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Ecologie et Littérature pour la jeunesse (Ecolije)

Ecologie et Littérature pour la jeunesse (Ecolije)

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Nathalie Prince)

Écologie et Littérature pour la Jeunesse

colije)

Journées d’études, Université du Maine, 3L.AM

Les 18 et 19 juin 2015

 

Organisateurs : Nathalie Prince et Sébastian Thiltges

 

Dans le cadre du « défi scientifique » du projet régional « EcoLitt », deux journées d’études sont organisées autour de la question des liens entre la littérature pour la jeunesse ET l’écologie. Que vient faire l’écologie dans cette littérature pour les enfants et adolescents ? Qu’apporte-elle ? Que leur apporte-t-elle ?

Une première approche, diachronique, permettra d’entrevoir les rapports entre la littérature de jeunesse et l’écologie. Si nous souhaitons avant tout nous intéresser aux fictions contemporaines, nous aurons également à cœur de jeter un regard rétrospectif sur l’histoire littéraire de l’écologie pour voir comment les genres émergents (écofictions, fantasy) puisent dans la tradition des bestiaires, des fables, des contes merveilleux et autres robinsonnades. L’héritage de Rousseau pourra être souligné, mais encore celui des romantiques comme Arnim, Brentano, Hoffmann, mais aussi George Sand ou Charles Nodier. Il s’agira notamment de revenir aux racines d’un discours écologiste à destination des enfants :  comment y conçoit-on la nature ? Et la vie ? Le respect de celles-ci ? Nous nous demanderons où la prégnance écologique, que l’on peut observer dans les textes contemporains « pour » la jeunesse (science-fiction, albums engagés, bande dessinée, romans d’aventures, etc.), prend sa source et si l’on peut dater son apparition.

Une seconde approche, synchronique, permettra de croiser des perspectives thématiques, poétiques ou encore philosophiques. On peut imaginer en effet que cet écologisme importé dans la littérature de jeunesse engage un certain nombre de procédés littéraires originaux, de thèmes et de points de vue singuliers. Dans cet objectif, certaines contributions pourront se resserrer sur un « éco-motif » particulier, par un effet de loupe (une fleur, un arbre, un insecte) ou dans un mouvement plus vaste (le lac, la forêt, la montagne, la mer), ou sur un « éco-thème » : les marées noires, la déforestation, le changement de climat, les espèces en voie de disparition, etc. Plus largement encore, il pourra être fructueux d’interroger certaines répétitions esthétiques et narratives des écritures pour la jeunesse et leur rencontre avec l’intérêt moderne pour le naturel en soi. Pourquoi les enfants s’intéressent-ils à Robin des bois ou à  Pinocchio, petit morceau de bois animé ? Pourquoi cet élan vers la Reine des Neiges  ou vers les crapauds plus ou moins enchanteurs ? Qu’est-ce qui explique le succès de Yok-Yok, l’homme-champignon d’Etienne Delessert, ou de Tistou les pouces verts, de Maurice Druon ? Nombreux sont les textes qui plongent au cœur même de la nature, dans des univers miniaturisés, comme les microcosmes des minuscules (Roald Dahl) ou des poucets et des poucettes, qui se présentent comme des lieux imaginaires de « surnature », au sens d’une nature exagérée. Cette réduction du monde autorise des considérations intimistes sur la nature et permet d’observer sous un angle inédit les problèmes environnementaux, comme chez Christian Voltz (C’est pas ma faute). Vus d’en bas ou de dessous, vus de l’intérieur, ce bestiaire et cette flore sont surtout vus loin des hommes, c’est-à-dire loin des adultes. N’oublions jamais que l’enfant n’est pas un lecteur comme les autres.

À partir d’exemples précis empruntés aux albums les plus récents, on pourra se demander si ces animaux qui parlent ou ces homoncules – qui poursuivent d’une certaine manière la tradition romantique du bestiaire et de la flore fantastiques – peuvent de façon privilégiée dire la préoccupation environnementale. Or, s’agit-il d’ailleurs de dire ou d’exprimer seulement cette préoccupation? La littérature de jeunesse n’est-elle là que pour transmettre un message de l’adulte à l’enfant ? D’enseigner un drame, ou une menace écologique ? De lui apprendre des comportements ? Ces interrogations engendrent de nouvelles questions : comment la pensée écologique, ses inquiétudes et ses fondements, peut-elle être proposée à l’enfant par le biais d’une littérature souvent très simple ? Comment cette littérature fait-elle le pari de sensibiliser en racontant des histoires ? Notons ainsi que le rôle de la fiction nous pousse au choix méthodologique d’écarter définitivement du corpus tous les ouvrages « documentaires » écrits pour la jeunesse à destination des enfants.

