Questions de société
Et d'un seul coup, 100 personnes se mirent à lire place St-Michel (Flashmob 18/02/09)

Et d'un seul coup, 100 personnes se mirent à lire place St-Michel (Flashmob 18/02/09)

Publié le par Sophie Rabau

PERFORMANCE COLLECTIVE Littéraire - FLASHMOB

APPEL A PARTICIPATION
Que vous soyez petits ou grands, universitaires ou traders, engagés ou désillusionnés, venez nous rejoindre pour une mobilisation éclaire pour soutenir les Universités en grève mercredi 18 février à midi place Saint Michel. Une action de mobilisation collective sous la forme d'une FLASHMOB(1) est prévue à midi (12H00) Place Saint Michel à Paris.

DATE : MERCREDI 18 Février 2009
LIEU : PLACE SAINT MICHEL, 75006 PARIS
HEURE : 12H00 PRECISE

Instructions à suivre :
1. Munissez-vous  d'un livre (de préférence votre livre préféré).
2. Rendez-vous sur sur la place Saint Michel à midi précise (12H00) le mercredi 18 févier.http://maps.google.fr/maps?f=q&source=s_q&hl=fr&geocode=&q=Paris+place+Saint+Michel&sll=47.15984,2.988281&sspn=18.657486,45.571289&ie=UTF8&z=16&iwloc=addr
3. Lors du coup de sifflet, Immobilisez-vous pour une lecture de 5 minutes à haute voix.
4. Au deuxième coup de sifflet dispersez-vous !!!
MERCI DE FAIRE CIRCULER LARGEMENT AUTOUR DE VOUS !
+ d'INFO : http://flashmobilisation.blogspot.com

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Libération 18/02/2009.

Et d'un seul coup, 100 personnes se mirent à lire place St-Michel

reportage de CORDÉLIA BONAL

Combien de mots peut-on lire en cinq minutes? Les universitaires engrève organisaient mercredi midi à Paris une lecture éclair. Histoirede se faire entendre.

Trois, deux, un, zéro... Midipile, coup de sifflet. Il se passe alors deux choses : la placeSaint-Michel semble se figer d'un coup, et, simultanément, un brouhahamonte, couvrant le bruit de la fontaine parisienne. Ils sont une bonnecentaine à lire tout haut, immobiles, le nez dans leur bouquin. Danscet ensemble compact de voix d'abord indistinctes, on attrape desbribes de phrases, lues plus ou moins vite, avec plus ou moinsd'emphase. «C'était parce que je croyais aux choses...» (Proust), «...ses cheveux crépus...» (Eugène Sue), «...la brûlure du napalm...» (Jean Ziegler), «...les feuilles du ginko tombaient des branches comme une pluie menue...» (Italo Calvino), «...non sans la crainte amère d'un refus...» (Eugène Sue, bis), «...la parole retenue et contenue au coeur du système...» (Arlette Farge)

Les consignes de cette flash mob («mobilisation éclair») organiséepar les enseignants-chercheurs en grève tenaient en quelques mots:venir avec un livre, lire un passage pendant cinq minutes, sedisperser. Simple, rapide, médiatiquement efficace (en l'occurencel'opération a attiré quelques caméras et une dizaine de photographes)et plus moderne qu'une bonne vieille manif. Les participants, étudiantsou enseignants pour la plupart, ont été prévenus par mail, texto,bouche à oreille. Depuis le début du mouvement il y a trois semaines,les universitaires mobilisés déclinent toute une panoplie d'actions dece type: cours «hors les murs» en pleine rue ou dans le tramway, lecture-marathon de la Princesse de Clèves, freezing (un classique de la flash mob)...

On observe les livres et leurs propriétaires: une étudiante piercée lit en espagnol un roman intitulé Lo Prohibido, un enseignant de Paris I s'est fixé sur un texte de Jonathan Swift, Modeste proposition.Des lectures en cours, des auteurs cultes, des illustres inconnus, despavés annotés au crayon, des poches pour faire pratique et des belleséditions pour faire bien. Excepté un Marc Lévy (qu'on soupçonne d'êtreun choix deuxième degré), quelques polars écornés et deux-trois auteursSF, les liseurs ont sorti les classiques: Platon, Aragon (très en vogueavec cinq exemplaires recensés à vue d'oeil), Baudelaire (au moins deux Fleurs du Mal), Garcia Lorca, John Irving, Albert Cohen...

Marc, directeur d'une section spécialisée d'un collège de Sarcelles (Val-d'Oise), a apporté «directement depuis sa table de chevet» sa lecture du moment, Les Amitiés et les Amoursde Max Jacob. Son épouse, prof d'Arts plastiques, a choisi un essaid'une chercheuse du CNRS, Arlette Farge. Pourquoi sont-ils là ? «C'estune action symbolique contre les réformes menées ces derniers tempsdans l'Education et, au-delà, contre toute une logique de contrôle deprivatisation, au détriment de la transmission du savoir.» D'autres parlent de «défaite de la pensée» ou de «droit au savoir».

12h05,nouveau coup de sifflet. Fugitive impression de silence et le bruit dela rue reprend tout à coup le dessus. Les livres se ferment, leurslecteurs repartent vers la Sorbonne, le métro ou le café du coin,laissant la place aux touristes.