Agenda
Événements & colloques
Darwinisme et économistes français du XIXe siècle

Darwinisme et économistes français du XIXe siècle

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Geneviève Chignard)

Dans le cadre de son programme de recherches :
Sciences, techniques, pouvoirs, fictions : discours et représentations, XIXe-XXe siècles, l'équipe Traverses 19-21 (Grenoble 3) organise un séminaire de recherche, ouvert à toute personne intéressée, sur :

Positivisme, scientisme, darwinisme dans la littérature et les sciences sociales depuis la seconde moitié du XIXe siècle : triomphe et contestations

La conférence de

Monsieur Nicolas Gallois, ATER en sciences économiques, Paris 2

« Darwinisme et économistes français du XIXe siècle : un amour déraisonné ? »

aura lieu mercredi 12 décembre 2007 de 17h30 à 19h00
à la Maison des Langues et des Cultures,
salle des Conseils, au 2e étage, salle 218
(1141, avenue centrale - Saint Martin d'Hères)


De L'Origine des Espèces de Charles Darwin apparaît au XIXe siècle comme une révolution intellectuelle. Il fait disparaître l'idée de fixité développée notamment par les naturalistes français. Mais est-ce que la révolution intellectuelle du darwinisme se cantonne à la biologie ou s'adresse-t-elle à d'autres disciplines de recherche ? La réponse à cette question à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle est passionnante puisqu'elle va toucher l'ensemble des champs de recherche. Notre travail va consister à analyser la manière dont les économistes vont intégrer l'évolutionnisme dans leurs discours (pas forcément lié uniquement à Darwin mais également à Herbert Spencer qui lui influencera directement toutes les sciences sociales). Mais comment est-ce que les économistes français vont intégrer le discours évolutionniste dans leur discours économique avec un dilemme fondamental entre positif, normatif et prescriptif ? Cette étude permettra de repenser la nature du discours économique au XIXe siècle sur les traces de Darwin et plus particulièrement sur le concept clef qu'est la concurrence qui devient la concurrence vitale ou le struggle for life. Cette étude permettra de mieux comprendre la manière dont les économistes ont utilisé ce nouveau concept qui apparaît comme la clef de voûte de l'analyse du progrès économique puisque c'est la survivance des plus aptes, donc la sélection des meilleurs.

La naissance du concept de concurrence vitale et le rapport entre économie et biologie commence dès la traduction française de l'Origine des Espèces de Darwin. Ce livre de 1859 sera traduit en 1862 par Clémence Royer, économiste française qui dans son introduction d'une cinquantaine de pages à l'oeuvre de Darwin introduit pour la première fois l'utilisation du discours évolutionniste en économie à travers le principe de concurrence. Ce travail est facilité par les aveux de Darwin lui-même qui a trouvé dans la théorie économique de la population de Malthus la nature de son discours évolutionniste. Il s'agit d'un va et vient entre disciplines qui accroît à chaque passage les contenus des différentes approches. De cette découverte d'un discours évolutionniste dans l'étude de la concurrence sur lequel s'applique cette nouvelle théorie, les économistes ne vont pas réagir immédiatement. Cela paraît surprenant et nous ne disposons pas d'explication mais cette découverte restera au début lettre morte.

Il faut attendre presque vingt ans pour que se développe, et de manière spectaculaire, cette nouvelle approche économique avec comme fondement de l'oeuvre de Gustave de Molinari avec une grande discussion sur le rapport entre étude positive et normative des recherches économiques. Celui-ci va réinterpréter l'évolution des sociétés à travers l'évolution du concept de concurrence pour montrer comment ce concept central de l'économie a servi et servira pour apporter les progrès les plus significatifs de l'évolution de la société mais également de l'homme. De cette découverte inscrite dans quatre livres qui exposent l'ensemble de sa théorie, un nombre considérable d'auteurs vont alors assimiler la concurrence au discours évolutionniste. Tous les dictionnaires du XIXe siècle, qu'il s'agisse de dictionnaires économiques ou généraux font apparaître, en plus de la notion de concurrence comme synonyme de liberté des échanges et du travail (à travers la formule du laisser-faire, laisser-passer) la vision de sélection vers le progrès.

En quelques années, cette approche est acceptée par tous, présentée même par les hommes de lettre avec comme meilleur exemple Emile Zola et son roman Le Bonheur des Dames. Mais très rapidement, cette notion de sélection attachée à la notion de concurrence va disparaître. Mais pourquoi la passion déployée pour l'étude de ce concept pendant une vingtaine d'année va-t-elle disparaître presque instantanément ? Les économistes n'avaient-ils pas adopté un peu trop vite cette théorie sans en juger des éléments normatifs ? C'est ce que nous essaierons de montrer.


Nicolas Gallois est ATER en Sciences Economiques à l'Université Paris II Panthéon-Assas et le travail qu'il nous propose correspond à son travail de thèse qui touche à sa fin et qui traite de l'approche de la concurrence chez les économistes français du XIXe siècle et de la place que prennent les thèses évolutionnistes dans leurs discours.
Il n'existe presque aucun document récent sur le sujet à l'exception des contributions de Nicolas Gallois sur Molinari qui représente le mieux cette approche de la fin du XIXe siècle