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Esthétique(s) et Idéologie(s) dans l’art contemporain, théâtral ou autre

Esthétique(s) et Idéologie(s) dans l’art contemporain, théâtral ou autre

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Madelena Gonzalez)

« ESTHÉTIQUE(S) ET IDÉO LOGIE(S) DANS L’ART CONTEMPORAIN, THÉÂTRAL OU AUTRE »

 

Université d’Avignon

Faculté des Arts, Lettres et Langues

Identité culturelle, textes et théâtralité (EA 4277)

 

19-20  juin 2012

 

Colloque international interdisciplinaire

 

Appel à communications

Ce colloque se situera dans le prolongement de la réflexion entamée lors d’un précédent colloque Théâtre poétique et/ou politique ? (Novembre 2008)[1]. Nous aimerions, à partir de ce thème, ouvrir une fenêtre en amont, ou élargir l’angle d’attaque, avec Esthétique et Idéologie.

Ce colloque, interdisciplinaire, serait donc à penser dans une perspective résolument contemporaine, ou sur l’extrême-contemporain, comme observatoire de notre temps et de l’art théâtral, entre autres formes d’expression artistique, qu’il produit. Nous pourrions aussi chercher à discuter les conceptions que Mehdi Belhaj Kacem résume, à sa manière, ainsi (c’est une définition de la « désartification » d’Adorno, ou du « désart » de Lacoue-Labarthe) : « … hétéronomisation de l’art, son devenir-marchandise, ruine de l’utopie émancipatrice ou libératrice, destruction de sa force de protestation, extinction de son énergie spirituelle, oubli de sa vocation messianique… »[2] Et, spécifiquement sur le théâtre : «.. la tragédie rituelle instruit la cité de sa condition politique…(la tragédie est) l’origine refoulée de l’art…c’est Platon qui fait écran sur l’origine tragique… la puissance déchirante et sublime de la tragédie (chez Eschyle et Sophocle, contrairement à Euripide et Aristote et à)… la mauvaise mimèsis… le trucage, la cuisine calculée (du plus clair du théâtre d’aujourd’hui)… le théâtre grec c’était pas ‘du théâtre’… (les acteurs grecs étaient) des chargés de fonctions publiques dans l’état ou l’ambassade... des citoyens et non des histrions… des hommes, des vrais, adultes et responsables, pas des enfants ou des ados attardés… mais les officiants d’une religion civile… »[3]

Poétique et politique, art et politique, esthétique et idéologie, voilà trois « duos » qui ne sont pas tout à fait synonymes, bien qu’ils constituent trois ensembles qui partagent un espace commun.[4] Esthétique et idéologie, par rapport aux deux autres polarisations, semble toucher davantage à la profondeur ou aux profondeurs, aux soubassements, aux nappes phréatiques de toute action ou création humaine dans le domaine artistique et/ou politique. Mais c’est le lien, le rapport, entre esthétique et idéologie qui nous intéresse ici : posons donc quelques définitions.

L’esthétique (côté réception, critique, philosophie) serait tout ce qui a trait au Beau, à la Beauté et tout ce qui traite du Beau, de la Beauté (tentative soit de comprendre le passage de l’imaginaire aux oeuvres, soit de montrer, en les déroulant, les vérités contenues par les oeuvres). L’idéologie (celle des civilisations anciennes, des sociétés traditionnelles, celle des mythes) serait un ensemble de principes et de valeurs, à portée législative et initiatique, censés être bénéfiques, voire salutaires, pour la construction d’une communauté humaine ou d’une vie individuelle (idéalement, oeuvre de conscience pour les consciences plus que de séduction ou de persuasion). Mais bien sûr il y a l’idéologie dans le sens commun et que Paul Ricoeur définit parfaitement[5] : « l’idéologie comme histoire et culture, avec fonction intégrative et tendance à la falsification ; l’idéologie comme normes, règles, symbolisme social avec la rhétorique correspondante de légitimation de l’autorité et donc de persuasion, aspect qui, bien sûr, se prête à la critique et au soupçon ; enfin, l’idéologie comme référence aux événements inauguraux à l’origine des sociétés, donc comme mémoire collective, légitimation qui peut tourner au mensonge, servir, en la masquant,  la domination… ».

Comment concevoir et/ou définir les rapports de l’esthétique et de l’idéologie ? Il y a manifestement un problème temporel, ce par rapport aux oeuvres du passé et de leur ouverture au présent. Certaines esthétiques ou idéologies du passé ont-elles pu être mises au service de certaines idéologies ou esthétiques du présent ? Le Beau, la Beauté, peuvent-ils se retrouver dans une structure de recherche d’effets ? Peut-on concevoir un rapport entre la quête du Beau ou de la Beauté et la recherche de principes ou de valeurs idéologiques ? Qu’entendre exactement par « esthétisation » ? Comment définir, comment cerner l’esthétique et/ou l’idéologie propre(s) à un texte de théâtre ? Comment un texte, porteur de son esthétique et/ou de son idéologie propres, peut-il déterminer une mise en scène, une adaptation, une traduction qui dérogent à son essence (si tant est que celle-ci soit décelable et définissable, décelée et définie, avec clarté) ? Peut-on établir une hiérarchie d’ordre esthétique et/ou idéologique dans l’art théâtral ? Cette hiérarchie doit-elle on non se définir par rapport à la/une relation de l’esthétique et de l’idéologie ?

