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Détail et totalité

Détail et totalité

Publié le par René Audet (Source : Maud Hagelstein)

« Détail et totalité »
CIPA (Centre Interdisciplinaire de Poétique Appliquée)
Université de Liège
24-26 octobre 2007



Parce qu’elle a trait aux relations nouées entre les parties et l’ensemble qui les comprend, la question du détail s’investit d’enjeux considérables pour toute tentative de réflexion interdisciplinaire. En effet, dans toutes les disciplines qui s’attachent à rendre un objet visible ou lisible, les théoriciens rencontrent à l’endroit du détail des problèmes analogues que nous voudrions aborder de front, dans une perspective forcément « rapprochée » et plus que jamais attentive à des objets singuliers, que ceux-ci relèvent de la littérature, du cinéma, de la photographie, de la peinture, de la philosophie, de l’architecture, etc.

Qu’est-ce qu’un détail ? - A vouloir saisir le détail dans ses dimensions les plus complexes, l’on se heurte inévitablement à une difficulté première et majeure : celle de déterminer ce que la notion recouvre précisément. Le problème de la définition pourrait déjà occuper longuement le débat. Difficile, voire impossible, d’être exhaustif en la matière tant quelque chose dans le détail semble toujours échapper au souci de catégorisation. Et que dire, par-delà, des notions qui lui sont connexes, mais auxquelles il ne se laisse jamais réduire : fragment, indice, effet de réel, punctum (Barthes), pan (Didi-Huberman), parergon (Derrida), annexe (Lebensztejn) ?

Qui fait le détail ? – Epineux objet d’investigation, presque-rien dans lequel un je-ne-sais-quoi nous retient pourtant, le détail ne se résume pas à un état de fait dont nous serions les témoins distants. Il est au centre d’un processus, d’un mouvement qui s’effectue dans ou avec la représentation. Les développements contemporains de l’esthétique amènent à considérer le détail moins comme un objet que comme un travail (Arasse). On peut parler à cet égard d’ « opération détaillante » (notion qui n’est pas moins pertinente pour les arts plastiques que pour le cinéma par exemple). Il y aurait lieu d’insister sur l’idée d’un « événement », relatif à l’acte de vision, de réflexion et/ou de lecture. Dans la sphère artistique, le détail n’est-il pas tout simplement une condition particulière du regard ? Dans le même registre, une autre question s’impose : qu’en est-il du rapport du détail à la temporalité (au tempo, à la rythmique) et quelle est la spécificité de ce rapport pour chacune de nos disciplines ? L’idée selon laquelle le détail retient notre attention en ce qu’il choque et brusque nos attentes de lecteurs ou de spectateurs semble communément admise. La fulgurance du détail, que beaucoup ont relevée à leur manière, explique que nous soyons saisis par son apparition. Associer le détail à l’expérience oblige encore à se poser les questions suivantes : est-ce la représentation qui fait le détail ? Si oui, peut-elle faire le détail sans le concours du spectateur/lecteur ? S’il y a bel et bien collaboration entre les deux instances, suivant quels paradigmes ou schèmes intériorisés se déploie-t-elle ? Si c'est le spectateur/lecteur qui fait le détail (un détail « vu » peut ne pas avoir été « fait », comme l’a justement observé Daniel Arasse), ce que son geste isole doit-il forcément être réduit à un simple fait de subjectivité, lesté de sa part d’ineffable ? En d’autres termes, existerait-il une objectivité du détail ?

Que fait le détail ? – Le détail n’est rien indépendamment de l’ensemble auquel il se rapporte, dans lequel il se « découpe » (sens étymologique du détail). Le tout est de cerner la nature de leur relation. D’un côté, le détail a pu se manifester en tant que donnée intégrée, instrumentalisée par la représentation. Culturellement parlant, certaines époques ont imposé le détail - qui participait alors d’un certain académisme et d’une théorie classique de la mimesis. Dans une discipline comme l’iconologie, par exemple, le détail, en tant qu’il peut être porteur d’un sens déterminant pour le tout auquel il appartient, se présente souvent comme un indice, une clé interprétative, passage obligé pour accéder à la signification générale de l’œuvre. Une telle perspective accorde au détail une valeur symbolique qu’il serait intéressant de réévaluer.
D’un autre côté, le détail inquiète volontiers les catégories établies qui, confrontées à lui, semblent parfois vaciller sur leurs bases. C’est alors sa capacité de résistance aux méthodes traditionnelles et aux normes collectives qui se trouve mise en relief. Le détail devient, sous les yeux du théoricien, comme le grain de sable qui vient gripper la machine interprétative, participant éventuellement à la mise à nu de ses rouages. En tant qu’il se détache de l’ensemble qui le contient, le détail nous incite à interroger nos propres outils de travail, dans le but de prendre l’exacte mesure de son caractère excentrique. Par conséquent, il convient d’inscrire les multiples et diverses manifestations du détail au sein d’un large continuum, entre ressort intime de la représentation et force de résistance à son ordre, sans négliger tous les degrés intermédiaires.



