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Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es

Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es" : fictions identitaires, fictions alimentaires (Strasbourg)

Publié le par Marc Escola (Source : Bertrand Marquer)

« Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es » : fictions identitaires, fictions alimentaires

Colloque international, Strasbourg, 8-10 novembre 2017

 

L’aphorisme qui donne son titre à ce colloque est sans doute la formule la plus célèbre de Brillat-Savarin qui, dans sa Physiologie du goût (1825), ambitionnait de proposer une réflexion sur l’alimentation à la fois pratique, esthétique, philosophique, et sociopolitique. Très tôt repris dans le discours gastronomique du XIXe siècle, cet aphorisme délivre une vérité dont les discours anthropologique et sociologique se sont aujourd’hui emparés. En témoigne, en particulier, le développement des travaux relevant de l’histoire culturelle de l’alimentation et, dans le domaine anglo-saxon, les nombreuses approches contemporaines que les « food studies » essaient de fédérer.

Pour qui s’intéresse à « l’anthropos-mangeur » ou « phaganthrope » (Claude Fischler), le lien entre les choix alimentaires et la construction d’une identité constitue en effet une problématique centrale où se croisent facteurs physiologiques et idéologiques. Considérer le fait alimentaire comme un fait identitaire suppose certes que l’on s’interroge sur les goûts propres de l’individu, mais surtout sur la manière dont un contexte socioculturel les définit et induit une reconnaissance, comme l’appartenance à une communauté, une classe sociale, une nation, voire une « race » ou un « genre ». L’identité envisagée par le prisme de l’alimentation mobilise par conséquent un ensemble de représentations assez vaste, globalement « culturelles », mais qui s’ancrent dans une histoire (partagée ou refusée) et dans une idéologie (implicite ou revendiquée). Savoir qui l’on est par le biais de ce que l’on consomme pose finalement moins la question du rapport à soi (ce que j’aime, les goûts qui me définissent) que celle du rapport à l’Autre, tant il est vrai que l’incorporation constitue une expérience fondamentale de l’altérité, dont l’issue (rejet ou reconnaissance) dépasse le simple critère du penchant naturel. La relation que suppose cette incorporation témoigne en outre du poids de l’imaginaire dans l’élaboration du goût, l’aliment se trouvant investi de vertus magiques, positives ou négatives, et d’un ensemble de représentations dont l’évolution de la diététique ne rend que partiellement compte.

Étudiés de longue date par l’anthropologie historique, ces phénomènes parcourent également la littérature, sensible aux discours normatifs sur la nutrition mais aussi et surtout à la part d’imaginaire sollicitée par l’incorporation alimentaire. C’est cette mise en œuvre que le présent colloque souhaite constituer en objet d’étude littéraire, en analysant les implications et conséquences du célèbre aphorisme de Brillat-Savarin, et en explorant les fictions auxquelles il a pu fournir un principe de composition. Quelle est par exemple la place que l’œuvre littéraire accorde à l’alimentation dans la légitimation de déterminismes sociaux, sexuels ou raciaux ? Que disent les choix alimentaires des croyances représentées ? Dans quelle mesure participent-ils de la construction du personnage et de la mise en place d’une axiologie, voire d’une imagologie littéraire ?

Ouvertes d’un point de vue chronologique, les propositions de communication pourront se consacrer à l’archéologie de l’axiome de Brillat-Savarin, à son actualisation au XIXe siècle, ou à sa postérité. Elles devront néanmoins prendre pour cadre de référence la culture occidentale, et interroger la manière dont les pratiques alimentaires mobilisées dans la fiction participent d’une représentation identitaire.

Les propositions devront s’inscrire en priorité dans l’un des axes suivants :

  • Fictions alimentaires, fictions essentialistes :

-  Identité alimentaire et identité sexuelle (ce que mangent les hommes / ce que mangent les femmes)

-  Identité alimentaire et théories des races

  • Fictions alimentaires, fictions sociales :

-  Choix alimentaires et appartenance sociale

-  Choix alimentaires et choix politiques (y a-t-il une alimentation de gauche ou de droite ? quels liens sont établis entre régime politique et régime alimentaire ?)

  • Fictions alimentaires et genèse

-  Diététique et création (choix alimentaires et fables auctoriales)

-  Alimentation et sémiologie du personnage

-  Alimentation et mythes (ce que mangent les Dieux / ce que mangent les hommes ; Tantale, Midas, etc.)

 

Les propositions de communication, accompagnées d’une courte notice biobibliographique, sont à adresser à Bertrand Marquer (bmarquer@unistra.fr) avant le 15 mai 2017. Elles seront examinées par le comité scientifique,  qui communiquera sa réponse fin juin.

Le colloque aura lieu à Strasbourg du 8 au 10 novembre 2017 et donnera lieu à publication.

 

Comité scientifique

Guy Ducrey (Université de Strasbourg)

Françoise Hache-Bissette (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines)

Anthony Mangeon (Université de Strasbourg)

Hugues Marchal (Université de Bâle)

Bertrand Marquer (Université de Strasbourg)

Muriel Ott (Université de Strasbourg)

Christine Ott (Université de Francfort)

Éléonore Reverzy (Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle)

Geneviève Sicotte (Université Concordia)

 

Bibliographie indicative

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Olivier Assouly, Les Nourritures divines. Les interdits alimentaires, Arles, Actes Sud, 2002.

Andrée-Jeanne Baudrier (éd.), Nourritures et écriture, Nice, Université de Nice, 2 t., 1999- 2000.

Banquets et manières de table au Moyen âge, Senefiance, 38, 1996.

Sophie Bessis (dir.), Mille et une bouches. Cuisines et identités culturelles, Paris, revue Autrement, coll. « Mutations/Mangeurs », 1995.

Martin Bruegel, Bruno Laurioux, Histoire et identités alimentaires en Europe, Hachette Littératures, 2002.

Frédéric Charbonneau, L’École de la gourmandise, de Louis XIV à la Révolution, Paris, Desjonquères, coll. "L'esprit des lettres", 2008.

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Alain Drouard, Le Mythe gastronomique français, Paris, CNRS éditions, 2010.

Christine, Durif-Bruckert, La Nourriture et nous, Corps imaginaire et normes sociales, Armand Colin, 2007.

Jean Duvignaud et Chérif Khaznadar (dir.), Cultures, Nourriture, coll. « Internationales de l’imaginaire » n°7, Arles, Actes Sud, 1997.

Peter Farb et George Armelagos, Consuming Passions : The Anthropology of Eating, Boston, Houghton Mifflin, 1980.

Claude Fischler, L’Homnivore, Paris, Odile Jacob, « Points », [1990], 1993.

Françoise Hache-Bissette et Denis Saillard (éds) Gastronomie et identité culturelle française, Paris, Nouveau monde édition, 2007.

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Pascal Ory, Le Discours gastronomique français, des origines à nos jours, Paris, Gallimard/Julliard, coll. « Archives », 1998.

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Éléonore Reverzy et Bertrand Marquer (éd.), La Cuisine de l’œuvre. Regards d’artistes et d’écrivains au XIXe siècle (, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, coll. « Configurations littéraires », 2013.

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