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Edward Said: Orientalismes/Occidentalismes

Edward Said: Orientalismes/Occidentalismes

Publié le par Vincent Ferré (Source : Ziad Elmarsafy)

Disparu en septembre 2003, Edward Said est considéré comme une figure majeure de la République mondiale des intellectuels. Son ouvrage sur l’orientalisme paru en 1978 sous le titre Orientalism a mis en effet sous les feux de la rampe ce professeur à l’Université Columbia de New York détenteur d’une thèse sur Greene et Gide et d’une thèse sur Conrad. Soutenant que l’orientalisme avait produit un Orient mythique tout entier confit dans la tradition, la primitivité, le mystère, le merveilleux, le profond, l’impénétrable, l’immuabilité et donc construit en quelque sorte un Orient disponible pour la domination coloniale, Orientalism, quoique très controversé, est rapidement devenu un classique, objet de nombreux symposiums, traduit en de multiples langues (allemand, arabe, coréen, persan, turc, etc.). Edward Said va impulser de très nombreux travaux. Les post-colonial studiesnotamment vont s’en réclamer. Étrangement, Orientalism est en revanche tout bonnement éludé par les milieux orientalistes français, bien qu’il fût traduit et publié dès 1980 par les éditions du Seuil. Peut-être parce qu’ils souscrivent aux critiques qui soulignaient qu’il est impossible d’imaginer que les buts ultimes de la domination coloniale puissent déterminer entièrement des compréhensions culturelles. Et il est vrai que, si Edward Said se défend de réduire le savoir à sa dimension politique, s’il affirme l’existence d’un “ savoir vrai ”, il réduit, trop souvent, la culture à un monde de valeurs qui ressort de l’intérêt, de la consolidation de l’impérialisme, voire de la complicité active avec le colonialisme.

Edward Said n’est toutefois pas l’auteur d’un seul livre. Dans Culture et impérialisme, paru ultérieurement, il adoucit notablement certaines thèses défendues dans Orientalism, probablement en vertu d’une attention plus vive à la lettre des textes littéraires. En lisant le roman en tant que résultat d’une “ interaction créatrice ” entre les propres lectures de l’auteur, son génie propre, son histoire personnelle, les contraintes de convention du récit et un public, en s’appuyant sur une méthode qui s’intéresse à ce qui est muet ou marginal dans le récit, Said apparaît bien plus complexe.
Mais surtout, Edward Said est l’auteur d’importantes contributions sur la manière dont les universitaires et les médias états-uniens échouent à rendre compte des sociétés islamiques et du problème palestinien. Que ce soit sous forme d’ouvrages, avec The Question of Palestine (1979), Covering Islam (1981), The Politics of Dispossession : the Struggle for Palestinian Self-Determination (1994), The End of the Peace Process : Oslo and After (2000) ou bien de très nombreux articles parus notamment dans le New York Times ou le Arab Studies Quaterly. Alors que sa trajectoire universitaire le menait paisiblement sur le chemin de l’érudition littéraire, la guerre des Six-Jours va transformer Edward Said en une des grandes voix internationales de la cause palestinienne. Membre indépendant du Palestine National Council, il fut un temps pressenti par Yasser Arafat et Jimmy Carter pour devenir un des négociateurs officieux en charge de trouver un règlement pacifique du conflit entre la Palestine et Israël. Prônant pour sa part la création d’un État binational, très critique envers les accords d’Oslo, Edward Said se pose donc en tant qu’intellectuel engagé. Et il n’aura de cesse, de Beginnings à Humanism and Democratic Criticism, d’approfondir la question de la fonction intellectuelle et de s’intéresser à l’histoire moderne des intellectuels. Edward Said ancre cette réflexion dans la question de l’exil en particulier. Il convoquera à ce propos sa propre histoire familiale dans une sorte de socio-analyse informée par une analyse personnelle. À ce titre, Edward Said est une voix assez singulière.

Il conviendra bien sûr de revenir sur Orientalism, d’analyser sa réception mondiale, de montrer sa fécondité pour les études postcoloniales, mais aussi ses impasses, méthodologiques aussi bien qu’épistémologiques. Réunissant de nombreux chercheurs internationaux, le colloque visera à faire place à l’ensemble de l’œuvre. Il sera nécessaire également de s’attarder sur des ouvrages qui de Beginnings (1975) à Humanism and Democratic Criticism (2004) en passant par Out of Place (2000) et Reflections on Exile (2000) ont interrogé l’humanisme, la critique, la démocratie et la fonction intellectuelle dans un espace à la fois mondialisé et fragmenté, soumis à des forces déshumanisantes. Et bien sûr, il faudra s’attacher à mettre à l’épreuve de l’actualité les écrits de Said concernant le question palestinienne.
Nous souhaitons ainsi rendre compte de la richesse, la subtilité, la complexité, la contradiction de sa pensée, parfois sublime, parfois défaillante. Et nous souhaitons également par une sorte de fidélité à sa pratique profondément humaniste que ce colloque soit placé sous le signe de la lecture détaillée, de la critique, de l’interprétation ouverte et accueillante.

