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De l'autorité dans les exils d'Heinrich Mann

De l'autorité dans les exils d'Heinrich Mann

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Nathalie Raoux)

Dans le cadre du séminaire "Dominants et marginaux dans le champ intellectuel allemand exilé" (EHESS), Wolfgang Klein (Univ. d'Osnabrück) interviendra sur "l'autorité dans les exils de Heinrich Mann"

Présentation de la séance :

A partir de textes déjà publiés mais aussi de documents personnels, en partie inédits, je voudrais proposer une réflexion centrée sur un intellectuel - Heinrich Mann - en lequel ses contemporains comme une certaine postérité virent l'un des représentants de l'exil allemand mais qui le fut peut-être dans un autre sens. Un intellectuel qui, s'il ne parlait que pour une minorité avant 1933, et revendiquait l'autorité de parler pour la vraie, la meilleure Allemagne, durant le premier de ses exils (dont il devait dire, en 1945, qu'il « n'en était pas un »), se dut de constater l'échec de ses efforts au moment où débuta pour lui le « vrai » exil, à savoir aux Etats-Unis, à partir d'octobre 1940.
Là disparurent les « Glanz und Wucht » que Kurt Hiller avait pointé en Heinrich Mann - cette splendeur et cette « force » dont le dictionnaire nous dit qu'elle est synonyme d'« énergie cinétique, poids, violence, pression ». Le vrai exil rimait pour Heinrich Mann, avec celui où il n'y avait plus rien à espérer et donc, plus rien à faire. C'était là la conséquence, me semble-t-il, d'une réflexion et d'un sentiment qui aboutirent à une conclusion claire : l'engagement militant avait échoué et, bien plus, ne pouvait être renouvelé. Si H. Mann avait provisoirement cessé ses activités politiques, une première fois, avec l'échec de la Révolution allemande de 1918, pour ne les reprendre qu'en 1923, il en fit de même, au fond, en 1939/40, mais ne revint plus sur cette décision.

Dans une lettre inédite à Franz Carl Weiskopf, en 1947, on lit : « C'est dans mon Henri IV que je trouvai mon véritable refuge, il me rendit supportable ce qui auparavant était à désespérer (les dernières semaines à Berlin). A côté du Henri, j'écrivis aussi, à Nice, Hôtel de Nice - un îlot de calme - La Haine. Il y a dans cette description, qui sinon m'aurait rempli d'amertume, un reflet encourageant venant de la sphère du Henri. Probablement l'exil m'a-t-il calmé, animé, rendu très capable, parce que Henri, et son pays, ont marqué cet exil. [...] Les huit années en France furent une époque heureuse, même avec le pire des avenirs devant les yeux. Depuis 1940, et la fuite vers l'Amérique, tout ce que j'avais conservé décline - la joie, les restes de splendeur, la jeunesse, avant tout la santé de ma femme. Son arrivée en France, son adieu ici, avant qu'elle ne meure “de son plein gré",sont deux journées qui me servent de mesure quant à mon existence et ma production. Après la seconde s'accomplit l'âge, dans les livres et dans la vie. Ce que l'on nomme la sagesse est presque inévitable ; elle se mélange d'ailleurs avec les traces d'une intensité à laquelle je me suis longtemps entraîné. Il est probable que mes derniers romans sont étranges."

Wolfgang Klein est professeur de cultures romanes (Romanische Kulturwissenschaft) à l'Université d'Osnabrück ; recherches sur l'histoire des intellectuels centrées, ces derniers temps, sur l'Association pour la défense de la culture et leurs congrès, sur Heinrich Mann (en cours : l'édition complète de ses essais et écrits pour la presse), sur les voyages entre Paris, Berlin et Moscou dans l'entre-deux-guerres, et sur les revues culturelles en France, en Allemagne et en Russie autour de 1918, 1945 et 1989.

Publications (sélection) :
- (éd. avec Sandra Teroni) Pour la défense de la culture. Les textes du Congrès international des écrivains, Paris, juin 1935. Dijon : Editions Universitaires 2005.

- (éd., avec Walter Fähnders et Nils Plath) Europa. Stadt. Reisende. Blicke auf Reisetexte 1918-1945. Bielefeld: Aisthesis 2006

- éd.) Heinrich Mann / Félix Bertaux: Briefwechsel 1922 - 1948. Frankfurt/Main: S. Fischer 2002, 799 S.

- Commune. Revue pour la défense de la culture 1933-1939. Paris: Editions du CNRS 1988 (éd. allemande 1978).

- (éd.) Paris 1935. Erster Internationaler Schriftstellerkongreß zur Verteidigung der Kultur. Reden und Dokumente. Berlin: Akademie-Verlag 1982.

- “Hartgekochte Eier und subalterne Skribenten. Heinrich Mann, Félix Bertaux, André Gide, Ernst Robert Curtius und die deutsch-französische Verständigung in den zwanziger Jahren". In: lendemains. 101-102/2001, p. 167-186.

- « Prés d'un bourg un peu particulier. Ella Rumpf et Hermann Nuding, Elsa Triolet et Louis Aragon en nov./déc. 1942 à Dieulefit ». In: Les Annales de la Société des Amis de Louis Aragon et Elsa Triolet, vol. 3. Rambouillet: Société des Amis de Louis Aragon et Elsa Triolet 2001, p. 217-233.

- “"Humanismus und Terror". Merleau-Ponty und andere über die Sowjetunion 1945/50". In: Christa Ebert et Brigitte Sändig (éds.): Franzosen und Russen. Linien eines kulturellen Dialogs. Berlin: Krauskopf 2001, p. 69-91.

- “Darf es noch Intellektuelle geben? (Antrittsvorlesung an der Universität Osnabrück)". In: lendemains. 105-106/2002, p. 178-197.

- « « Jeter par la portière un misérable paquet de bourgeoisie ». Gewalt und Glücksanspruch auf dem Pariser Schriftstellerkongreß 1935". In: Hanspeter Plocher etc. (éds.): Esprit civique und Engagement. Festschrift für Henning Krauß zum 60. Geburtstag. Tübingen: Stauffenburg 2003, p. 303-319.

- “Drei Fragen. Vorwor"t. In: Sebastian Thies, Susanne Dölle, Ana María Bieritz (éd.): ExilBilder. Lateinamerikanische Schriftsteller und Künstler in Europa und Nordamerika. Berlin: edition tranvía 2005, p. 7-12.

- “Sowjetisches bei Heinrich Mann". In: Walter Delabar/Walter Fähnders (éds.): Heinrich Mann (1871-1950). Berlin: Weidler 2005, p. 311-346.

- « « Cet air d'aventure. Cet inattendu perpétuel. » Marguerite et Jean-Richard Bloch en URSS (août-octobre 1934 »). In: Wolfgang Asholt/Claude Leroy (éds.): Paris - Berlin - Moscou. Regards croisés (1918-1939), Paris 2006, p. 195-212 (Recherches Interdisciplinaires sur les Textes Modernes, Université de Paris X, Nr. 35).

- “Die Figur des Intellektuellen". In: Europa. Stadt. Reisende, p. 215-230.

- (avec Annick Louis et Sandra Teroni): « Pour la défense de la culture. Interview ». (publié le 15-1-2007) http://www.vox-poetica.com/entretiens/TeroniKlein.html