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Émouvoir : L'Atelier, 8.1

Émouvoir : L'Atelier, 8.1

Publié le par Vincent Ferré (Source : Naomi Toth)

APPEL À ARTICLES : L’Atelier, n° 8.1 : Émouvoir

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Que faire devant la puissance affective de l’œuvre littéraire ou plastique ? 

La critique formaliste a souvent répondu à cette vieille question en évacuant l’émotion de l’analyse afin de faire de l’œuvre l’objet d’une science. Elle se démarquait ainsi de la valorisation de la « belle sensibilité » d’un génie créateur ou du critique du « goût » caractéristique des approches psychologisantes depuis au moins le 19e. Soupçonnée de constituer un risque pour la raison critique, l’émotion n’avait dès lors plus droit de cité qu’en rapport avec la sphère intime et privée. C’est ainsi que la distinction antique entre pathos et logos a souvent été reconduite, voire renforcée au cours du 20e siècle. Plus récemment, cette distinction semble avoir été contournée par des approches s’inspirant principalement des sciences expérimentales qui, assujettissant l’émotion à un savoir positiviste, placent ainsi le pathos sous le régime du logos, induisant une hiérarchisation où l’émotion perd sa spécificité propre.

Un autre courant critique a pourtant préféré non pas reprendre l’opposition entre émouvoir et savoir dans le rapport à l’œuvre, ou la résoudre en la hiérarchisant, mais plutôt la mettre en jeu. À ce titre, on pourrait évoquer le pathos formel d’Aby Warburg, repris plus récemment par Georges Didi-Huberman, le punctum de Barthes, la phrase-affect de Jean-François Lyotard ou les affects de Deleuze et Guattari, pour ne citer que quelques uns. C’est dans cette perspective que ce numéro de L’Atelier cherche à s’inscrire en prenant comme point de départ l’analyse de la forme textuelle ou plastique des émotions. Comment la littérature et les arts donnent-ils forme à l’émotion ? Et comment l’émotion à son tour travaille-t-elle leur forme ?

Ces questions impliquent le champ de l’expression, comme source ou ressource de l’œuvre, tout autant que celui de la réception et de la lecture. Elles engagent la relation d’un sujet — qu’il soit individuel ou collectif — à une expérience qui à la fois le déborde et le subjugue, car le mouvement d’émouvoir comprend simultanément action et passion. Aussi sa puissance implique dans le même temps une impuissance, produisant des effets souvent paradoxaux, voire contradictoires. Et lorsque l’on cherche à savoir qui est mu, par quoi, comment, et à quelles fins, rendre compte des formes de l’émotion appelle une pensée de l’histoire ainsi qu’une contextualisation à chaque fois singulière, afin de mieux en saisir les enjeux éthiques et politiques. On pourrait également se demander en quoi la nature hétérogène des affects trouble l’expérience du temps linéaire ainsi que celle du corps où elle s’éprouve.  L’exploration de la forme que prennent les émotions permettrait aussi de reprendre la question du « goût » en ce qu’il départage le « sentiment » du « sentimentalisme », ou encore la « belle sensibilité » de la « sensiblerie » ou de la littérature « à sensation », contribuant de la sorte à la fabrication affective d’un style, qu’il soit celui de l’œuvre ou même celui du lecteur/spectateur.

Autant de façons de se risquer à penser l’émotion, geste paradoxal qui met à l’épreuve les limites du savoir de et sur la littérature et les arts. 

 

Les propositions d'articles détaillées (300-500 mots) sont à envoyer avant le 30 juin 2015 à Juliana Lopoukhine (juliana.lopoukhine@paris-sorbonne.fr) et Naomi Toth (ntoth@u-paris10.fr) et la soumission des articles aura pour échéance le 15 octobre 2015.

L'Atelier est une revue de littérature et d'art du monde anglophone. Pour toute information complémentaire concernant sa politique éditoriale, veuillez consulter le site de la revue : http://revues.u-paris10.fr/index.php/latelier 

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CALL FOR ARTICLES, L’Atelier, n° 8.1 : Émouvoir        

How can we account for the emotional force of a literary or visual work ?

Formalist critics have often answered this age-old question by evacuating emotion from the critical process in order to transform literary and artistic works into scientifically analysable objects. Such a move can be read as a reaction against the valorisation of the “superior” sensitivity of a creative genius or a refined critic, typical of psychologizing approaches to literature predominant at the end of the nineteenth century. This helps explain why formalists saw emotions as a threat to critical reason and sought to restrict the place of affect to the intimate and private spheres. As a consequence, the classical distinction between pathos and logos was often reproduced, if not reinforced, throughout the twentieth century. More recently, this distinction seems to have been overcome in approaches which, drawing from experimental science, take emotions as the primary matter for the elaboration of positivist knowledge, and yet such a move establishes a hierarchy in which pathos is brought under the control of logos, thereby losing its specificity. 

However, another critical tradition has chosen neither to accept the frontier separating feeling from knowing in the critical process, nor to create a hierarchy between them, but rather to interrogate their relationship. Amongst others, Aby Warburg’s pathos formel, and its contemporary reformulation in Georges Didi-Huberman’s work, Barthes’ punctum, Jean-François Lyotard’s phrase-affect or Deleuze and Guattari’s affects could be cited. This issue of L’Atelier seeks to pursue this interrogation by through analysing the textual or visual form of emotions. How do literature and the visual arts give form to emotions? And how do emotions, in turn, affect their form? 

 Such questions invite us to consider both the role of expression as well as reception. As affective experience simultaneously engages, surpasses and subjugates its subject — conjugating the verb to move necessarily involves both action and passion— it enhances both the capacity and incapacity of individual or collective subjects to act, and thereby produces paradoxical or even contradictory effects. And when we ask who is moved, by what, how, and to which ends, it becomes clear that careful historical contextualisation is necessary in order to account for the political and ethical dimensions of affective manifestations. The heterogeneous nature of emotions also calls our experience of linear time and of the body into question. Considering the formal aspects of emotion may also allow us to revisit the notion of “taste”, that enigmatic criterion used to distinguish “sentiment” from “sentimentality” and “sensitivity” from “sensationalism”. The role taste plays in the affective construction of a style — be it the style of the work or that of the reader or viewer — might also be explored.

These are just some of the questions that emerge when we attempt to understand emotions, a paradoxical enterprise that probes the limits of literary and artistic knowledge. 

       

Please send article propositions (300-500 words) to Juliana Lopoukhine (juiliana.lopoukhine@paris-sorbonne.fr) and Naomi Toth (ntoth@u-paris10.fr) before 30 June 2015. Completed articles are to be submitted by 15 October 2015.

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