 

Mercredi 14 mai : L’œuvre et sa réception

  • 9h15 Accueil des participants

Matinée : président Makram Abbès, Maître de conférence - ENS de Lyon / Institut Universitaire de France

  • 9h30 Henry Laurens, professeur au Collège de France - Chaire d’histoire contemporaine du monde arabe
    Histoire et nature de l’orientalisme
  • 10h15 Laurent Dartigues, chargé de recherche - CNRS / Triangle
    Histoire d’un silence. La non-réception de L’Orientalisme dans le champ orientaliste français (1980-2000)
  • 11h Florent Villart, maître de conférences - Université Jean Moulin Lyon 3 / Institut des études transtextuelles et transculturelles
    L’Orientalisme, la Chine et les Études chinoises : un état des lieux critique
  • 11h45 Débat et pause déjeuner

Après midi : présidente Leyla Dakli, Chargée de recherche - CNRS / IREMAM

  • 14h Pierre Robert Baduel, directeur de recherche honoraire (sociologie politique) - CNRS / Université de Tours
    Critique saïdienne de l’orientalisme arabo-islamique : au nom de quel Orient ?
  • 14h45 Sonya Dayan-Herzbrun, professeure - Université Paris 7 Denis Diderot / Centre de sociologie des pratiques et des représentations politiques et Directrice de la revue Tumultes
    De l’invention de l’Orient au spectre de l’islam
  • 15h30 Débat et pause café
  • 16h Nadia Marzouki, Chargée de recherche - CNRS / Centre d’études sociologiques et politiques Raymond Aron
    La critique saïdienne de l’orientalisme : débats théoriques et questions politiques
  • 16h45 Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou, professeur invité - Graduate Institute et Directeur de programme / Geneva Center for Security Policy
    L’archéologie de la soumission : comprendre l’actualité arabe à la lumière de Said
  • 17h30 Débat et clôture de la journée

Jeudi 15 mai : Orientalismes / occidentalismes : problèmes et méthodes

  • 9h15 Accueil des participants

Matinée : président Jérôme Maucourant, maître de conférences - Université Jean Monnet Saint-Étienne / Triangle

  • 9h30 Réda Benkirane, sociologue, consultant international, chercheur associé - Centre Jacques Berque (Maroc) et Institut de Recherches Philosophiques de l’Université Jean Moulin Lyon 3
    Après l’orientalisme : de l’islamologue en tant qu’agent de renseignement
  • 10h15 Dino Costantini, research Fellow - Università Ca’ Foscari di Venezia / Dipartimento di Filosofi a e Beni Culturali et Visiting Fellow/Universidade de Coimbra / Centro de Estudos Sociais
    Les frontières de l’humain : humanisme, démocratie, crise
  • 11h Engin Isin, professor of Citizenship, Politics & International Studies - The Open University of London / Faculty of Social Sciences
    Citizenship After Orientalism
  • 11h45 Débat et pause déjeuner

Après-midi : président Réda Benkirane, sociologue, consultant international, chercheur associé - Centre Jacques Berque (Maroc) et Institut de Recherches Philosophiques de l’Université Jean Moulin Lyon 3

  • 14h Rada Ivekovic, philosophe - Professeure des universités Traduction et souverainetés nationales.
    Sur la normativité des savoirs institués
  • 14h45 Mondher Kilani, professeur d’anthropologie - Université de Lausanne et Directeur / Laboratoire d’anthropologie culturelle et sociale
    Pour une critique du fondement universaliste du discours anthropologique
  • 15h30 Débat et pause café
  • 16h Orazio Irrera, chercheur associé - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (Centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne
    L’orientalisme comme régime de vérité. Discours et subjectivation chez Said et Foucault
  • 16h45 Makram Abbès, maître de conférences - ENS de Lyon / Triangle / Institut Universitaire de France
    L’Islam et la science : misères de l’orientalisme, impasses de l’islamisme
  • 17h30 Débat et clôture de la journée

Vendredi 16 mai : Figures de l’intellectuel à l’heure de la mondialisation

  • 9h15 Accueil des participants

Matinée : président, Maxime Del Fiol, maître de conférences - Université Paul Valéry Montpellier 3 / RIRRA 21

  • 9h30 Claire Gallien, maître de conférences - Université Paul Valéry Montpellier 3 / Institut de Recherche sur la Renaissance, l’âge Classique et les Lumières
    Edward Said, Theory, and the Palestinian Prism
  • 10h15 Anna Bernard, professor - King’s College of London
    Said’s reception by Jewish scholars writing about non-and anti-Zionist Jewish thought
  • 11h Leyla Dakhli, chargée de recherche - CNRS/ Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman
    Un apprentissage intellectuel : vivre entre les langues comme condition de la modernité arabe
  • 11h45 Débat et pause déjeuner

Après-midi : président Laurent Dartigues, chargé de recherche - CNRS / Triangle

  • 14h Karim Bitar, directeur de recherche - Institut des relations internationales et stratégiques et Directeur de la revue de l’École nationale d’administration
    Edward Said, la France et les intellectuels français
  • 14h45 Ziad Elmarsafy, professor - University of York / Department of English and Related Literature
    Edward Said, la mondanité et la littérature-monde (Weltliteratur)
  • 15h30 Débat et pause café
  • 16h Maxime Del Fiol, maître de conférences - Université Paul Valéry Montpellier 3 / Représenter, Inventer la Réalité du Romantisme à l’aube du XXIe siècle
    De l’orientalisme à l’occidentalisme : réflexions sur la possibilité d’un nouveau paradigme littéraire
  • 16h45 Sarga Moussa, directeur de recherche - CNRS / Littérature, Idéologies, Représentations, XVIIIe-XIXe
    Les années au Victoria College du Caire, ou l’apprentissage de la complexité.(E. Said, Mémoires, chapitre VIII)
  • 17h30 Débat et clôture du colloque