu’elle constitue un environnement polymorphe, lui offre de nouvelles ressources lorsqu’il s’agit de se réinventer – multiplication des espaces et modes de présentation, élargissement de l’auditoire, généralisation du polylogue, évolution en temps réel, nécessité de publier pour exister, multimédialité des supports, effets d’autorité et de mise en réseau, etc.

Dans cet environnement communicationnel complexe, la notion d’ethos permet de dégager plusieurs pistes qu’il nous semblerait fructueux de suivre.

Tout d’abord, dans la lignée de la rhétorique aristotélicienne, qui fait de l’ethos une image de l’orateur suffisamment digne de confiance pour renforcer sa crédibilité discursive, il serait possible d’étudier les projets qui visent à montrer ou à créer une telle image dans des environnements numériques divers. Le souci d’accroître sa visibilité professionnelle, la capacité à endosser un rôle de prescripteur, la volonté de tenir un discours engagé ou le désir de popularité se caractérisent par la condensation des données identitaires en un ethos efficient. Selon les situations de communication étudiées, la triade aristotélicienne (prudence, sincérité, bienveillance) risque certes d’être quelque peu malmenée, mais c’est sans doute la condition d’une réflexion sur l’évolution de nos critères d’adhésion.

Un même souci de se confronter aux spécificités de la communication en ligne pourrait passer par une attention portée aux dispositifs, technologiques et communicationnels, qui nous incitent - parfois sous forme d'injonctions inscrites dans les outils -  à nous construire un ethos, au risque de le formater ou de le déformer : profils, pseudos, blogroll, commentaires, demandes d’avis et de recommandation, compteurs de visites, d’amis ou de followers, mesure d’influence, top ten de statuts, etc. semblent conditionner à des degrés divers l’adoption de postures, voire de rôles types qui restent à définir (censeur, prescripteur, lanceur d’alerte, observateur narquois, etc.), dont la scénographie familière accompagne nos déambulations sur le net.

L’environnement numérique produit ainsi des ethos sous influence, dont la recomposition au fil des circonstances signale la malléabilité. Commentaires et polylogues mettent en évidence le caractère extrêmement pointilliste et instable de ces négociations identitaires, qu’elles s’effectuent sur le mode de la collaboration ou de la confrontation. Ces situations montrent à quel point l’ethos numérique relève d’un travail de co-construction. Et ce, d’autant plus que ces débats prennent sens sur fond d’imaginaire collectif (normes, attentes, stéréotypes, antiethos[3]), replaçant l’émergence d’identités individuelles dans le maillage serré des représentations collectives.

Dans ces conditions, il n’est pas rare que l’ethos prenne ses distances avec le moi véritable : avatars et pseudos, postures théâtralisées, feintes et dérobades dessinent tout un espace tendu entre la manipulation et le jeu. La création littéraire se plaît à ces entre-deux. Et lors même que l’intéressé plutôt vise à se tendre un miroir où mieux se reconnaître, la disponibilité généralisée de journaux en ligne, de blogs, de profils plus ou moins élaborés, hante et modèle sa propre introspection, l’amenant à se situer par rapport à cette production, qu’il s’agisse de s’y fondre, de s’y faire reconnaître ou de s’en distinguer, posant en d’autres termes la question lancinante de la sincérité.

Le régime numérique favorise, en ce qu’il fait écran autant qu’il relie, une projection de soi propice aux modalisations et aux modélisations de l’identité. Son rapport aux traces, à la mémoire, ainsi que l’accessibilité immédiate des données qu’il permet renforce en outre la part prédiscursive de l’ethos. Loin de se construire uniquement dans l’instantanéité de l’échange numérique, l’ethos s’inscrit dans le temps plus long de l’e-reputation. Particuliers, entreprises, marques et institutions fonctionnent à ce titre selon des principes communs. Compter ses visites, ses followers, se faire remarquer en divers points de la toile, construire son réseau, agir sur une communauté de “contacts”, d' “amis”, de lecteurs, formuler des recommandations, mesurer son pouvoir d’influence, sont autant de manières de renforcer et de cristalliser un ethos que le flux du web tend à disperser. Cette éventualité d’une stabilité, d’une durée dans l’univers mouvant du net apparaît d’ailleurs comme une condition pour réinstaurer, au royaume du peer to peer, une hiérarchisation, une axiologie sans laquelle il n’est plus d’influence possible, et dont l’ethos apparaît comme le principal point d’ancrage.

 

Quelques pistes :

1. Ethos et identité (sincérité, transparence, masque, rôle, présentation de soi)

2. Théâtralité, postures, scénographies, corporalité

3. Réception, négociation, réfutation de l’ethos perçu

4. Dimension axiologique de l’ethos – autorité, prescription, morale

5. Ethos et création littéraire, artistique (fiction, narration, représentation)

6. Ethos local/global (avatars, stratégies, multimedialité, e-réputation)

7. Ethos collectifs (collaboratifs, institutionnels, marketing)

8. Ethos (pré)contraints (dispositifs techniques, cadre communicationnel, genres, pression sociale)

9. Accidents de l’ethos (malentendu, harcèlement, détournement)

10. Usages de l’ethos (visées, modalités d’action, instrumentalisation)

11. Typologie des ethos