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Dynamiques confessionnelles dans les littératures romanes de la première modernité (Zürich)

Dynamiques confessionnelles dans les littératures romanes de la première modernité (Zürich)

Publié le par Marc Escola (Source : Daniel Fliege)

Appel à communications

Dynamiques confessionnelles dans les littératures romanes de la première modernité

 35e Congrès de la Société allemande des Romanistes Dynamique, rencontre, migration, Zurich, 8–12 octobre 2017

L’année prochaine, on célébrera les 500 ans de la publication des 95 thèses que Martin Luther a affichées sur la porte de la chapelle du château de Wittenberg, à travers de nombreux évènements et congrès qui traiteront la thématique de la Réforme. Tandis que d’autres disciplines de sciences humaines, comme la théologie, l’histoire de l’art ou les études en littérature allemande, contribuent tout naturellement à la préparation de l’anniversaire de la Réforme, les études en littératures romanes semblent quant à elles avoir plus de mal à aborder cette thématique. Cependant, les pays de langue romane ont également connu leurs propres mouvements réformateurs, comme les Évangéliques en France ou les Spirituali en Italie, avant le concile de Trente. N’oublions pas non plus les Huguenots ainsi que, du côté catholique, les mouvements de la Contre-réforme. Les tensions religieuses ont non seulement laissé leurs traces dans le contenu de nombreuses œuvres de la première modernité, mais les nouvelles idées religieuses ont également exercé une influence durable sur l’esthétique même de certaines œuvres littéraires. En effet, elles ont développé différentes conceptions de ce qu’est ou ce que doit être l’esthétique littéraire : il suffit de penser aux œuvres d’auteurs fameux, comme celles de Clément Marot, de Marguerite de Navarre, de Théodore de Bèze ou d’Agrippa d’Aubigné, de Vittoria Colonna, de Michel-Ange ou de Torquato Tasso, qui ont écrit dans un contexte de tension spirituelle et de débats confessionnels. La particularité de la littérature spirituelle à l’époque confessionnelle semble justement être une dynamique d’inscription des nouvelles idées religieuses dans des formes poétiques traditionnelles ainsi que les efforts, explicites ou implicites, de démarquage confessionnel.

De surcroît, la persécution, non seulement religieuse mais aussi politique, a forcé certaines personnalités à l’exil – comme par exemple Juan de Valdés exilé à Rome et à Naples, Clément Marot à Ferrare ou Bernardino Ochino à Genève –, jusqu’à déclencher des mouvements migratoires comme celui des Huguenots qui, quant à eux, ont influencé les pays et les villes d’accueil – par exemple, les Pays-Bas ou le Berlin prussien. Les rencontres interconfessionnelles et interculturelles ont pu produire de fructueux échanges, mais aussi mener à des conflits.

La section se propose d’analyser ces dynamiques entre la littérature et les différentes confessions dans les pays romans. Plusieurs axes pourront être envisagés :  

