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Appels à contributions
Espionnage, complots, secrets d’État : l’imaginaire de la terreur (Revue Études littéraires)

Espionnage, complots, secrets d’État : l’imaginaire de la terreur (Revue Études littéraires)

Publié le par Marc Escola (Source : Myriam Dumais-DesRosiers)

Appel à contributions

Espionnage, complots, secrets d’État : l’imaginaire de la terreur

Sous la coordination de François-Emmanuël Boucher (Collège militaire royal, Kingston), de Sylvain David (Université Concordia) et de Maxime Prévost (Université d’Ottawa), la revue Études littéraires lance un appel à contributions pour le premier numéro du volume 47 sur le thème : Espionnage, complots, secrets d’État : l’imaginaire de la terreur.

 

Jacques Dubois et Luc Boltanski nous invitent, de manière très convaincante, à traquer la modernité à travers le roman policier puis le roman d’espionnage : le « paradigme de l’indice » (Carlo Ginzburg), et donc de l’enquête (Arthur Conan Doyle, A Study in Scarlet, 1887), se double ainsi d’un paradigme du terrorisme (Joseph Conrad, The Secret Agent, 1907) et du complot (John Buchan, The Thirty-Nine Steps, 1915), dont la durable fascination révèle une angoisse collective, qui ne prend pas toujours conscience d’elle-même, face à la marche du monde et de ses transformations successives au cours de la modernité.

Si le mythe est bien « l’objectivation de l’expérience sociale de l’humanité », comme le voulait Ernst Cassirer, on pourra se demander ce qu’objective la vitalité d’une telle mythologie au sein de l’imaginaire social. Le capitaine Nemo de Jules Verne est sans doute le premier grand terroriste de la littérature, mais il œuvre en solitaire, loin de la logique de l’État-nation. Notons toutefois que le même Verne instituera aussi, dans des romans plus tardifs comme Face au drapeau (1896), l’imaginaire de la menace collective issue de « savants fous » et de « machines infernales » tournées contre l’État qu’une faction d’agents secrets tente vaillamment de contrer ; tout l’imaginaire d’un Ian Fleming, si ce n’est d’un Graham Green (The Ministry of Fear), y est en germe. L’État, détenteur de secrets dangereux, devient à la fois l’objet et le promoteur d’une protection subreptice, de tous les instants. La lucidité serait le fait d’une élite œuvrant à la bonne garde de la multitude, cette dernière devant être protégée de la terreur à laquelle des forces occultes tentent de la soumettre. C’est ainsi que Norman Mailer, pourtant démocrate et « homme de gauche », voyait dans la CIA « l’âme de l’Amérique » (Harlot’s Ghost, 1991). Dès lors, tant les adhérents à un ordre social donné que ses ennemis deviennent liés par un imaginaire de la menace souterraine, laquelle doit être combattue ou entretenue sous le couvert, pour les uns, de la raison d’État, du bon gouvernement, de l’héroïsme clandestin, et pour les autres, de la résistance, de la violence contre-culturelle, de la « fuite » savamment orchestrée.

Ce sont les modulations et les variations de cet imaginaire occulte et terrifiant qui méritent d’être explorées afin de mieux saisir les manières dont il façonne une conception instable et fluide du mal social qui demeure indissociable des explications sur les multiples et toujours probables dysfonctionnements guettant les sociétés contemporaines. Du Jackal des Mohicans de Paris à George Smiley, de l’Arsène Lupin du Triangle d’or au narrateur de Prochain Épisode, de Floria Tosca à Pussy Galore, l’espionnage et son personnel incarnent, dans la sphère des représentations, des univers qui évoluent au cours du temps et qui interagissent autant avec l’actualité et les grands événements politiques qu’avec les discours savants. Le monde imaginé par John Le Carré depuis The Spy Who Came in from the Cold (1963) a bien changé en plus d’un demi-siècle. A Most Wanted Man (2008) présente une tout autre conception de la menace, des complots possibles, de la nature de l’espionnage et des méthodes employées par des organismes de plus en plus occultes. Parallèlement aux travaux actuels sur la nouvelle géostratégie du crime (Jean-François Gayraud), sur la création d’un nouvel ennemi intérieur (Mathieu Rigouste), ou encore sur la surveillance exponentielle et irrépressible de tout un chacun à partir de technologies souvent perçues comme ayant un pouvoir démentiel (Stephen Graham), se confectionne un nouvel imaginaire de la surveillance que nourrissent autant l’apparition réelle ou fictive de nouvelles menaces planétaires que les mensonges institutionnalisés et les dérives paranoïaques des discours citoyens et gouvernementaux.

Les collaborateurs écriront en tenant compte du caractère fictionnel pour ne pas dire romanesque de cet imaginaire de la terreur, d’une part en favorisant l’analyse des discours qui participent à alimenter et à dessiner les grands paramètres de ce monde qui serait encore plus réel que le réel (avec des complots inconnus, des espions de toutes sortes, des menaces qu’on ne saurait détruire et des moyens techniques, financiers, informatiques, etc., d’une puissance sans cesse grandissante) et, d’autre part, en étudiant ses répercussions formelles. En effet, alors que le « paradigme de l’indice » a souvent été associé à une mise en abyme de la lecture, dans la mesure où il met en scène une activité de déchiffrement, le « paradigme du terrorisme et du complot » peut être considéré comme une mise en abyme de l’écriture : l’enchaînement des évènements n’y est en rien aléatoire, comme il peut l’être dans le quotidien ordinaire, mais s’avère plutôt savamment calculé. Tout se passe comme si, à certains égards, la dynamique romanesque, souvent fondée sur une convergence qui doit beaucoup au hasard, se voyait reprise selon le principe d’un déterminisme absolu (du moins jusqu’à ce que les forces de l’ordre s’interposent).

L’espion, rappelle Alain Dewerpe, est « une figure socialement déterminée et historiquement construite ». Donald Rumsfeld et Julian Assange, Austin Powers et John Le Carré parlent le même langage ; ils œuvrent à partir d’un imaginaire commun, dont il serait pertinent d’établir les topiques et de reconstituer l’histoire à la fois dans sa durée et dans sa complexité.

 

Les propositions doivent être faites en 200 mots et suivies d’une notice biobibliographique d’environ huit lignes comportant votre nom, université d’attache, domaines de recherche et quelques titres de publications récentes, pour le 1er juillet 2015. Le Comité de sélection de la revue évaluera toutes les propositions retenues, et les auteurs seront avisés le 15 août 2015. Les articles (6 000 mots ou 15 pages) devront ensuite être soumis au plus tard le 1er janvier 2016.

 

 

Les propositions d’article doivent être envoyées par courriel aux trois codirecteurs du dossier :

François-Emmanuël Boucher, Collège militaire royal, Kingston

francois-emmanuel.boucher@rmc.ca

Sylvain David, Université Concordia, Montréal

sylvain.david@concordia.ca

Maxime Prévost, Université d’Ottawa

Maxime.Prevost@uottawa.ca

 

 

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