Mercredi 24 octobre 2007

Matinée :

9h00 : accueil des conférenciers, allocution du Doyen de la Faculté de Philosophie et Lettres.
9h15-10h00 : Laurence Dahan-Gaida (Université de Franche-Comté) :
« Vers une théopoétique du détail : Au Dieu des bagatelles de Botho Strauss »
10h00-10h45 : Jean-Luc Joly (Lycée Jeanson de Sailly, Paris) :
« La Vie mode d'emploi de Georges Perec : un roman totalisant »

(Pause-café)

11h00-11h45 : Marc Parayre (Université de Perpignan) :
« Quand la forêt cache l’arbre : le cas Iceberg de Fred Kassak »
11h45-12h30 : Thierry Ramais (Université de Liège) :
« Détail et contagion visuelle comme motif gothique dans les premiers écrits fantastiques de H.G. Wells »

(Pause déjeuner)

Après-midi :

14h-14h45 : Erika Wicky (Université de Montréal) :
« Le détail pictural à l’épreuve du cadrage photographique »
14h45-15h30 : Justine Soumastre (Université de Bordeaux) :
« La découpe de l’énonciation filmique dans Pandora and the Flying Dutchman (Albert Lewin, 1951) »
15h30-16h15 : Livio Belloï (FNRS, Université de Liège) :
« Effets de détail, effets de pan en cinéma »

(Pause-café)

16h30-17h15 : Anne Moignet–Gaultier (Université de Paris X – Nanterre) :
« Le détail architectural dans la Grèce antique : apparitions, disparitions »
17h15-18h00 : Zeila Tesoriere (Université de Palerme) :
« Le détail à ossature métallique. La préfabrication en acier des années 1930 : nouvelles pratiques de conception »



Jeudi 25 octobre 2007

Matinée :

09h15-10h00 : Alain Vaillant (Université de Paris X – Nanterre) :
« La poésie : un art du détail »
10h00-10h45 : Pascal Durand (Université de Liège) :
« Faute – de tout. Mallarmé et les rêveries de la totalité »

(Pause-café)

11h00-11h45: Delphine Bellis (Université de Paris-Sorbonne IV) :
« Du détail symbolique à la réalité disséquée : la mutation du visible au XVIIe siècle »
11h45-12h30: Steve McCaffery (SUNY Buffalo, New York) :
« The Picturesque Detail : Gilpin, Price, Knight and Contemporary Disjunctive Poetics”

(Pause déjeuner)

Après-midi :

14h-14h45 : Mathilde Bert (Université de Liège/ Université de Paris-Sorbonne I) :
« La genèse du parergon : usages renaissants d'un concept antique »
14h45-15h30 : Maud Hagelstein (FNRS, Université de Liège) :
« Aby Warburg, science du détail et éléments secondaires »
15h30-16h15 : Raphaël Pirenne (FNRS, Université Catholique de Louvain) :
« Le détail dans le dessin »

(Pause-café)

16h30-17h15 : Fabrice Leroy (University of Louisiana at Lafayette) :
« Du détail en bande dessinée »
17h15-18h00 : Karen Mac Cormack (SUNY Buffalo, New York) :
« Taking Reality by Surprise : "Implexures" »

20h15 : Concert à l’An Vert: Lol Coxhill/Alex Maguire/The Wrong Object

Vendredi 26 octobre 2007

Matinée :

09h15-10h00 : Anne Besson (Université d’Artois, Arras) :
« Cohérence d’ensemble et détails discordants : l’exemple du cycle romanesque en fantasy (Tolkien, Moorcock, King) »
10h00-10h45 : Claude-Pierre Perez (Université de Provence, Aix-Marseille I) :
« Le détail dans la liste (comme genre littéraire) »

(Pause-café)
11h00-11h45 : Marc Hersant (Université de Bordeaux III) :
« Myopie et sens de l'histoire chez les mémorialistes d'Ancien Régime »
11h45-12h30 : Patrick Suter et Eric Eigenmann (Université de Genève) :
« Faille » (lecture d’une œuvre)