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Écrire, vivre, penser, enseigner  (Univ. du Québec à Rimouski)

Écrire, vivre, penser, enseigner (Univ. du Québec à Rimouski)

Publié le par Marc Escola (Source : Kateri Lemmens)

Écrire, vivre, penser, enseigner

83e congrès de l’ACFAS (Rimouski)

Université du Québec à Rimouski

25 mai 2015

Responsables : Étienne Beaulieu (Cégep de Drummondville), Kateri Lemmens (UQAR), Martin Robitaille (UQAR)

 

Résumé

 

À l'heure où la recherche-création attire de plus en plus d'étudiants universitaires, ce colloque souhaite questionner les tensions ou la fertilité des rapports entre la création littéraire, la réflexion intellectuelle et l'enseignement et, de façon plus large, s’interroger sur la situation politique de l’écrivain dans un contexte d’ébranlement de la valorisation de la culture et du rôle des humanités au sein de l'université. Il s’agira de se demander, d’abord, comment l’écrivain professeur et/ou chercheur parvient-il à concilier écriture, enseignement et réflexion de façon à répondre aux attentes du monde universitaire, mais aussi de se demander comment se met en œuvre la résistance de l’écriture au sein de l’institution et du politique aujourd'hui. Un certain nombre de questions orienteront nos réflexions : Comment trouver la chambre à soi qui permet la création ? Quelles sont les pratiques qui parviennent à mettre en place une « recherche-création » vivante et, en particulier, comment s’articulent le travail de l’essai littéraire (essais, carnets, blogues, etc.) ? Pourraient-elles parvenir à la périlleuse conciliation entre vie, réflexion et création ?

 

Argumentaire

 

Si plusieurs colloques ont cherché à interroger les pratiques de recherche-création en milieu universitaire et académique [1], le récents colloque « Portrait de l’artiste en intellectuel » avait  fait ressortir l’exigence pour les artistes et écrivains de concilier, tout à la fois, enseignement, recherche et création, alors que la nature même de ces activités peut parfois sembler divergente. « Écrire, vivre, penser, enseigner  » qui se tiendra à l’occasion du 83e congrès de l’ACFAS à l’Université du Québec à Rimouski le 25 mai 2015, souhaite, incidemment, relancer et prolonger le questionnement sur les tensions ou la fertilité des rapports entre la création littéraire, l’enseignement et la réflexion intellectuelle et mettre en lumière certaines des avenues qui s’offrent aux chercheurs-créateurs en littérature en regard de leur pratique au sein des institutions académiques.

 

Si l’on pouvait esquisser un point de départ, il s’agirait sans doute d’examiner la relation double, parfois duelle, de compétition et de nécessité entre la création et la vie. Posées sur l’axe du temps et de la finitude, la vie et l’écriture s’appellent l’une l’autre tout en obligeant la sublimation, voire le sacrifice de l’une dans l’autre. Pour Henry David Thoreau, il serait vain, absurde de vouloir « s’asseoir pour écrire » si on ne s’était pas d’abord « levé debout pour vivre » [2]. Une question de temps, d’exigence, de persévérance et de lenteur, chez un Thomas Mann, par exemple, qui fera dire à un de ses narrateurs « qu’un écrivain est quelqu’un pour qui écrire est plus difficile que pour n’importe quel autre » [3]. Pour sa part, Marguerite Duras, tout comme Rousseau, « ne distingue pas sa vie de l’écriture : leur vie est un acte littéraire tout comme leur littérature est un acte de vie »[4]. Pour les deux, écrire et être sont des synonymes. Quant à Christa Wolf, il s’agirait bien de trouver, de garder cette relation vivante entre la vie vécue et la littérature par l’entremise d’une « authenticité subjective » (mais sans jamais que ne soit jamais sacrifiée la vie). Sans oublier une autre dimension, significative, essentielle, qui se joue entre temps et vie, celle de la parentalité, puisque l’œuvre, comme l’enfant, semble exiger le même sacrifice de soi au temps – une disposition, un don de soi, un don de la vie sur l’échafaud du temps [5].

À cette donne première s’ajouterait un enjeu second, celui de la conciliation entre la nature du travail de création (qui implique souvent lenteur, piétinement, errances, ratures et qui appelle liberté et résistance) et le fonctionnement des institutions académiques dont le modèle est peut-être davantage fondé sur celui de la recherche en sciences positives. Ainsi, si on peut constater à quel point les institutions académiques se sont ouvertes à la recherche-création au cours des dernières décennies (notamment par l’ouverture de postes en recherche-création et par l’octroi de bourses et de subventions aux professeurs et aux étudiants qui oeuvrent en recherche-création), il peut sembler difficile, encore, de faire reconnaître les particularités de l’activité créatrice au sein des institutions et en regard de leur horizon d’attentes. On peut alors se demander comment y parvient le professeur chercheur-créateur.

