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Philippe Vilain, romancier de la pensée critique (revue Dalhousie French Studies)

Philippe Vilain, romancier de la pensée critique (revue Dalhousie French Studies)

Publié le par Marc Escola (Source : Francesco Paolo Alexandre Madonia)

Dalhousie French Studies:

"Philippe Vilain, romancier de la pensée critique"

L’œuvre de Philippe Vilain, exigeante, plurielle, forte de onze romans et dix essais, bénéficiant d’une importante estime critique et universitaire, se distingue dans la littérature française contemporaine par sa capacité à produire une pensée critique.Cette tendance s’observe dans ses romans -véritables fictions pensivesqui modernisent le genre du roman d’analyse à travers les transactions réciproques entre la fiction et l’essai- à sa façond’intellectualiser le sentiment amoureux, de disséquer ses manifestations, d’explorer sa complexité, sa conscience et sa morale, de construire une pensée méthodique frontalière de la philosophie, de la sociologie ou de la psychologie : l’amour du narrateur de L’été à Dresdepour Elisa, la jeune mannequin Est-allemande, atteinte d’une leucémie, allégorise la nostalgie de l’Est –l’Ostalgie- et la fin de l’utopie communiste ; Le Renoncementet Pas son genrerelatent une passion condamnée par ses différences sociales et les déterminismes ; Faux pèreanatomise la paternité, poursuivant une méditation sur le deuil et la culpabilité filiale exprimée dans la poignante cérémonie des adieux au père, La dernière annéeParis l’après-midietLa femme infidèlesondent la croyance en l’amour conjugal ; L’étreinteet La fille à la voiture rougecorroborent une manière de discours fémininquant à la différence d’âge en amour et à l’émancipation de la femme ; Une idée de l’enferpeint le naufrage d’un couple à travers la passion addictive du jeu ; Un matin d’hiverévoque le fantasme social de la disparition au sein du couple, la tentation de l’évaporation et du partirque réalisait la coiffeuse Jennifer à la fin de Pas son genre. La fascinante cohérence de l’œuvre romanesque consiste en sa reprise sérielle et dynamique, réflexive, roman après roman, d’une fabula sentimentale minimale -le deuil d’un amour heureux- faisant chaque fois de la banalité du motif amoureux un événement d’écriture.

La singularité de cette œuvre tient à son pouvoir métacritique, à sa capacité à produire une pensée critique dans les textes fictionnels et non-fictionnels. En témoignent les deux essais fondateurs, Défense de Narcisseet L’autofictionen théorie, qui inscrivent Philippe Vilain dans un courant majeur de la littérature du XXIème siècle, l’autofiction.L’expérience de l’écriture forge, par ailleurs, à partir de ses certitudes et de ses impasses, un puissant discours théorique, hérité de la critique de Theodor W. Adorno, sur le fonctionnement de la littérature contemporaine à l’heure de son industrialisation culturelle dans La littérature sans idéal et La passion d’Orphée. La rédemption sociale par la littérature est analysée dans Le paradoxe de l’écrivain, tandis que l’épreuve de la timidité fait l’objet, dans Confession d’un timide, d’une méditation sur l’impossibilité-même de s’exprimer et le désir de conquérir une parole à soipar l’écriture. Enfin, l’expatriation en Italie, racontée dans Mille couleur de Naples, interroge les représentations négatives d’une ville injustement réduite à sa criminalité mafieuse, où Vilain retrouve la lumière de ses origines populaires. 

Ce dossier de la revue Dalhousie French Studies, consacré à l’œuvre de Philippe Vilain, se propose d’examiner les mécanismes de sa pensée critique.

Parmi les pistes envisagées : la manière dont les romans forgent une métacritique de l’amour, une œuvre de la rationalité amoureuse, ou constituent des élargissements fictionnel et réflexif de l’expérience ; la capacité, autofictionnelle et fictionnelle de l’écrivain à faire événementde tout sujet. Une étude génétique des manuscrits permettrait également de révéler l’itération inconsciente de l’œuvre, les secrets de sa cohérence thématique et stylistique, ses mécanismes scripturaux. 

