Essai
Nouvelle parution
E. Godfrid, Pessoa, le Passant intégral

E. Godfrid, Pessoa, le Passant intégral

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Elisabeth Godfrid)

Elisabeth Godfrid, Pessoa, le Passant intégral, préface de Robert Bréchon

Paris : Éditions Petra, coll. "Littérature comparée", mai 2012.

EAN 9782847430547 

103p.

prix 12EUR

Présentation de l'éditeur :

"Qui est moi? Qu'est-ce donc que cet intervalle entre moi-même et moi?" (Pessoa)

L'idée d'intervalle, qui traverse l'oeuvre de Pessoa, conjugue trois dimensions affectives, le vide comme douleur de ce qui a été perdu, générant nostalgie, l'"entre" comme foyer de rêve, plaisir d'un retour au passé, l'"entre-deux" comme prison dont il ne peut s'échapper. D'où, dans les poèmes et "Le Livre de l'intranquillité", deux lignes de tension dont la contrariété va s'inscrire au coeur-même d'une spiritualité tendue à la fois par le christianisme et le judaïsme de la Kabbale : aspiration à la fusion dans une dissonance irréductible. Le Quint-Empire reste rêve, et la solitude tristesse et chance d'une écriture infinie.

TABLE DES MATIÈRES

Préface de Robert Bréchon

I. Pessoa et l’antre de l’intervalle

› De plus en plus seul

› Rien qu’un rêveur

› Des « statues animées » aux hétéronymes ?

› Retour au Paradis

› Entre demande et déception

II. Pessoa dans Lisbonne ou l’intime des lieux communs.

Spiritualité d’un guide

› L’ombre et l’exil

› « Dès que le navire approche de la barre »

› Le rêve d’accomplissement

› Question intranquille et dissonance

Bibliographie sélective

PREFACE DE ROBERT BRÉCHON

Pessoa dans "Lisbonne ou l’intime des lieux communs a été pour moi une leçon de lecture". Quand j’avais découvert, à sa publication très posthume, "What the Tourist Should See", texte attribué à Pessoa, devant la banalité à la fois du contenu et de la forme, je ne m’étais pas posé de question, je n’avais pas cherché à le comprendre. J’avais paresseusement décrété que ce manuel de tourisme n’était pas de lui, mon poète bien-aimé. Ce document anonyme s’était trouvé par hasard dans ses papiers, peut-être parce qu’il en avait eu besoin pour vérifier quelques détails concernant sa ville, son lar, son «foyer». Lui, l’admirable poète du "Cancioneiro" et de "Message", l’extraordinaire prosateur du "Livre de l’intranquillité", ne pouvait pas écrire ni penser aussi platement.

Eh bien, j’avais tort. Le mérite d’Elisabeth Godfrid, c’est d’avoir su lire et relire ce texte à la lumière de tout le reste de l’oeuvre de Pessoa et d’y avoir reconnu des images, des sentiments, des idées qui sont de lui, à peine cachés dans la banalité de l’écriture. Ce guide en apparence impersonnel, destiné aux touristes anglo-saxons, dont il partage la langue, révèle imperceptiblement, comme sournoisement, une subjectivité familière à tous ceux qui, comme Elisabeth et moi, fréquentent assidûment l’homme et l’oeuvre.

[...]

Dans le premier essai du livre, Elisabeth, qui aime ouvrir le texte par le langage, part d’un jeu de mots qui se révèle étonnamment significatif : l’"entre", la préposition familière à Pessoa, surtout dans le "Cancioneiro", est un antre, où la raison, en cherchant une issue, s’enferme. Pessoa parle par oxymores et pense par apories. Je l’ai jadis comparé au romancier du "Procès", dans un poème intitulé «Franz Pessoa et Fernando Kafka». Je l’ai rapproché aussi de Michaux, qui rêvait de «s’en sortir», mais qui «face aux verrous», se voyait obligé de trouver d’autres solutions que celles de la raison. Le poète aspire à l’infini, mais il ne connaît que l’indéfini. Penser, sentir, vivre est un labyrinthe. Il en fait, dans sa jeunesse tout un système, une écriture, un style, même une école : le «paulisme» (de "pauis", marais : les «paludes»).

Elisabeth va suivre le petit Fernando, depuis sa naissance, à travers toutes ses vicissitudes  et ce parcours est bouleversant. Jusqu’à l’illumination du jour triomphal, le 8 mars 1914, où apparaissent Caeiro, Reis et Campos. Pessoa, en se multipliant, fait de sa vie un mythe, pour lui-même, mais aussi pour nous. Et il fait de son aventure poétique une expérience spirituelle. Elisabeth déchiffre cet incroya¬ble grimoire qu’est l’oeuvre, avec ses impasses, ses pièges, ses contradictions, à grand renfort de références aux savants docteurs qui étaient familiers au poète.


L'auteur :

Elisabeth Godfrid, philosophe au CNRS, Centre de recherche sur les arts et le langage, écrit sur l'inventivité dans l'art et le politique. Elle a publié un essai, Humour du lâcher-prise, aux Éditions d'écarts, et un recueil de nouvelles, La limite c'est le ciel, aux éditions D'un noir si bleu. Elle a publié de nombreux articles dans les revues Artmag.com, Espacestemps.net et contribue régulièrement à la revue lusophone Latitudes