 

Troisième aspect à considérer : la pratique de l’essai littéraire conçu comme rencontre et conciliation entre l’art (par l’utilisation de procédés artistiques et stylistiques) et la pensée (en maintenant la présence d’arguments). Il est, d’ailleurs, à noter que le colloque vise à intégrer directement ce type d’intervention (‘essayistique’, donc artistique, plutôt que ‘scientifique’). L’essai littéraire (sous toutes ses formes, des carnets au blogue), pratiqué par plusieurs illustres écrivains professeurs et professeurs en création littéraire (pensons à Yvon Rivard ou à René Lapierre pour le Québec, à François Bon ou à Arnaud Maïsetti pour la France ou encore à David Foster Wallace, à James Galvin, à Alain Mabanckou ou à John d’Agata pour les États-Unis où le genre est pleinement reconnu comme une pratique de création littéraire) peut-il représenter un lieu de conciliation possible pour les écrivains appartenant au monde académique ?

 

Axes

Les propositions pourront se décliner suivant les axes suivants :

1. Des explorations ou des expositions des relations singulières qu’entretiennent les écrivains entre la création et la vie. S’agit-il de synergie ou de dissociation ? De transsubstantiation ou d’empêchement ? Il pourrait alors s’agir d’études de cas de figures des relations entre la vie, l’œuvre, la pensée, avec une attention particulière au portrait de l’écrivain en parent (alors que tout demande de la vie).

2. Une interrogation de la nature du rôle et de la présence du créateur en milieu académique, notamment en regard des attentes des institutions et de l’air du temps qui semble particulièrement hostile aux savoirs véhiculés par les lettres et les humanités. Comment le créateur-professeur ou le créateur-chercheur maintient-il la nécessaire résistance, la nécessaire liberté qu’appelle la création tout en s’inscrivant au cœur des structures institutionnelles ? Comment, par quels moyens, peut-il faire comprendre et reconnaître les particularités de son travail au sein du monde académique ?

3. Un questionnement des stratégies qui permettent à l’écrivain-professeur ou à l’écrivain-chercheur de concilier les multiples aspects de son existence : écriture, vie, pensée. En particulier, une attention pourrait être portée au rôle que peut jouer ou que pourrait jouer l’essai littéraire en conciliant la pratique créatrice et la pratique réflexive dans l’exercice parfois précaire que représente cette posture.  

 

Les propositions de communications d’une longueur de 300 mots et accompagnées d’une notice bio-bliographique sont à envoyer à Étienne Beaulieu (beauliee@cdrummond.qc.ca), Kateri Lemmens (kateri_lemmens@uqar.ca), Martin Robitaille (martin_robitaille@uqar.ca) avant le 20 février 2015. Une réponse sera envoyée dans les meilleurs délais.

 

Il est à noter que toutes les communications se dérouleront en français et qu’aucun financement n’est disponible pour l’instant.

 

URL de références :

http://www.acfas.ca/evenements/congres/programme_preliminaire/83/300/329/C

http://www.uqar.ca/lettres/

 

 

 

 

 

[1] « La recherche en création littéraire, ses objectifs et ses défis », Université de Sherbrooke (2000)), « Créer à l’université : pourquoi ? comment ? Enjeux et devenirs de la recherche-création à l’université Laval » (2010), « Une complémentarité à définir : le rapport du créateur à son récepteur » (2012) et « Portraits de l’artiste en intellectuel : enjeux, dangers, questionnements » (2012).

[2] Henry David Thoreau, Journal, 19 août 1851 in The Portable Thoreau, Penguin, 2012.

[3] Thomas Mann cité par Hélène Vuillet, Thomas Mann, Les métamorophoses d’Hermès,  PUPS, 2007, p. 319.

[4] Cécile Brochard, « Marguerite Duras : l’héritage décrié de la philosophie ? », Acta fabula, vol. 11, n° 7, Essais critiques, Juillet 2010, URL : http://www.fabula.org/revue/document5802.php, page consultée le 27 janvier 2015.

[5] On pensera à 100 Essays I Don’t Have Time to Write de Sarah Ruhl, au collectif Les Tranchées orchestré par Fanny Britt ou au travail de Nancy Huston sur les rapports entre création et maternité.