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Appels à contributions
Enfance et errance dans l'Europe du XIXe siècle

Enfance et errance dans l'Europe du XIXe siècle


Université Blaise Pascal
Centre de recherche sur les littératures modernes et contemporaines

Colloque international
10, 11 et 12 Octobre 2007



ENFANCE ET ERRANCE
DANS L'EUROPE DU XIXème SIECLE


Coordination scientifique :
Bernadette Bertrandias
Pascale Jonchière

Appel à contributions

S'il ne revient pas au XIXe siècle de découvrir en l'enfant un sujet possible pour la littérature et les arts, c'est à cette époque que se développent véritablement les écrits sur et pour l'enfance. Ecrits sur l'enfance, dans le sillage de Jean-Jacques Rousseau, qui assigne aux premières années de la vie une fonction majeure dans la constitution du Moi, écrits pour l'enfance, avec le remarquable développement de la littérature de jeunesse.
Or, que l'enfant soit envisagé dans un contexte socio-historique – dans ses rapports avec la cité -, dans le cadre plus symbolique du récit d'aventure, dont il est le héros privilégié, ou encore comme matrice possible du texte autobiographique (ou pseudo-autobiographique) qui prend alors son essor, il est confronté à une instabilité inhérente à sa nature – il est étymologiquement « celui qui ne parle pas » - et à sa condition – en principe de dépendance. Etre en devenir, il est voué à une errance multiforme.
• En effet, « l'errance est une fonction de la cité », nous dit Le grand Larousse des lettres. Elle en figure l'altérité essentielle et menaçante, puisque la cité se conçoit comme conquête sur, mais aussi bien lutte incessante contre, l'errance primitive. La cité fonde l'identité, qui est non seulement appartenance à des origines et à un lieu, mais aussi savoir de ces origines et de ce lieu : en ce sens, on peut donc dire que toute enfance est d'abord une errance, puisque non (encore) dotée de ce savoir.
Or, le dix-neuvième siècle, avec son extraordinaire développement industriel et l'urbanisation rapide, massive et souvent anarchique qui l'accompagne - notamment en Angleterre -, se voit confronté à ce paradoxe qui met à jour une corrélation essentielle entre le développement de l'ordre civilisateur, incarné dans l'éthique de progrès, et un désordre inhérent, dont l'enfant errant deviendra une figure privilégiée, renouant par là avec la tradition légendaire où, caractère indifférencié, il relevait de l'ordre de la nature ou de la mythologie. Ainsi, les grands héros romanesques du 19ème siècle sont souvent des orphelins, tels Heathcliff, Oliver Twist, Tom Sawyer, Mowgli, qui trouvent protection, à l'instar des héros mythologiques, auprès de créatures asociales (bergers, voleurs, pirates, voire bêtes) : les enfants perdus sont des rescapés de la civilisation, de la famille, de l'ordre patriarcal. Ils sont porteurs de désir et d'espoir de liberté, porteurs d'une innocence que la société, bâtisseuse d'avenir, doit exclure : nous sommes là au coeur de la notion même de progrès, telle que la concevaient les Victoriens. Ces exclus s'opposent en cela au monde de l'enfance civilisée, triste et froid comme le sont les murs des collèges et des couvents, ou bien lourd et étouffant comme le sont les salons bourgeois. C'est dire qu'il n y a pas là d'enfance possible, et c'est au contraire dans l'errance permanente de petits vagabonds que le poète lui, trouvera sa figure emblématique.
La production romanesque décline sur différents registres cette problématique de la marginalité. Il y a d'abord l'enfance malheureuse : David Copperfield, Jane Eyre, Cosette, Le Petit Chose, connaissent de dures épreuves où ils font l'apprentissage de la solitude et de la souffrance. Qu'elle soit choisie ou imposée, l'enfance errante est catastrophique, et le salut ne peut venir que de la rencontre d'une famille providentielle. L'inquiétant est donc bien là, au coeur de la cité, mais il semble devoir être toujours maîtrisé, domestiqué. Reste la tragique attestation d'affranchissement qu'incarne le « gamin de Paris », érigé en type sous la Monarchie de Juillet – et conjointement mis en scène par le roman, le vaudeville et la caricature. Lors des insurrections, cet enfant du peuple mène une vie quasi sauvage au sein de la cité défaite et n'hésite pas à se sacrifier sur les barricades.
• Mais à mesure que le siècle avance, il apparaît que l'enfant peut porter plus sereinement ce rêve d'expansion et de liberté qui lui est inhérent et se mouvoir dans un autre espace, intérieur celui-là, dont il peut devenir le voyageur privilégié : c'est l'enfance aventurière. Espaces vierges et lointains dont l'appel est ressenti comme impérieux, l'espace de l'aventure devient la matière du rêve, immense, rempli d'obstacles qui de fait, sont là pour le prolonger ; leur exploration n'a de but qu'accessoire : ce que Stevenson offre à son jeune héros, c'est moins le trésor, que le fabuleux voyage qui mène à l'île…Ces terres primitives appartiennent tout entières à l'enfant, telles la jungle de Kipling, et il s'y découvre, dans la réalisation de son désir d'espace et l'assouvissement de sa soif de liberté ; les épreuves sont là pour faire naître la conscience de son être. Cette aventure est initiatique, et elle rejoint celle des grands errants légendaires, comme le capitaine Achab de Moby Dick.
• Enfin, le récit d'enfance, qui vise à l'édification du sujet grâce à un regard rétrospectif dans le contexte autobiographique, renvoie à d'autres errances, sans doute plus métaphoriques mais non moins fondamentales : celles qui accompagnent les tribulations du Moi à la recherche de ses propres fondements. Ancrées dans le souvenir, ces réflexions restituent ou recomposent des images en grande partie tributaires de ce désir de recréation de soi qui fonde alors l'écriture, sous le signe d'une poétique de la désorientation qui emprunte à l'enfance son indécision intrinsèque.
L'association de l'enfance et de l'errance au XIXème siècle se prête ainsi à de multiples approches : littéraires, bien sûr, mais plus largement artistiques, historiques, sociologiques ou bien encore psychologiques.


Les propositions de communication sont à adresser à Bernadette Bertrandias ou Pascale Jonchière avant le 30 janvier 2007

CRLMC, Maison de la recherche – 4, Rue Ledru, 63057 Clermont-Ferrand cedex 1
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