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Appels à contributions
Entre projet et procès

Entre projet et procès

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Anaël Lejeune & Raphaël Pirenne)

Groupe de contact F.R.S – F.N.R.S
« Historiographie et épistémologie de l'histoire de l'art »
Journée d'étude organisée en mars 2008

Entre projet et procès
Réévaluation historiographique du dess(e)in dans les théories et pratiques artistiques
de l'époque moderne et contemporaine

À propos du Carré noir sur fond blanc, Quadrat, peint en 1915 par Kazimir Malevitch, Hans Belting, dans son ouvrage « Le chef d'oeuvre inconnu », fait état, au détour de l'analyse de l'oeuvre, des récents résultats donnés par l'examen matériel du tableau. L'analyse aux rayons X a en effet permis d'établir l'existence, sous l'épiderme noir parcouru de craquelures, d'une première composition sous-jacente, soustraite alors aux regards et comme effacée par ce désormais mythique surpeint. Par ailleurs, il semblerait que ces couches picturales successives, en raison de leurs propriétés siccatives différentes, soient à l'origine de ce réseau de fissures apparût très tôt, nécessitant que le motif quadrangulaire, ainsi abîmé, soit repeint à diverses reprises; le tableau devenant ainsi, selon la formule de Belting, « fiction d'un archétype ».

Tenter de la sorte de s'appuyer sur la pratique d'atelier, en s'essayant à la démêler, comme condition à un meilleur cerne de la signification du motif, pourrait a priori sembler paradoxale, compte tenu de la démarche et de l'intention artistique qui fut celle de l'initiateur du suprématisme, caractérisée davantage par un certain « déni » de la matière picturale. Il semblerait alors symptomatique, connaissant la spécificité de l'oeuvre de Malevitch, que soient prises en considération ces données matérielles, comme si leur refoulement au cours de l'histoire de l'art, et leur confinement au cadre clos de l'état de conservation, imposait aujourd'hui en retour leur examen systématique.

Cette prépondérance de l'intention de l'artiste sur la réalité physique du tableau, ne fait cependant que nous renvoyer, au miroir de la tradition, à une hiérarchisation des étapes suivies lors de la création artistique qui longtemps prévalut pour les artistes et/ou les historiens –la réalisation étant alors assujettie au régime de l'intention. Formulée en ces termes, cette problématique ne manque ainsi pas de trouver pour écho une opposition récurrente au cours des siècles entre le concept ou l'idée formulée par l'artiste et la réalisation ou l'exécution concrète de celle-ci. Cristallisée au XVIe siècle, avec Vasari et ensuite Zuccaro, autour de la notion de disegno –notion que la traduction sous le vocable de « dessein » permit de prolonger en raison de cette double acception dont il était porteur–, cette problématique pourrait bénéficier d'une reformulation et d'une mise en perspective plus actuelle, prolongeant ses enjeux théoriques et épistémologiques, avec la question, centrale pour certaines pratiques artistiques du XXe et XXIe siècles, du travail joint ou disjoint du projet et du procès. Comme en témoigne l'émergence dans les années 1970 des conceptual art et process art, témoignant de manière exemplaire de la persistance de ces questions relatives à la conception ou à l'idea, à l'exécution ou au processus.

Cette journée d'étude se propose donc d'interroger cette relation complexe du procès et du projet. Néanmoins, il s'avère primordial, afin de mieux en entrevoir les éventuels décrochages ou recouvrements, de privilégier une approche historiographique et épistémologique des notions et débats engagés -songeons ici à la conception vasarienne de la pratique artistique et à ses diverses fortunes critiques au cours des Temps Modernes, au statut épistémologique du dessin et de ses liens à la conception, à la (dé)valorisation de la touche et du coloris au XVIIe siècle comme indice de démonstration de l'artifice pictural, ou encore à la réévaluation de l'esquisse et de ses usages au XIXe siècle. Il sera alors permis, dans un second temps, d'envisager différentes études de cas bénéficiant des éclairages proposés. Songeons par exemple au statut du médium dans les avant-gardes de la fin du XIXe et au début du XXe siècle ; à la revendication du métier chez les artistes et mouvements affiliés au « Retour à l'ordre » ; aux pratiques artistiques liées à la procédure et à la temporalité (de Ryman à Christian Bonnefoi en passant par l'éphémère groupe JaNaPa) ; à la complexe mise en crise de la réalisation avec l'art conceptuel et minimal ; ou encore à la résonance de cette question dans le formalisme de Greenberg et son rejet de l'appréhension du processus qui se verra critiqué, entre autres, dans les « Other Criteria » de Leo Steinberg.

Cette journée d'étude, dont les actes se verront publiés, est organisée sous l'égide du Groupe de contact F.R.S-F.N.R.S « Historiographie et épistémologie de l'histoire de l'art ». Elle se tiendra à Bruxelles, au Cabinet des estampes, en mars 2008. La date limite de l'appel à contributions est fixée au 30 septembre 2007. Le texte de la proposition ne dépassera pas 1500 signes