Les points essentiels de ce colloque seraient :

- l’esthétique et l’idéologie de/dans l’art, théâtral (textes et/ou scène(s)) ou autre : exemples, modèles, cas contrastés, généralités et cas particuliers ;

- modèles du passé et du présent ;

- le problème de la valeur et de l’évaluation ;

- en quoi l’esthétique est-elle, ou peut-elle ou devrait-elle être, la manifestation, le prolongement, la traduction d’une idéologie implicite, peut-être inconsciente, non-dite, non-manifestée ? et comment opérer les repérages au niveau du texte ?

- l’idéologie est-elle, peut-elle ou devrait-elle être, déterminante absolue de l’esthétique ? ou vice-versa ?

- une esthétique sans idéologie est-elle artistiquement concevable ?

- exemples d’une esthétique, ou d’un art, au service d’une idéologie politique, ou d’une idéologie de parti ?

- exemples d’art(s) cherchant à briser le carcan des idéologies, des religions, des politiques ? etc.

 

Notre temps serait-il celui d’un nouvel « art pour l’art », d’un nouvel esthétisme, de par cette mise hors jeu politique ou dé-politisation qu’on peut constater partout ?...[6] Quand Jean Vilar disait que le théâtre doit être conçu comme « une religion de l’homme »[7], peut-être définissait-il là une éthique humaine, humaniste, propre à déterminer le mariage parfait de l’esthétique et de l’idéologie… Penser au néologisme forgé par Lacoue-Labarthe : « esthéthique ».…

La question ultime serait : qu’est-ce qu’un sujet de l’esthétique et/ou de l’idéologie ? Ou : un sujet de l’esthétique et/ou de l’idéologie est-il concevable, possible, aujourd’hui ? Voire : y-a-t-il un sujet réel de l’esthétique et/ou de l’idéologie ?

Il faudrait envisager la plus grande diversité possible de modèles, de combinaisons, de perspectives. Et peut-être ce colloque pourrait-il se prêter à une critique constructive et prospective de notre temps, un état des lieux de l’art théâtral dans l’arène du politique, voire un manifeste pour un nouvel art théâtral au 21e siècle, qui établisse les conditions d’une fin de l’art comme objet sans sujet dans le paysagisme de la conservation et celles de la constitution d’un sujet sain, d’un sujet réel, et de l’art et de la politique, donc de l’esthétique et de l’idéologie et, ultimement, de l’éthique -ou de l’ « esthéthique ».[8]

Cette constante de l’esthétique et de l’idéologie des Anciens comme résonances d’une transcendance et d’un ordre de valeurs spirituelles ne nous signifie-t-elle pas que la fonction, peut-être la mission, de l’art, théâtral ou autre, en notre temps[9], est de travailler à l’éveil d’une nouvelle Conscience.

           

Les langues du colloque seront le français et l’anglais.

           

Date limite de soumission des propositions de communication : 15 décembre 2012.

Veuillez joindre, SVP, un résumé de 15 lignes au maximum et un cv d’une page.

Toute correspondance à :

rene.agostini@univ-avignon.fr                et

madelena.gonzalez@univ-avignon.fr

 

 

[1] Les articles sont publiés dans René, Agostini (éd), Théâtre poétique et/ou politique ?, Paris, L’Harmattan, 2011.

[2]  Inesthétique et Mimêsis, éditions Lignes, 2010, pp.  83, 116.

[3] Inesthétique et Mimêsis, éditions Lignes, 2010, pp. 67-68.

[4]  Il va sans dire que toute approche ayant trait aux rapports entre poésie et politique, ou entre art et politique, sera bienvenue : l’esthétique et l’idéologie et leurs rapports se retrouveront partout…

[5]  Voir Éthique et Responsabilité, Genève, P. Aeschlimann, 1981, p. 103.

[6] Dé-politisation qui, pour Bernard Stiegler, est le grand symptôme de la mort de l’art , cf. De la Misère Symbolique, Paris, Galilée, 2004.

[7] Voir Le Théâtre, service public, Paris, Gallimard, 1975 et 1986.

[8] Cf. cette définition de la critique que nous donne Friedrich Schlegel, dans ses Fragments de l’Athenäum  : « Une critique qui ne serait pas tant le commentaire d’une littérature (…) que l’organon d’une littérature encore à achever, à former, et même à commencer. Une critique qui ne serait pas seulement explicative et conservatrice mais qui serait elle-même productive, au moins indirectement. » (Münich, Rowohlt, 1969, p. 112).

[9]  Notre temps qui promet d’être, selon la terminologie de Karl Jaspers (cf. Origine et Sens de l’Histoire, Paris, Plon, 1954), un nouvel « âge axial » de l’humanité, c’est-à-dire un temps de grandes transformations et de grands bouleversements (socio-politiques, économiques, religieux etc.) qui rendent nécessaires, voire urgentes, la naissance et l’action d’une nouvelle Conscience…