La complémentarité des romans et des essais ouvre un second axe de réflexion examinantl’attitude critique à l’œuvre dans les essais, comme le souci d’élaborer une pensée spéculative, d’intellectualiser le sensible, de proposer des conclusions théoriques. 

Le statut même de l’esthétique scripturale mériterait un examencar Vilain développe une pensée minant politiquement la manière dont elle s’exprime : Vilain n’écrit pas dans la langue populaire mais dans une langue rationnelle et sensible, essentielle, pure, la langue de l’Autre social, du dominant culturel(dans Pas son genrela figure est incarnée par le professeur de philosophie, maître du discours et dominant culturel) pour réhabiliter les « dominés culturels », les minores, les vies minuscules, invisibles ou marginales qui peuplaient sa réalité. Cette écriture de la réparation se met au service d’une pensée humaniste, éthique, sociale.

Veuillez soumettre vos propositions d’article (300-500 mots), accompagnées d’une brève bio-bibliographie, avant le 15 mai 2021, à l’adresse suivante: francescopaolo.madonia@unipa.it

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Bibliographie sélective

Philippe Vilain ou la dialectique des genres. sous la direction d’Arnaud Schmitt et Philippe Weigel.- Orizons, collection « Université/Comparaison », 2015, 314 p.

DAMBRE, Marc. « L’attente », in Philippe Vilain ou la dialectique des genres. Paris, Orizons, collection « Universités/Comparaisons », 2015, p. 41-51.

FAERBER, Johan, « Une vie sans histoire. Ou l’impact autobiographique dans l’œuvre de Philippe Vilain», Revue de Littérature Comparée (Autobiographies), janvier-mars 2008, p. 131-140. 

FAERBER, Johan, « Vivre sa vie. Ou les apories du récit de soi dans l’œuvre de Philippe Vilain », in Philippe Vilain ou la dialectique des genres. Paris, Orizons, collection « Universités/Comparaisons », 2015, p. 131-159.

GASPARINI, Philippe.- Autofiction. Une aventure du langage.- Paris : Seuil, col. « Poétique », 2008, p. 262-266.

MADONIA, Francesco Paolo Alexandre. « Les tours dits de la chaire dans les romans de Philippe Vilain », colloque « L’enjeu de la chair dans l’autofiction », Ecole Normale Supérieure, 20 septembre 2015.

PIERROT, Jean, Préface à Philippe Vilain ou la dialectique des genres. Paris : L’Harmattan, collection « Orizons », 2015, p. 9-22.

SCHMITT, Arnaud. Je réel/Je fictif. Au-delà d’une confusion postmoderne(chapitre : « Le mythe de l’hybridité »).- Toulouse : Presses universitaires du Mirail, 2010, p. 86-87.

SCHMITT, Arnaud, « Philippe Vilain, un autofictionniste entre théorie et pratique », in Philippe Vilain ou ou la dialectique des genres. Paris, Orizons, collection « Universités/Comparaisons », 2015, p. 197-207.

TOUDOIRE-SURLAPIERRE, Frédérique, « Et, curieusement, je suis à peine surpris de gagner », in Philippe Vilain ou la dialectique des genres. Paris, Orizons, collection « Universités/Comparaisons », 2015, p. 115-127.

Van WESEMAEL, « Philippe Vilain se penche sur le miroir de son enfance », Actes du Colloque « Relations familiales dans les littératures française et francophones des XXè et XXIè siècles : la figure de la mère », Université de Pau, 26 octobre 2006.- Paris : L’Harmattan, 2008, p. 47-56.

Van WESEMAEL, Sabine, « Fabuler le réel », in Philippe Vilain ou la dialectique des genres. Paris, Orizons, collection « Universités/Comparaisons », 2015, p. 209-221.