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Ecriture et engagement aux Etats-Unis (1918-1939)

Ecriture et engagement aux Etats-Unis (1918-1939)

Publié le par Marielle Macé (Source : Frédéric Sylvanise; Anne Ollivier-Mellios)

La figure de l'intellectuel engagé est, depuis une vingtaine d'années, profondément remise en question et la notion même d'engagement semble aujourd'hui quelque peu désuète. L'effondrement du communisme, l'émergence au cours des dernières décennies d'une culture de masse, ainsi que le développement de nouveaux médias (offrant un accès à l'information et à la connaissance au plus grand nombre) sont autant de facteurs qui semblent avoir contribué à cette désacralisation de l'intellectuel et de sa fonction. L'intellectuel engagé, né pendant l'Affaire Dreyfus, porté sur les fonts baptismaux par Sartre dans le premier numéro des Temps Modernes en 1945, aurait ainsi connu son apogée entre la Seconde guerre mondiale et la chute du mur de Berlin, deux dates symboliques marquant la victoire de la démocratie sur les fascismes et le communisme.


Pourtant bien avant Sartre, des intellectuels, en France, mais aussi aux États-Unis, se sont posé le problème de leur rôle dans la société et se sont attachés à articuler leur pratique littéraire, artistique ou journalistique à leurs prises de positions politiques. Bien avant l'article fondateur des Temps Modernes (« Présentation », octobre 1945), des articles, des manifestes et des essais avaient été publiés, qui interrogeaient la nature même du texte engagé et la légitimité des écrivains et artistes sortis de leur tour d'ivoire. C'est cette période charnière précédant la Seconde guerre mondiale que ce colloque se propose de « revisiter » afin d'explorer l'articulation entre écriture et engagement chez les intellectuels américains le terme lui-même est protéiforme et inclura ici les écrivains, essayistes, poètes et artistes dans l'entre-deux-guerres.


Les bornes chronologiques choisies (1918 et 1939) se justifient à plusieurs égards : il s'agit tout d'abord d'éviter cette césure que constitue traditionnellement chez les historiens américains la crise de 1929, de s'insurger contre cette tendance à faire des années vingt une décennie de vide idéologique, tandis que les années trente auraient vu naître, avec la montée des fascismes et la crise économique, un regain d'intérêt, une passion même pour le politique et les débats d'idées. Ce découpage nuit, nous semble-t-il, à la compréhension de certains parcours singuliers. Enfin, s'attacher à étudier la période 1918-1939 permet d'utiliser une problématique européenne l'entre-deux-guerres ne constitue-t-il pas un sujet historique à part entière pour les historiens européens ? pour étudier un cas américain dans une nouvelle perspective, à la fois littéraire et historique. C'est une période clé au cours de laquelle les intellectuels se posèrent de nombreuses questions sur leur statut et leur mission. Ils cherchèrent également à concilier art et pratique militante, souvent beaucoup plus difficilement d'ailleurs que la génération précédente en raison de la cristallisation des antagonismes idéologiques liée à la Première guerre mondiale et à la révolution russe.


Nous envisagerons donc les positions des écrivains, artistes, journalistes et essayistes durant cette période en interrogeant notamment les rapports entre engagement et formes esthétiques. N'ignorant pas l'apport des avant-gardes (Dada et les Futuristes entre autres), certains poètes et romanciers utilisent alors des formes importées de discours qui ne sont pas directement poétiques (le discours politique, le discours publicitaire) à des fins de provocation ou de propagande. Grâce au travail éditorial de périodiques tels que Masses, The Liberator (puis New Masses) ou encore Crisis et Opportunity, certaines oeuvres sont diffusées de manière régulière et éclatée, permettant ainsi une lecture très directe et très sporadique de l'actualité. Les motifs d'engagement ne manquent pas durant cette période : on pense naturellement aux combats communistes et antifascistes. On songe également, de manière souvent parallèle, à la lutte du peuple noir pour son émancipation, qui prend un essor tout particulier après la création du Niagara Movement puis de la NAACP (en 1909) par W.E.B. DuBois et lors de la Renaissance de Harlem qui lui fait immédiatement suite. Il n'existe toutefois pas d'unité du combat noir, et les artistes comme les écrivains se répondent, s'invectivent et se déchirent. À cela s'ajoute la pression exercée par le parti communiste, pression souvent peu propice à la pluralité artistique et au débat d'idées. Certains intellectuels se plient aux contraintes émanant du parti non sans exprimer parfois leurs doutes ou leurs dilemmes, tandis que d'autres, s'ils évitent soigneusement tout engagement partisan, ne peuvent plus après 1935 ignorer la montée des fascismes en Europe. En tout état de cause, à la veille de la Seconde guerre mondiale, il est devenu impossible pour les intellectuels de s'enfermer dans une tour d'ivoire et l'engagement, quel qu'il soit, est perçu comme une nécessité.

Ce colloque est ouvert aux littéraires et aux civilisationnistes. Il se tiendre les 1er et 2 décembre 2006



Date limite d'envoi des propositions de communication : 31 mars 2006.