Essai
Nouvelle parution
Désirs d'hospitalité. De Homère à Kafka

Désirs d'hospitalité. De Homère à Kafka

Publié le par Marielle Macé

Alain Montandon

Désirs d'hospitalité. De Homère à Kafka

Presses Universitaires de France, 2002, 26

Présentation de l'éditeur:

"Il y a une érotique de l'hospitalité, ou plutôt des érotiques, tant l'hospitalité répond à divers désirs, désir d'être accueilli, mais également désir de recevoir et désir de donner. Depuis Homère dont L'Odyssée rejoue sans cesse l'épreuve de l'hospitalité, de Calypso à Circé, de Polyphème à Nausicaa d'Eumée à Pénélope et jusqu'à Klossowski, le geste de l'hospitalité, loin d'être statique, est bien au contraire agité de mille turbulences. Il offre un parcours dynamique qui suit une gamme calculée de gradations propres à la séduction et l'égarement. Les stratégies de l'hospitalité érotique prennent ainsi de nombreuses formes dans la littérature libertine, de Crébillon à Mandiargues, ménageant la surprise comme piment de la volupté dans une mise en scène théâtralisée, autant d'artifices qu'un Jean-Jacques Rousseau, quant à lui, ne tolère guère. L'ermite voit dans l'hospitalité aliénation, mensonge, tromperie. Hôte, voire parasite toute sa vie, il ne supporte ni d'inviter ni d'être invité. Le rêve de l'hospitalité réactive les fantasmes de l'oralité mettant en place le passage du dedans et du dehors, du manger et de l'être mangé, et figures du cannibale et de l'ogre. D'où une question qui hante les protagonistes : qui de l'hôte accueillant ou de l'hôte reçu mangera l'autre ? De nombreux mythes et légendes en montent les péripéties. La reprise que fait Flaubert de la Légende de Saint Julien l'hospitalier met en évidence l'importance du contact, du toucher, de la peau mais de la distance, de la violence qui s'exacerbe dans le crime et dans le sacrifice pour s'évaser dans le miracle ambigu d'une hospitalité inconditionnelle, d'une hospitalité " à corps perdu ", oxymore du supplice et du délice. L'hospitalité, qui touche à l'intime et au Moi, est aussi source d'angoisse devant l'étranger qui fait intrusion, devant le parasite qui dépossède l'hôte de son lieu et de son être, chez Maupassant comme chez Landolfi. Invitation au dialogue, à la conversation, désir de langage, la scène de l'hospitalité met également à l'épreuve la communication entre les êtres, souvent sous une forme tragique comme chez Vercors, Pirandello ou Camus. Kafka exprime mieux que quiconque la gêne engendrée par la cohabitation, la promiscuité de personnes étrangères l'une à l'autre, à commencer par les membres de sa famille qui l'emprisonnent d'une gluante et aliénante hospitalité. D'où la fuite et le mouvement pour la quête d'une intégration impossible. D'où la fatigue, le malaise, le mal-être de celui qui n'est pas que " l'hôte de la langue allemande ", nomade linguistique qui écoute les sons, les bruits, l'inaccompli de la musique. Le besoin d'autohospitalité se confond avec l'écriture, comme tentative d'hospitaliser sa propre étrangeté, et le désir d'hospitalité se confond avec le désir de littérature."