1) Les dynamiques confessionnelles dans les littératures romanes

Il se pose la question de savoir dans quelle mesure les confessions ont exercé une influence sur l’esthétique littéraire, d’une part et comment l’esthétique a influencé la conception de la liturgie, d’autre part. Ainsi, Christian Grosse explique que « [c]ontrairement aux idées reçues, l’esthétique assume bien une fonction dans les formes rituelles adoptées par les Églises de la Réforme calviniste » (Grosse 2010, 13). Il parle d’une « jonction de deux dynamiques » (ibid.), l’une cognitive et l’autre esthétique. Agnès Walch, quant à elle, estime qu’ « [i]l convient de rappeler […] l’étroite alliance de la poésie et du protestantisme "à la française", alliance sans laquelle l’histoire particulière de l’Église réformée est illisible, au point que l’on peut se demander si la création poétique n’est pas un trait spécifique de l’expression religieuse huguenote dont elle traduit les principales aspirations » (Walch 2008, 96). Véronique Ferrer, elle, souligne que « la Réforme calvinienne […] marqua de manière moins connue mais tout aussi décisive la littérature de son temps » (Ferrer 2009, 55). Pourtant, Ferrer ajoute qu’il n’existait pas de « manifestes poétiques […] qui posent les principes d’une langue et d’une inspiration à proportion de la nouvelle doctrine » (ibid. 56). Toutefois, il ne faut pas considérer le manque de tels textes théoriques et programmatiques comme une indifférence de la littérature à l’égard des réformes religieuses. L’objectif de cette section est, d’une part, d’analyser l’interaction entre la théologie réformée (calvinienne) et l’esthétique, interaction sur laquelle la critique s’est focalisée jusqu’à aujourd’hui. Mais il s’agira aussi, d’autre part, de prendre en considération la Contre-réforme catholique en analysant à la fois les points communs et les différences entre les confessions. Pour cela, il est nécessaire de déterminer dans quel contexte et dans quelle mesure certains éléments discursifs peuvent être perçus et reconnus comme des éléments propres à une certaine confession. Autrement dit, de quelle manière est configurée la perception du marquage confessionnel, qui permet au récipient de reconnaître la confessionnalité d’un texte, et qui a elle-même un effet sur la production et la codification des textes spirituels ? Ainsi, la section se propose de déterminer s’il existe différentes conceptions de l’esthétique protestante, réformée ou catholique et comment celles-ci sont appliquées concrètement aux textes.

2) La contribution de la littérature en tant que moyen de diffusion des confessions

La section étudiera par ailleurs dans quelle mesure des textes littéraires ont apporté une contribution à la diffusion d’idées confessionnelles. Ainsi, on analysera la manière dont certains procédés rhétoriques, comme l’interaction entre les principes de delectare, movere et docere, peuvent être utilisés en littérature afin de transmettre et de diffuser des dogmes religieux. 

3) Les dynamiques de trans- et interconfessionnalité dans la littérature

L’objectif de la section n’est pas seulement de confronter différentes conceptions esthétiques au sein des confessions, mais aussi d’examiner les dynamiques de référence interconfessionnelle : dans quelle mesure les textes littéraires se réfèrent-ils, de manière explicite ou implicite, à d’autres esthétiques confessionnelles, pour s’en démarquer et se définir eux-mêmes sur un plan confessionnel ? De plus, il sera question de savoir si l’on peut reconnaître l’existence d’une influence mutuelle. Il serait également intéressant d’examiner si, en parallèle à cet échange entre les confessions – soit ex negativo soit ex positivo – on peut reconnaître les aspects d’une transconfessionnalité explicite, c’est-à-dire des aspects propres à la littérature des deux confessions, ouvrant ainsi un terrain d’entente mutuelle. Une telle perspective permettrait de catégoriser, certes, des auteurs et des membres appartenant à une certaine confession, mais aussi de penser, grâce à l’échange et à la confrontation continuelles, ces identités comme des identités dynamiques. Cette étude peut mener à la remise en question de phénomènes comme l’ambiguïté confessionnelle et le nicodémisme, et à la prise en considération de mouvements réformateurs au sein de l’Eglise catholique, tels que les Évangéliques – qui ont une affinité avec protestantisme sans pour autant se reconnaître complètement dans celui-ci.

4) Des dynamiques de transmission culturelle et religieuse

Il s’agit ici de savoir dans quelle mesure l’exil et l’émigration ont contribué aux échanges culturels. À ce sujet, on pourrait tout d’abord penser aux échanges entre les confessions chrétiennes elles-mêmes, mais aussi aux rencontres avec d’autres religions, comme l’islam ou le judaïsme. Il serait intéressant d’examiner quel effet ont eu ces rencontres interculturelles et interreligieuses ou bien interconfessionnelles sur la littérature.

Les propositions de communication (un titre et un résumé de 300 mots), assorties d’une brève notice biographique, sont à adresser à Daniel Fliege (daniel.fliege@uni-hamburg.de) et Rogier Gerrits (rogier.gerrits@uni-hamburg.de) avant le 31 décembre 2016.

Réponse du comité scientifique : le 15 janvier 2017.

Les communications seront présentées en français ou dans une autre langue romane. Les intervenants disposeront de 20 minutes de communication, suivies d’une discussion. Le comité scientifique a également pour objectif de publier les actes de ce colloque.

 

Bibliographie

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