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De quoi le « corps musical » est-il le nom ? Corps/son/musique dans l’écriture et les arts ​scéniques : imaginaires et représentations

De quoi le « corps musical » est-il le nom ? Corps/son/musique dans l’écriture et les arts ​scéniques : imaginaires et représentations

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Pierre Longuenesse)

De quoi le « corps musical » est-il le nom ?

Corps/son/musique dans l’écriture et les arts ​scéniques : imaginaires et représentations

 

De façon récurrente aujourd’hui, écrivains comme dramaturges ou metteurs en scène se référent à la musique pour désigner a minima une composante majeure de leur travail, mais aussi, parfois, une source d’inspiration dans leur processus de création, voire un « modèle d’écriture ». Si les nouvelles perspectives critiques apportées entre autres, depuis 30 ans, par Henri Meschonnic, ont bouleversé l’approche des relations entre langue et corps, rythme, souffle, musique, et écriture, il reste que demeure en friche une réflexion sur les enjeux et le (ou les) sens d’une telle prégnance.

De quoi ce « corps musical » – de l’écriture, de l’acteur, de la scène – est-il donc le nom ?

On se proposera d’ouvrir le débat par une exploration de l’environnement historique, philosophique, poétique, littéraire, voire anthropologique d’un tel questionnement. D’un côté, que nous disent les imaginaires anciens – oriental, grec, médiéval, baroque, romantique, … – sur cette représentation « musicale » du corps dans son rapport à lui-même, à sa mortalité, au profane ou au sacré ? De l’autre, qu’apprenons-nous, par exemple, de travaux sur l’anatomie tels que ceux de Blandine Calais-Germain sur les résonateurs du corps, ou du geste fondateur de François Delsarte, chanteur lyrique, résolvant son aphonie par des exercices du corps, préfigurant ainsi de nouvelles pratiques de la voix et du mouvement ré-investies par les fondateurs de la danse moderne ?

Puis, dans le champ moderne et contemporain de notre réflexion, on partira du postulat que la dimension musicale du son tient à un accent mis sur le medium sonore plutôt que sur le message, que cet accent émane du créateur – écrivain, metteur en scène, interprète – ou qu’il soit le fait du récepteur, lecteur ou spectateur. Depuis Rossolo, puis Cage, la frontière est poreuse entre ce qui ressort du sonore et ce qui entre dans la sphère du musical. La limite du genre est peut-être plutôt du côté de l’idée de composition, elle-même liée à la mise en scène – puisqu’on peut trouver une continuité « musicale » entre corps, espace, lumière, et son – ce que feront nombre de metteurs en scène du XXe au XXIe s.

Nous proposons donc, dans un second temps, d’aborder la question sous trois angles :

- On étudiera les manifestations sonores/musicales du corps dans les écritures théâtrales modernes et contemporaines, et leurs enjeux dramaturgiques ; on s’intéressera ainsi à la qualité rythmique ou musicale des textes, ou aux tensions entre visuel et sonore, entre « bruits » et parole, ou construction et éclatement du discours ; ou enfin à l’écriture de « pièces sonores » (notamment radiophoniques), en s’interrogeant sur l’intersection entre lyrique et dramatique.

- Concernant l’acteur, un autre geste fondateur, celui d’Artaud, « nous reconduit au bord du moment où le mot n’est pas encore né, quand l’articulation n’est déjà plus le cri mais n’est pas encore le discours » (Derrida, Le Théâtre de la cruauté et la clôture de la représentation). La question est alors : de quoi ce « corps sonore/musical » est-il le signe ? Traiter le corps selon une logique musicale, est-ce souligner l’émotion plus que le discours, le lyrisme du soi plutôt que le sujet politique, l’immanence ou la transcendance, le « clinique » ou le métaphysique  ? Et que dire, dans cette perspective, du corps marionnettique, ou de celui du danseur, ou du chanteur ? Par ailleurs, Artaud visait à privilégier un théâtre agissant sur le spectateur. On remarque l’écho que constitue aujourd’hui à cette utopie certaines expériences contemporaines de « théâtre immersif » : lorsque le son, par exemple, est soutenu par de nouveaux supports technologiques, il déjoue les codes attendus de représentation. Prolongés, transformés – musicalisés ? – par la technique, les sons (du corps, de la voix) ouvrent une « autre dimension du sensible ». Comment évaluer alors l’écoute du spectateur, qui ne peut plus être simple déchiffrage, ni simple reconnaissance ?

- Quant au glissement du corps musical individuel à celui, plus collectif, des acteurs dans l’espace, le continuum est souvent revendiqué par les metteurs en scène. La question est alors de savoir quel modèle de pensée, via cet imaginaire musical, vient informer la représentation théâtrale. Par exemple Appia, Craig, et jusqu’à Svoboda, sont des metteurs en scène qui font du rythme l’alpha et l’omega de toute création dans le temps comme dans l’espace, modélisant rythmiquement l’espace en contrepoint des corps. Un imaginaire sacré, sinon biblique, n’est pas étranger à un tel projet. Dans une perspective voisine, peut-on réfléchir sur les liens entre musique et représentation de l’in-dicible de l’absence ou de la mort ? D’un autre côté enfin, la dimension musicale de la mise en scène peut procéder d’un projet épique, auquel concourt la continuité entre la présence du chant, les effets de chœur ou de choralité, et la dynamique rythmique des enchainements. C’est cette continuité qui est à l’origine du « corps sonore » vivant, multiple et en même temps unifié, de l’événement scénique. De Meyerhold à Brook, voire Mouawad, la mise en scène a pour horizon une utopie de « grand récit » dont la musique est une sorte de modèle de représentation.

On le voit, la question est aussi bien philosophique que dramaturgique, esthétique, et politique : qu’est-ce que cette résurgence du fait musical (sur le plan de l’écriture comme sur celui de la scène, et depuis les manifestations concrètes d’une présence instrumentale, jusqu’à un usage « élargi » du terme) dit d’une vision du corps physique, psychique, politique, ou anthropologique. Cette recherche, même si elle se centre sur les arts du spectacle et la musique, se veut donc pluridisciplinaire, et ouverte sur la littérature, la philosophie, l’anthropologie, ou les arts plastiques.

Ce projet prendra la forme d’une journée d’étude organisée à l’université d’Artois le jeudi 4 décembre 2014, elle-même prélude à un colloque les  lundi 9 et mardi 10 février 2015. 

 

Modalités

Les propositions (entre 1000 et 1500 signes, espaces compris) comporteront un titre et un résumé ainsi que des mots-clés. Elles seront accompagnées d'une brève bio-bibliographie de l'auteur. Elles devront parvenir en format Word et PDF par courrier électronique à pierre.longuenesse@wanadoo.fr. Date limite de remise des propositions : le 15 juillet 2014. Réponses aux auteurs : 10 septembre 2014.

 

Comité d’organisation : Axe « praxis et esthétiques des arts » de l’université d’Artois 

Url de référence : http://www.univ-artois.fr/recherche/unites-de-recherche/textes-et-cultures

Adresse : 9 rue du Temple, 62000 Arras