Avec ce type de problématique, ces journées pourront alors être l’occasion d’entendre des philosophes, des psychologues, des pédagogues ou des sociologues réfléchir à une morale du développement durable, avec des sous-questions du type : faut-il inquiéter les enfants ? Les raisonner ? Les responsabiliser ? Ce sera aussi l’occasion d’interroger l’écologie et sa face éthique : cette modernité de la problématique écologiste ne reprend-elle pas des gestes plus anciens, voire plus archaïques de la littérature de la jeunesse, notamment en cherchant à faire de l’enfant un futur adulte responsable ? L’enfant, un être coupable ou durable ? Si on ne vise dans l’enfant que le petit adulte, n’est-ce pas là une manière néo-victorienne de faire de la littérature de jeunesse ? Une manière contraignante, moins verte que grise ? Mais on pourra aussi se demander si cette éco-éthique n’inverse finalement pas en profondeur la littérature de jeunesse : il ne s’agirait pas tant de considérer en l’enfant le futur adulte que de profiter de l’enfant pour changer les adultes… Si, par le biais de la littérature de jeunesse, l’enfant est éduqué à éduquer, quelles sont, concernant le discours environnementaliste, les raisons, les modalités et les fonctions de ce renversement ?

 On pourra encore souligner les liens consubstantiels des problématiques environnementales et de la littérature de jeunesse : n’est-il pas naturel que l’écologie, comme souci des générations futures, s’intéresse aux plus jeunes ? Le panthéisme de Peter Pan ne souligne-t-il pas justement cette harmonie entre l’enfance et l’intime nature ? Soit l’écolittérature de jeunesse continue une tradition littéraire en moralisant l’enfant, en le responsabilisant, en l’adultérant ; soit l’écolittérature de jeunesse inverse cette même tradition en profitant de l’enfant pour changer l’adulte, un adulte futur.

Enfin, on pourra considérer avec plus d’ironie cette harmonie de la problématique environnementale et des littératures de jeunesse et rappeler comment Emmanuel Levinas dénonce dans Difficile Liberté le discours écologiste et son « infantilisme idolâtre ». Cette harmonie n’est-elle pas le signe d’une rencontre entre une pensée simple et une littérature simple ? L’ « écolije » relève-t-elle d’une pensée simpliste pour une littérature simplette ? La question véritable ne serait pas tant de se rapprocher de la nature, de retrouver le monde, que de fuir les hommes et les adultes. Quelle(s) leçon(s) transmet alors la littérature de jeunesse ?

Toutes ces pistes, volontairement ouvertes, permettront de revenir sur les audaces expérimentales de la littérature pour la jeunesse qui travaille beaucoup sur la question du support. Dans Justine et la pierre de feu de Marcus Pfister, le livre coupé en deux au milieu des pages est conçu avec deux dénouements : si vous voulez que l’histoire finisse bien / si vous voulez que l’histoire finisse mal… Il y a des façons spectaculaires de montrer le désastre écologique aux enfants, grâce aux pop-up qui sont de véritables mondes en devenir, à l’instar de Dans la forêt du paresseux d’Anouk Boisrobert et de Louis Rigaud (ill.), ou grâce aux romans pour adolescents (voir Christian Chelebourg, Les écofictions, 2012). Il s’agira donc aussi, durant ces journées, de dessiner les contours de l’écopoétique à destination des enfants.

Pour donner une cohérence à ces journées et resserrer le corpus vers des champs encore peu, voire pas du tout explorés par la critique actuelle, on travaillera surtout sur des œuvres issues de la littérature européenne – choix qui représente l’un des paris de ce projet « EcoLitt » – et on privilégiera les corpus comparatistes pour souligner des retards, les contradictions ou les inventions d’une culture à l’autre dans le vaste champ de l’écologie.

N.B. Il s’agit bien sûr de travailler aussi bien sur les ouvrages écrits « pour » la jeunesse que sur tous les textes « annexés » par la littérature dite de jeunesse, c’est-à-dire ceux qui n’étaient pas forcément destinés à la jeunesse et qui ont trouvé leur place dans des collections pour la jeunesse.

Les contributions (environ 2500 signes espaces compris) sont à renvoyer à Nathalie Prince (nathalie.prince@bbox.fr) et à Sébastian Thiltges (ecolije@gmail.com) avant le 1er novembre 2014.

 

Responsable :

Nathalie Prince, 3L.AM, Université du Maine

Comité d’organisation :

Nathalie Prince, Professeur, Université du Maine, 3L.AM

Sébastian Thiltges, postdtoctorant, Université du Maine, 3L.AM   

Comité scientifique :

Anne-Rachel Hermetet, Professeur, Université d’Angers

Sébastian Thiltges, postdoctorant, Université du Maine

Nathalie Prince, Professeur, Université du Maine

Christian Chelebourg, Professeur, Université de Lorraine

Adresse :

Université du Maine, Le Mans

Voir aussi :

http://3lam.univ-lemans.fr/fr/index.html

http://ecolitt.univ-angers.fr/fr/index.html