Questions de société

"Diplômes universitaires : et Dieu reconnaîtra les siens.", par V. Soulé (blog C'est classe ! 08/06/09)

Publié le par Bérenger Boulay

Véronique Soulé - Libéblogs C'est classe !

 http://classes.blogs.liberation.fr/soule/2009/06/dipl%C3%B4mes-le-vatican-reconnaitra-les-siens.html

Diplômes universitaires: et Dieu reconnaîtra les siens... 08/06/09

Et sila guerre scolaire se rallumait ? Le camp laïc est en ébullition depuisl'accord entre Paris et le Vatican sur la reconnaissance mutuelle desdiplômes : après avoir vanté la supériorité du curé sur l'instituteur,Nicolas Sarkozy s'attaque maintenant à l'enseignement supérieur...Faux, c'est un procès en sorcellerie, se défend le gouvernement.

Rappelons les faits. Le 18 décembre 2008, le ministredes Affaires Etrangères Bernard Kouchner signe avec Mgr DominiqueMamberti, le Secrétaire du Vatican pour les Relations avec les Etats,un "Accord entre la République française et le Saint Siège sur lareconnaissance des grades et diplômes dans l'enseignement supérieur" (texte en pdf).

D'emblée, cela inquiète. Depuis la loi du 18 mars 1880,seules les universités publiques ont le droit de délivrer des diplômesnationaux. Pour que leurs étudiants aident des diplômes reconnus, lesuniversités et les instituts catholiques - de Paris, Lille, Lyon,Angers et Toulouse - doivent signer des conventions avec elles. Oualors faire valider leurs examens par des jurys désignés par lesRecteurs - les jurys rectoraux.

Cela veut-il dire que désormais les établissementscatholiques vont pouvoir délivrer des diplômes reconnus sans passer parles universités, car visés par le Saint Siège ? Si c'est le cas, celaimplique deux quasi révolutions : la fin du monopole de "collation desgrades et des diplômes" de l'université publique, et une sérieuseentorse au principe de laïcité - rappelé dans la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat.

Mais le débat à peine engagé retombe. Les vacances deNoël arrivent. La crise universitaire succède au mouvement lycéen. Le22 janvier 2009, le discours de Nicolas Sarkozy sur la recherche met lefeu aux poudres.

En même temps, les ministère de l'Enseignementsupérieur et des Affaires Etrangères tentent de calmer le jeu. Le 6janvier, ils précisent dans un communiqué que seuls "les diplômescanoniques" (théologie, philosophie et droit canon) sont visés parl'accord. Et non pas les "profanes" - droit, lettres, sciences, etc.

Or c'est faux, en tout cas pas clair du tout. Le Protocole additionnel publié avec le décret au Journal Officielle 19 avril 2009 ne fait pas de distingo entre les disciplines.L'accord concerne ainsi potentiellement tous les diplômes délivrés parles établissements catholiques du supérieur.

C'est un accord on ne peut plus classique, se défend le gouvernement, qui entre dans le cadre du processus de Bologne, suite à la déclaration de Bolognedu 19 juin 1999. Les 43 Etats signataires - le Saint Siège l'a paraphéen 2003 - s'engagent à harmoniser leurs systèmes d'enseignementsupérieur, à les rendre plus lisibles. Cela doit notamment permettreune plus grande mobilité des étudiants.

La France a déjà signé ce type d'accord avec l'Espagne,le Portugal, la Pologne, etc. , rappelle aussi le gouvernement. C'esten effet pratique pour un étudiant espagnol qui veut venir poursuivreses études en France. Et vice-versa d'ailleurs.

Le problème est que le Saint Siège n'est pas un Etatcomme un autre - c'est aussi et avant tout une autorité spirituelle. Unévêque siège ainsi au conseil de direction de la "Catho" de Paris ou deLille. Actuellement il s'occupe surtout du contenu des étudescanoniques. Mais demain est-ce qu'il ne pourrait pas être tenté demettre son nez partout ?

Selon l'accord, le Vatican doit maintenant faire laliste des établissements et des diplômes qu'il veut habiliter. Il afait savoir qu'il ne se limiterait pas aux disciplines canoniques (voirlemonde.fr).Pourtant au gouvernement, on maintient que les profanes sont exclus.Alors, info ou intox ? Pour le camp laïc, c'est en tout cas un nouveaucoup de Sarkozy contre la laïcité, après son discours prononcé le 20décembre 2007 au Vatican (voir les deux photos), au Palais de Latranoù il célèbre les vertus du curé. En visite le 14 janvier 2008 enArabie Saoudite, il prononce un autre discours très religieux à Riyad.

Le 19 mai, les 115 sénateurs du groupe socialiste, puis le 5 juin, le tout nouveau Collectif pour la promotion de la Laïcitéont déposé chacun un recours devant le Conseil d'Etat réclamantl'annulation du décret. Parmi leurs arguments, ils estiment qu'un teltexte aurait dû passer par le Parlement - l'article 53 de laConstitution en fait l'obligation dès qu'un traité internationalmodifie la loi française. Il n'est pas exclu que d'autres recourssoient bientôt déposés. 

Le Collectif pour la promotion de laLaïcité regroupe 15 parlementaires, 18 associations - le Grand Orientde France, La Grande Loge Féminine de France, l'Union des FamillesLaïques, etc -, ainsi que de simples citoyens. Il a aussi lancé une pétition qui a déjà recueilli plus de 12500 signatures.

Onne compte pas les déclarations de protestations de syndicatsd'enseignants, comme Unsa-Education ou le Sgen-CFDT, d'étudiants, commel'Unef, d'associations, comme la Ligue de l'enseignement, etc. LaConférence des Présidents d'Université (CPU) est aussi montée aucréneau en janvier.

Enfin le 19 mai, sept députés de gauche ontdéposé une proposition de loi "Promouvoir la laïcité et sauvegarder lemonopole de la collation des grades universitaires".

L'affaire est donc loin d'être close. Prions pour qu'elle connaisse une fin heureuse...